Chères toutes et chers tous...
⏰ Ce soir à 19h, la REcyclerie de Paris (18ème) inaugure son exposition sur le journal précurseur de la presse de l'écologie La Gueule ouverte, fondé il y a 50 ans cette année, avec un débat intitulé « l'information écologique est-elle subversive par nature ? ». Une vaste question à laquelle tentera de répondre notre journaliste Anne-Sophie en compagnie d'Hervé Kempf, fondateur du média écologiste Reporterre. Pour assister à l'événement, inscrivez-vous en cliquant ici.
La nouvelle première ministre aura la tâche herculéenne de remplir les douze travaux climatique (et bien plus) de la France avant la décennie prochaine.

Les 12 travaux écologiques du nouveau gouvernement d’Elisabeth Borne
La composition du nouveau gouvernement devrait être annoncée ce vendredi après-midi. Tour d’horizon des vastes chantiers qui se présentent à l’ouverture d’un quinquennat décisif pour le climat.
→ Remettre la France dans les clous climatiques
Lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron (son bilan climatique), la France a été condamnée pour n’avoir pas respecté les objectifs contenus dans la Stratégie nationale bas-carbone - la feuille de route climatique de la France, qui prévoit d’atteindre une baisse de 40% des émissions de CO2 d’ici à 2030 (par rapport à 1990). Le gouvernement se devait aussi d’expliquer quelles mesures il allait prendre pour atteindre cette marque intermédiaire vers la neutralité carbone (le point d’équilibre où les dernières émissions de CO2 sont intégralement compensées) en 2050. Hélas, il n’a rendu qu’une pâle copie au Conseil d'Etat (Vert). Pire, l’Union européenne s’est fixé un nouvel objectif encore plus ambitieux : -55% d’émissions en 2030.
→ Décarboner l’ensemble de l’économie (rien de moins)
Alors que ce nouveau quinquennat court jusqu’en 2027, le gouvernement va devoir amorcer un changement de cap radical. Et pour cela, il va falloir massivement tourner le dos aux énergies fossiles. Si Emmanuel Macron a promis de mettre en chantier de nouveaux réacteurs, ceux-ci ne produiront pas un kilowattheure avant une vingtaine d’année. Dans l’attente, la France devra rattraper son retard sur le développement des énergies renouvelables et faire preuve de sobriété. Le vaste chantier de la rénovation thermique des logements (notre analyse) devra enfin être lancé ; l’industrie reste à décarboner, tout comme les mobilités, l’agriculture… Bref, l’économie et la société tout entières.

→ Enrayer l’effondrement du vivant
Sortie du glyphosate remise aux calendes grecques, retours des néonicotinoïdes - ces pesticides interdits en raison de leur dangerosité pour le vivant -, artificialisation toujours plus grande des terres, constructions d’autoroutes, cadeaux aux chasseurs, privatisation de la gestion forestière ; en matière de biodiversité, le bilan du président sortant est lourd. Or, parmi ses innombrables bienfaits (dont celui de nous maintenir en vie), c’est le vivant qui absorbe l’essentiel du CO2, garde l’humidité, empêche les glissements de terrain lors de fortes pluies, etc. Autant d’atouts dans un monde en surchauffe. Le nouveau gouvernement devra urgemment trouver comment concilier l’économie et la sauvegarde du vivant.
→ Adapter le pays aux bouleversements climatiques
Après avoir battu trois années de suite des records de sécheresse agricole (2018, 2019, 2020), la France est à nouveau menacée cette année. Signe que le vaste chantier de l’adaptation aux bouleversements climatiques n’a pas réellement été entamé, les conflits se multiplient autour de l’accès à la ressource en eau - comme en témoignent les heurts qui accompagnent le creusement de « mégabassines » agricoles. Comment (re)bâtir les villes ? De quelles essences peupler les forêts ? Quelle agriculture dans un climat réchauffé de 2, 3 ou 4 °C, avec une multiplication d’épisodes météorologiques extrêmes ? Autant de questions auxquelles le gouvernement d’Élisabeth Borne va devoir réfléchir rapidement.
→ Planifier
Tous ces chantiers nécessitent une préparation sur de nombreuses années, à laquelle le temps politique nous a déshabitué·es. C’est le sens de la « planification écologique » appelée de ses vœux par le candidat insoumis Jean-Luc Mélenchon, reprise par Emmanuel Macron dans l’entre-deux-tours. L’an prochain, une vaste loi de programmation Énergie-climat, qui devra définir de nombreuses orientations en matière de transition (énergie, logement, production, mobilités, etc.), est prévue. Puis, en 2024, de nouvelles versions des feuilles de route nationales sur l’énergie (la Programmation pluriannuelle de l’énergie) et le climat (Stratégie nationale bas-carbone) sont attendues. Si la planification est essentielle, elle n’est pas un gage de bons choix. Élisabeth Borne aura la lourde tâche de mettre la France sur de bons rails pendant de prochaines années cruciales pour le climat et le vivant.

