Entretien

Il s’est rendu à la COP27 en train et en stop : entretien avec Dan Hodd, d’Extinction Rebellion

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Ça vole détour. Dan Hodd est vio­loniste, cycliste et mil­i­tant du mou­ve­ment écol­o­giste Extinc­tion Rebel­lion. Par­ti d’Espagne fin sep­tem­bre, il a rejoint la COP27 en Égypte sans pren­dre l’avion, alter­nant entre vélo, auto-stop et trans­ports en com­muns.

Son but : mon­tr­er qu’on peut voy­ager loin en émet­tant moins de CO2, et témoign­er des crises envi­ron­nemen­tales ren­con­trées au long de sa route. Fre­ja Refn­ing Hansen et Elise Krag, deux doc­u­men­taristes danois­es, l’ont suivi sur une par­tie du tra­jet, qu’elles racon­teront bien­tôt dans une série de courts-métrages. Nous les avons rencontré·es à Charm el-Cheikh.

Vous avez traversé une bonne partie du Moyen-Orient à vélo, en stop et en transports en communs. Pourquoi avoir entrepris ce voyage ?

Dan Hodd : Je voy­age à tra­vers le monde à vélo depuis six ans. Il est essen­tiel de repenser la manière dont nous voy­a­geons au 21ème siè­cle. Nous nous déplaçons de plus en plus sou­vent et plus loin qu’auparavant, et nous le faisons de la manière la moins durable de notre His­toire.

Dan et son vélo à Istan­bul (Turquie) lors de son tra­jet. © DR

Pour­tant, nous dis­posons de con­nais­sances et de tech­nolo­gies suff­isantes pour trou­ver des alter­na­tives. Et avant, nous avions aus­si les infra­struc­tures néces­saires pour le faire. Jusqu’à la fin des années 90, il était pos­si­ble d’aller à Bag­dad depuis Berlin en train ! Il y avait de nom­breux fer­rys, plein de bateaux qui vous ame­naient d’Alexandrie en Égypte à Chypre, en Turquie ou en Grèce. Le dernier de ces bateaux a cessé d’opérer en 2005, et depuis la région a vécu telle­ment de con­flits […] qu’il n’y a presque plus de con­nex­ion entre les pays de la région. Les réseaux transna­tionaux [de trans­port, NDLR] se sont écroulés. J’essaie donc de mon­tr­er la com­plex­ité de cette sit­u­a­tion : cela brise le cœur de voir que nous avons per­du tous ces moyens de trans­port à un moment où nous devons juste­ment repenser la manière dont nous voy­a­geons.

Le Moyen-Orient est souvent perçu comme une région dangereuse. Quelles ont été vos impressions ?

Dan Hodd : Au total, il m’a fal­lu cinq semaines pour attein­dre Charm el-Cheikh depuis l’Europe, en pas­sant par la Turquie, l’Iraq, le Koweït, l’Arabie Saou­dite et la Jor­danie. Nous ne nous sommes séparés qu’une seule fois, en pas­sant par l’Irak, pour une ques­tion de visa. À part un inci­dent en pas­sant par Bag­dad, je ne me suis pas sen­ti en insécu­rité.

Dan Hodd joue du vio­lon enchaîné aux côtés de militant·es d’Ex­tinc­tion Rebel­lion pen­dant la COP26, en novem­bre 2021. © Mar Sala Oltra

En fait, les prin­ci­paux dan­gers que j’ai ren­con­trés étaient liés à la pol­lu­tion de l’air. À Bag­dad, la cir­cu­la­tion est folle. Le plus dif­fi­cile en tant que cycliste, c’était de respir­er toutes ces hor­ri­bles fumées qui sor­taient des pots d’échappement. Faire du vélo au milieu de tout ça, même en por­tant un masque, c’est prob­a­ble­ment la chose la plus dan­gereuse que j’ai vécue pen­dant le voy­age. À part ça, j’ai vu des paysages incroy­ables.

Fre­ja Refn­ing Hansen : On s’est dit que ce voy­age serait aus­si une bonne occa­sion de doc­u­menter les cul­tures locales, sou­vent incom­pris­es. Je pense surtout au Kur­dis­tan, à l’Irak et à la Jor­danie.

Quand mes amis ont appris que j’allais en Irak, leur réac­tion a été plutôt… dra­ma­tique, je dirais. Ça a dû leur faire bizarre quand je les ai appelés depuis Erbil [au Kur­dis­tan irakien, NDLR] pour leur dire : “je me sens com­plète­ment en sécu­rité, j’ai des amis super ici qui nous aident, nous avons ren­con­tré des envi­ron­nemen­tal­istes qui nous emmè­nent voir des cours d’eau incroy­able­ment pol­lués, et ils essaient de sauver les tortues…”

Maintenant que vous êtes arrivés à la COP27, quels sont vos projets ?

Dan : Je n’ai pas accès à la Zone Bleue [réservée aux organ­i­sa­tions accréditées, NDLR]. Je n’ai donc aucun moyen en tant d’activiste d’y faire enten­dre ma voix. En fait, je me sen­tais plus capa­ble de faire une con­tri­bu­tion sig­ni­fica­tive à tra­vers mon voy­age. Le fait d’être ici en physique­ment… Il y a plein de per­son­nes très intel­li­gentes, opposées à cer­tains aspects du sys­tème et qui peu­vent par­ticiper aux con­ver­sa­tions. Elles n’ont pas besoin de ma présence ici pour le faire. Mais illus­tr­er cer­tains enjeux en faisant ce voy­age jusqu’à la COP sans vol­er, voilà quelque chose qui m’est pro­pre.