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Affaire Grande-Synthe : face au mutisme du gouvernement, le Conseil d’État est à nouveau saisi

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Recours tou­jours. Con­damné par la plus haute juri­dic­tion admin­is­tra­tive, l’État avait jusqu’à ce jeu­di pour cor­riger son inac­tion cli­ma­tique. Devant l’empressement de ce dernier à ne rien faire, des col­lec­tiv­ités et des ONG deman­dent une astreinte finan­cière.

En matière d’i­n­ac­tion cli­ma­tique, l’État français est un récidi­viste. Au cours de la seule année 2021, il a été con­damné par le tri­bunal admin­is­tratif de Paris dans le cadre de l’« Affaire du siè­cle », puis par le Con­seil d’État dans l’affaire dite « Grande-Syn­the ». La plus haute juri­dic­tion admin­is­tra­tive avait été saisie en jan­vi­er 2019 par cette com­mune du Nord située en bord de mer et qui s’es­time men­acée par la mon­tée des eaux. Rejointe dans son com­bat par les villes de Paris, Bor­deaux ain­si que par les asso­ci­a­tions de l’Af­faire du siè­cle (Green­peace, Oxfam, Notre Affaire à tous et la FNH), elle a obtenu gain cause en juil­let dernier lorsque le Con­seil d’État a enjoint au pre­mier min­istre de « pren­dre toutes mesures utiles per­me­t­tant d’infléchir la courbe des émis­sions de gaz à effet de serre pro­duites sur le ter­ri­toire nation­al ».

Neuf mois plus tard, et alors que le délai accordé par les sages est écoulé, le min­istère de la tran­si­tion écologique est resté étrange­ment silen­cieux sur le sujet, ce 31 mars. Tout juste a‑t-il con­fié à l’AFP que « la cohérence de l’ac­tion menée ces dernières années » place la France « sur la tra­jec­toire d’émis­sions à laque­lle elle s’est engagée ». Pour appuy­er ses dires, il cite notam­ment la loi « cli­mat et résilience », qui a pour­tant large­ment détri­coté les mesures pro­posées par la Con­ven­tion citoyenne pour le cli­mat, qu’elle devait repren­dre « sans fil­tre », ou encore les 30 mil­liards du plan de relance fléchés vers la tran­si­tion écologique.

Or, le compte n’y est pas. En 2018, se sachant hors des clous de la Stratégie nationale bas-car­bone, feuille de route cli­ma­tique de la France, le gou­verne­ment avait choisi de chang­er ses objec­tifs de baisse des émis­sions, pour reporter l’essentiel de l’effort après 2024. Et c’est parce qu’il n’a pas respec­té ses objec­tifs qu’il a été con­damné, dans le cadre de l’Affaire du siè­cle, à rat­trap­er les 15 mil­lions de tonnes de CO2 émis­es en trop entre 2015 et 2018 (Vert).

« En rai­son du retard accu­mulé par la France, le rythme actuel de réduc­tion annuelle devra pra­tique­ment dou­bler, pour attein­dre au moins 3,0 % dès 2021 (-13 Mt éqCO2) et 3,3 % en moyenne sur la péri­ode du troisième bud­get car­bone (2024–2028) », écrivait le Haut Con­seil pour le cli­mat en juin dernier.

Le cab­i­net d’av­o­cats Hug­lo Lep­age, qui défend la com­mune de Grande-Syn­the et la ville de Paris, a donc décidé de saisir de nou­veau le Con­seil d’É­tat pour faire con­stater la carence de l’É­tat et deman­der une astreinte jour­nal­ière jusqu’à ce que de nou­velles mesures soient engagées. Les qua­tre asso­ci­a­tions de l’Af­faire du siè­cle déposeront égale­ment dans quelques semaines un mémoire « pour faire val­oir que les nou­velles mesures n’auront pas d’impact sur le retard cli­ma­tique de la France et impos­er à l’É­tat le respect de ses objec­tifs », ont-elles annon­cé dans un com­mu­niqué.