La quotidienne

Plus fossile à dire qu’à faire

Chères toutes et chers tous,

Jusqu'à la fin de la semaine, Vert passe à l'heure d'Égypte pour vous faire vivre la COP27 comme si vous y étiez. Parce que l'événement le réclame, les éditions quotidiennes seront un peu plus riches qu'à l'accoutumée - le climat le vaut bien!

Mercredi 23 novembre, à partir de 18h15, participez à la soirée « Fin de l’abondance, début du bonheur, », organisée par Makesense et Vert à la Maison du zéro déchet (Paris 12ème). Au menu : Discussion avec le philosophe Patrick Viveret, apéro et posters (des posters ? mais de quoi ?). Inscrivez-vous ici.

📅 Réservez aussi votre soirée du 1er décembre ! On ne peut pas encore vous dire de quoi il s'agit, mais il se trame quelque chose de très très (très) chouette qu'il nous tarde de vous raconter ! Plus d'infos dans les tout prochains jours 🔥

Pour le prochain épisode du Vert du faux, vous avez choisi (à 58%) que nous répondions à la question : « la chasse est-elle nécessaire pour réguler la faune sauvage ? ». Réponse dans l'édition de jeudi !


Les pays riches vantent leur bilan climatique à cri et à cor tandis que les émissions de CO2 se maintiennent à des niveaux records.


Malgré l’urgence climatique, les émissions mondiales de CO2 continuent d’augmenter en 2022

Pas si fossile à faire. Tirées vers le haut par l’usage accru des énergies fossiles, les émissions de CO2 se maintiennent à des niveaux records en 2022, alerte le Global carbon project dans son nouveau bilan annuel.

Elles avaient chuté pendant les confinements successifs de 2020 avant de rebondir fortement en 2021 ; en 2022, les émissions de CO2 devraient grimper à 40,6 milliards de tonnes (gigatonnes - Gt), proche du niveau record (40,9 Gt) atteint en 2019, la dernière année considérée comme « normale » avant le Covid-19. 

Un constat alarmant, qui ne témoigne d’« aucun signe de la diminution nécessaire et urgente pour limiter le réchauffement à 1,5°C », d’après le dernier bilan réalisé par le Global carbon project (GCP), un consortium international de plus de 100 scientifiques issu·es de 80 organisations. Au rythme actuel, le budget carbone, c’est-à-dire le nombre de tonnes de CO2 à ne pas dépasser pour avoir une chance sur deux de contenir le réchauffement à 1,5°C à la fin du siècle, sera épuisé dans neuf ans.

Principale cause du problème : les émissions de CO2 issues des énergies fossiles (gaz, charbon et pétrole) sont en hausse de 1% par rapport à 2021 et atteignent 36,6 GtCO2. Les projections montrent que les émissions diminuent en Chine (-0,9%) et dans l’Union européenne (-0,8%), mais sont en augmentation en Inde (+6%), aux États-Unis (+1,5%) et dans le reste du monde (+1,7%), notamment à cause du rebond de l’aviation après la pandémie.

Le changement d’usage des terres, dont la déforestation, est le deuxième facteur d’émissions de CO2 avec 3,9 GtCO2 en 2022 - un nombre relativement stable sur les dernières années. L’Indonésie, le Brésil et la République démocratique du Congo représentent à eux seuls 58% de toutes les émissions imputables au changement d’affectation des sols.

Autre point d’inquiétude soulevé par le GCP : le changement climatique a réduit les capacités d’absorption et de stockage de carbone des écosystèmes terrestres et des océans - de 17% et 4% respectivement au cours de la décennie 2012-2021. Pour rappel, les puits océaniques et terrestres absorbent environ la moitié des émissions de CO2 et permettent de contenir la hausse des températures sur terre.

Si l’on veut atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, c’est-à-dire l’équilibre entre l’émission et l’absorption de CO2, il faudrait réduire les émissions d’1,4 milliard de tonnes chaque année. Ce qui équivaut peu ou prou à la baisse des émissions en 2020 lors des confinements, précisent les auteur·rices du rapport, soulignant « l’ampleur de l’action requise ».

Quelques jours plus tôt, le programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) indiquait que les engagements pris par les États pour le climat mettaient le monde sur la trajectoire d’un réchauffement « catastrophique » de +2,6°C.

· Vendredi, l’Allemagne a proclamé son retrait du traité de la charte sur l’énergie (TCE), après que les Pays-Bas, l’Espagne et la France (Vert) en ont fait de même ces dernières semaines. Ce traité, très décrié, permet notamment aux entreprises énergétiques d’attaquer en justice des États dont les décisions - même prises au nom du climat - nuiraient à leur rentabilité. - Le Parisien
 

L’Université de Barcelone va former l’ensemble de ses 14 000 étudiant·es et 6 000 professeur·es aux enjeux environnementaux à partir de la rentrée 2024.