· Mercredi, le ministère de l’Intérieur a publié pour la première fois les chiffres des atteintes à l’environnement enregistrés par la police et la gendarmerie. De l’exploitation forestière illégale aux infractions aux règles de prévention incendie, 31 400 délits ou contraventions ont été recensés en 2021. C’est 7% de plus qu’en 2016, avec une explosion du nombre d’infractions liées à la pollution et aux déchets. - Reporterre
· Jeudi, l’entreprise EDF a annoncé que le chantier de construction de deux réacteurs à eau pressurisée EPR au Royaume-Uni aurait 15 mois de retard, et engagerait un surcoût de trois milliards de livres (environ 3,5 milliards d’euros). Comme pour l’EPR de Flamanville, en France, les délais avant le démarrage de la production électrique ne cessent de s’allonger : déjà repoussé l’an dernier à juin 2026, le démarrage de la centrale d’Hinckley Point n’est pas attendu avant la fin 2027. - Le Monde (AFP)


170 000
Don qui choque. Jeudi, la région Hauts-de-France a accordé une subvention de 170 000 sur trois ans à une fédération anti-éolien. Fondé en janvier 2022, l’organisme Stop éoliennes a pour objectif de regrouper toutes les associations hostiles à leur implantation dans les Hauts-de-France. À elle seule, la région regroupe 25 % des éoliennes installées sur le sol français. La fédération entend notamment accompagner les recours en justice contre l’installation de nouveaux mâts, mais aussi réaliser des enquêtes prospectives et informer les gens sur les impacts de cette source d’électricité décarbonée. Le président (LR) de la région, Xavier Bertrand, est connu pour sa croisade contre les moulins à vent. Mais c’est la première fois qu’une collectivité publique financera ouvertement un lobby anti-éolien. Plus d’informations dans cette enquête de Basta !

Au cœur de l’Enquête Sauvage d’Anne-Sophie Novel
Anne-Sophie Novel est journaliste (à Vert), réalisatrice et écrivaine. Fruit d’un an de recherches et d’expérimentations, son Enquête Sauvage tout juste parue (La Salamandre) explore les liens entre les humains et leur écosystème à travers le témoignage riche et documenté de son autrice. De cette quête de perceptions et d’émotions en pleine nature, Vert dévoile les bonnes feuilles.
« J’ai envie de tester cet « art fragile et raffiné consistant à se camoufler dans la nature pour attendre une bête dont rien ne garantit la venue », que décrit si bien Sylvain Tesson dans La Panthère des neiges. Dans cet ouvrage, le célèbre écrivain narre le voyage dans lequel le photographe animalier Vincent Munier l’a embarqué, au Tibet, à la rencontre des yacks, des loups, des ânes sauvages et de la rarissime panthère des neiges. Il y explique en quoi cette pratique est « anti-moderne », dans le sens où elle oblige à accepter la patience et l’incertitude : « Les bêtes surgissent sans prémisse puis s’évanouissent sans espoir qu’on les retrouve. Il faut bénir leur vision éphémère, la vénérer comme une offrande. » Nous nous y attelons donc, un soir d’automne, avec ma fille Adèle, désireuse de m’accompagner lors de ma première tentative, à 300 m de la maison, près de l’étang, en lisière de forêt. L’idée est d’assister au coucher des oiseaux et de voir d’éventuels autres animaux, sangliers ou chevreuils.

Il est 17 h 30 lorsque nous nous posons près de la petite cabane en bois qui borde le plan d’eau. La nuit commence à tomber et nous arrivons à tenir, de notre point de vue tout du moins, un joli silence simplement entrecoupé par quelques chuchotements destinés à entretenir notre attention. La première observation que j’effectue alors me renvoie à des considérations purement matérielles : malgré les différentes couches de vêtements que nous portons et le plaid que nous avons emmené, le froid et l’humidité tombent vite et me glacent les pieds. La prochaine fois, j’anticiperai mieux : il n’y a pas de mauvais temps, il n’y a que de mauvais équipements. »
L'enquête sauvage, La Salamandre, 2022, 256 pages, 20€
De nombreux autres extraits de l’Enquête Sauvage sont à retrouver sur vert.eco

Sylvain Tesson : « La beauté de notre existence tient dans son caractère éphémère »
À la vie, à la mort. « Le problème de la vie, ce n’est pas sa durée, mais sa beauté ! » Invité de la matinale de France inter il y a peu, l'écrivain Sylvain Tesson y partageait les réflexions qui le portent dans son dernier ouvrage, Noir (Albin Michel). « Je ne vois pas tellement de différence entre l'Himalaya, la beauté du monde, la montagne, l'exaltation vitale et la certitude qu'on va mourir. C'est au contraire un appel qu'il faut absolument avoir à l'esprit. » À méditer.

+ Loup Espargilière, Juliette Quef et Anna Sardin ont contribué à ce numéro