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À la COP27, les pays riches refusent toujours de mettre la main au porte-monnaie

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Tends l’argent ! Mer­cre­di, le troisième jour du som­met cli­ma­tique était con­sacré à la finance cli­mat. Les rares annonces des pays rich­es sont restées très en deçà des attentes de leurs homo­logues du Sud.

Le change­ment cli­ma­tique est une his­toire de gros sous. L’Agence inter­na­tionale de l’énergie estime qu’il faudrait tripler les investisse­ments dans les éner­gies bas car­bone d’ici à 2030 pour sor­tir (enfin) des fos­siles, soit 4 200 mil­liards de dol­lars (soit autant d’euros) par an. La moitié de ces investisse­ments dédiés à l’« atténu­a­tion » (la réduc­tion des gaz à effet de serre à l’origine du change­ment cli­ma­tique) devraient être fléchés directe­ment vers les pays émer­gents et en développe­ment. À la même date, les besoins en adap­ta­tion auront atteint 300 mil­liards de dol­lars par an, comme l’a rap­pelé le Secré­taire général des Nations Unies, Anto­nio Guter­res, en ouver­ture du som­met.

Les pertes et dom­mages provo­qués par les cat­a­stro­phes météorologiques pour­raient coûter entre 290 et plus de 580 mil­liards de dol­lars par an, selon Oxfam. Elles ont déjà généré 227 mil­liards de dol­lars de pertes économiques sur les dix pre­miers mois de 2022, selon l’assureur Aon.

Réuni·es mer­cre­di 10 novem­bre à l’ex­térieur du cen­tre de con­ven­tion où a lieu la COP27, à Charm el-Cheikh (Égypte), des manifestant·es ont réclamé une plus grande ambi­tion autour du finance­ment des pertes et dom­mages. © Ahmad Gharabli / AFP

Or, déjà très insuff­isants, les mai­gres 100 mil­liards de dol­lars par an que les pays du Nord avaient promis à ceux du Sud dès 2020 ne sont tou­jours pas atteints. En cause notam­ment, le refus du Con­grès améri­cain de vers­er les 11,4 mil­liards de dol­lars promis par Joe Biden.

Pour con­tourn­er ce blocage, son gou­verne­ment a annon­cé hier un éton­nant « accéléra­teur de tran­si­tion énergé­tique ». Celui-ci serait basé sur le rachat par des entre­pris­es améri­caines de crédits car­bones (ou droits à émet­tre) générés par des pro­jets d’énergies renou­ve­lables dans les pays en développe­ment. Le tol­lé a été immé­di­at et pour cause : les entre­pris­es con­cernées pour­raient utilis­er ces crédits pour com­penser leurs pro­pres émis­sions. « Le but n’est pas de génér­er des crédits pour que d’autres con­tin­u­ent d’utiliser du car­bone », a rétorqué le prési­dent rwandais Paul Kagamé.

L’agence bri­tan­nique de crédits à l’export – qui accorde des prêts aux acheteurs étrangers de biens et ser­vices bri­tan­niques – a décidé d’in­tro­duire une « clause de résilience cli­ma­tique » dans ses con­trats. Si un crédi­teur est frap­pé par une cat­a­stro­phe cli­ma­tique, le rem­bourse­ment de sa dette sera inter­rompu pen­dant deux ans pour par­er à l’ur­gence — un délai rel­a­tive­ment lim­ité face à l’am­pleur de cer­tains dégâts. Le prési­dent français, Emmanuel Macron, souhaite que le Fonds moné­taire inter­na­tionale ou la Banque mon­di­ale adoptent de telles claus­es.

Sur le sujet cru­cial du finance­ment des pertes et dom­mages, une poignée de pays a promis de met­tre la main au porte-mon­naie : le Dane­mark (13 mil­lions d’euros), l’Allemagne (170 mil­lions), l’Irlande (10 mil­lions), l’Autriche (50 mil­lions), l’Écosse (7 mil­lions) ou encore la Bel­gique (2,5 mil­lions).

Hélas, « il n’y a pas ou peu d’argent frais, c’est-à-dire que ces fonds sont pris sur d’autres enveloppes de l’aide au développe­ment », con­state Aurore Math­ieu, respon­s­able des poli­tiques inter­na­tionales au Réseau action cli­mat. Le Nord esquive mais « pense-t-il hon­nête­ment que cette ques­tion va dis­paraître toute seule ? », s’interroge de son côté Friederike Roder, vice-prési­dente de l’ONG Glob­al Cit­i­zen.