« Nous avons besoin que les gouvernements, à commencer par les économies les plus avancées du monde, maintiennent leur engagement à limiter le réchauffement à 1,5°C et à agir rapidement pour le mettre en œuvre »

Ceci n’est pas une mise en garde de Greenpeace ou Just Stop Oil. Dans une déclaration commune publiée samedi, 200 grandes entreprises ont exhorté les gouvernements réunis en Égypte à l’occasion de la COP27, à conserver la marque de 1,5°C pour éviter les pires effets de la crise climatique. « 1,5°C n’est pas un objectif mais une limite » à ne pas dépasser, écrivent-elles. Parmi les signataires de cette adresse musclée : les leaders de l’agroalimentaire Nestlé, Danone et Unilever, la plateforme de e-commerce Amazon, les constructeurs Volvo et Harley-Davidson, mais aussi H&M, Ikea, Microsoft, etc. Des multinationales dont les activités, parfois très polluantes, participent des problèmes qu’elles dénoncent. « Nous sommes prêts à assurer une transition juste et un avenir équitable et inclusif pour tous », assurent-elles. Plutôt que de se tenir prêtes, peut-être faudrait-il franchement s’y mettre ?

Le bide de Joe. Vendredi, lors d’une visite expresse qui a duré trois heures, le président des États-Unis Joe Biden a présenté son pays comme un leader climatique mondial. Il a élevé au rang de priorité nationale la réduction des émissions de gaz à effet de serre et dévoilé un projet de réglementation pour diminuer les rejets de méthane. En revanche, pas de mention des « pertes et dommages », un sujet crucial pour les pays du Sud (Vert). L’émissaire américain à la COP27, John Kerry, a même balayé l’idée d’un mécanisme de compensation juridiquement contraignant pour financer les destructions liées au climat, ce qui a valu aux États-Unis « le fossile du jour », décerné samedi par le réseau action climat international, qui récompense le pire élève des négociations. - Le Monde (abonné·es)
 

NLMK, OKLM. Parmi la délégation russe, on trouve deux milliardaires sous le coup de sanctions de la part du Royaume-Uni ou de l’Union européenne : l’ancien magnat de l’aluminium Oleg Deripaska et le fondateur d’une société d’engrais EuroChem Group basée en Suisse. Parmi les lobbyistes russes venus faire des affaires à Charm el-Cheikh, plusieurs font aussi partie d’entreprises sanctionnées par l’Union européenne ou les États-Unis, comme le géant du gaz Gazprom, ou les métallurgistes Severstal et NLMK. - The Guardian (en anglais)
 

Marche et crève. Samedi, en raison de l’interdiction des manifestations de rue en Égypte, la marche de la société civile pour la justice climatique a dû se tenir à huis clos dans l’enceinte de la COP27, considérée comme une zone internationale. Quelques centaines de manifestant·es ont défilé dans les allées et exprimé leur solidarité avec les prisonniers politiques. En tête de cortège, Sanaa Seif, la sœur d’Alaa Abdel Fattah, qui avait cessé de boire à l’ouverture de la COP (notre article). - Le Monde (abonné·es)
 

1,5°C ou rien. Ce week-end, les pays les plus vulnérables face au changement climatique ont rappelé avec force l’importance de l’objectif de limiter le réchauffement à +1,5°C (à la fin du siècle) dans les négociations climatiques, conformément à l’Accord de Paris. Les 58 pays du Climate vulnerable forum, les 46 nations les moins avancées (Least developed countries) et les 39 membres de l’Alliance des États insulaires (AOSIS) ont réclamé que cet engagement soit bien intégré au texte final de la COP27, alors que certains pays souhaiteraient remettre en question cet objectif (Libération).

B comme Budget carbone

Pour espérer contenir l’élévation des températures, l’humanité ne peut plus émettre qu’une certaine quantité de gaz à effet de serre : c’est ce que l’on appelle les « budgets carbone ». Comme l’a rappelé le Giec dans son dernier rapport (notre décryptage), pour s’assurer (à 83%) de rester sous la barre de 1,5°C de réchauffement d’ici 2100, les États ne peuvent plus relâcher que 300 gigatonnes (Gt – milliards de tonnes) de CO2, soit environ six années au rythme actuel. Et 900Gt pour ne pas dépasser 2°C. Retrouvez ici l’épuisement de ces budgets, actualisés en temps réel.

Ça vole détour. Dan Hodd est violoniste, cycliste et militant du mouvement écologiste Extinction Rebellion. Parti d’Espagne fin septembre, il a rejoint la COP27 en Égypte sans prendre l’avion, alternant entre vélo, auto-stop et transports en commun. Freja Refning Hansen et Elise Krag, deux documentaristes danoises, l’ont suivi sur une partie du trajet, qu’elles raconteront bientôt dans une série de courts-métrages. Nous les avons rencontré·es à Charm el-Cheikh. Un entretien à découvrir sur vert.eco

Dan et son vélo à Istanbul (Turquie) lors de son trajet. © DR

+ Loup Espargilière, Lyse Mauvais et Juliette Quef ont contribué à ce numéro