Cancre du climat. Le Conseil d’État avait exigé du gouvernement qu’il dévoile des mesures supplémentaires pour renforcer la lutte contre le changement climatique et atteindre ses objectifs pour 2030. Mercredi soir, toutes trompettes dehors, l’exécutif lui a transmis une réponse bâclée et ambiguë.
La France est-elle enfin en bonne voie pour sortir de l’illégalité climatique ? C’est, en tout cas, le message que le gouvernement a tenté de faire passer en publiant, ce mercredi, sa réponse au Conseil d’État dans le cadre de l’affaire Grande-Synthe, du nom de cette commune côtière du Nord s’estime menacée par la montée des eaux liée au bouleversement du climat. Début 2019, elle avait saisi la justice avec l’aide des ONG de l’Affaire du siècle et des villes de Paris, Bordeaux et Toulouse pour demander au gouvernement de prendre des mesures plus ambitieuses afin de respecter ses propres objectifs de baisse des émissions, contenus dans la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), la feuille de route nationale.
En 2020, alors que la France était hors de la trajectoire vers 2030, le Conseil d’État avait sommé l’exécutif de se justifier une première fois. Peu convaincu par la réponse du gouvernement, il avait réitéré sa demande en juillet 2021. Dans une décision historique, la plus haute juridiction administrative française avait donné jusqu’au 31 mars dernier à l’exécutif pour « prendre des mesures supplémentaires » pour atteindre ses objectifs : une baisse de 40 % des émissions d’ici à la fin de la décennie.
« Le Conseil d’État [observe] d’une part que la baisse des émissions en 2019 est faible et que celle de 2020 n’est pas significative, car l’activité économique a été réduite par la crise sanitaire, et d’autre part que le respect de la trajectoire, qui prévoit notamment une baisse de 12 % des émissions pour la période 2024-2028, n’apparait pas atteignable si de nouvelles mesures ne sont pas adoptées rapidement », peut-on lire sur le site de la plus haute juridiction administrative dans le message qui accompagne cette injonction inédite.
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Publiée mercredi avec plus d’un mois de retard, la réponse du gouvernement se veut rassurante : l’exécutif vante longuement le bilan du quinquennat et assure qu’une « étude externe indépendante » démontre que la France est sur la bonne voie pour respecter ses engagements. Sans jamais préciser la source de ladite étude. L’eurodéputé écologiste Damien Carême, ex-maire de Grande-Synthe à l’origine du recours, a fustigé « une pure opération de communication, une insulte à l’avenir ».
« Ils retracent toutes les actions menées depuis 2017 dans une sorte d’inventaire à la Prévert, alors que le Conseil d’État avait justement jugé en juillet que ce n’était pas suffisant et réclamait la preuve de mesures supplémentaires », explique à Vert Justine Ripoll, responsable de campagne pour Notre affaire à tous (NAAT), une des associations qui avaient soutenu la commune du Nord dans son recours.
Second tour de passe-passe : le gouvernement met en avant l’ensemble des mesures prévues dans la loi « climat et résilience » votée en août 2021. Fin février, le média Contexte révélait pourtant que le taux d’application de la loi ne s’élevait qu’à 14 % six mois après sa promulgation. Enfin, la réponse du gouvernement s’appuie sur la relance du nucléaire promise d’ici 2050 par Emmanuel Macron pour justifier la trajectoire de décarbonation de la France. « Il a annoncé la construction de six réacteurs de type EPR2 d’ici 2050 ainsi que le lancement d’études pour la construction de huit réacteurs EPR2 supplémentaires », fait valoir le communiqué. Sans prendre en compte que le Conseil d’État attendait des mesures effectives d’ici à 2030… soit vingt ans plus tôt.
Un document plus étoffé devrait compléter cette synthèse dans les jours à venir et pourrait peut-être rassurer les associations sur le sérieux de l’action climatique de l’exécutif. Pour Justine Ripoll, « honnêtement, il est permis d’en douter ».
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