Chères toutes et chers tous,
Pendant quelques jours encore, Vert sera à l'heure émiratie pour vous faire vivre la COP28 comme si vous y étiez. Décryptage des décisions annoncées, coulisses des négociations et dessous de l'organisation du sommet à Dubaï : on vous raconte tout !
Des lobbyistes par milliers, un président qui tance la science et un bras de fer sur la sortie des fossiles, qui pour gagner la COP28 ?
Après une semaine de négociations, la COP28 peut encore bien se finir
Le vert à moitié plein. Énergies fossiles, financements… à Dubaï, des options ambitieuses sont encore sur la table après une première semaine de négociations. Le meilleur est donc encore possible, tout comme le pire, préviennent plusieurs observateurs.
À Dubaï, les négociations techniques ont fait place en cette fin de semaine aux tractations politiques pour faire gagner telle ou telle formule dans les textes en négociations. Le plus important d’entre eux est le bilan mondial («global stocktake»), qui doit permettre aux pays d’identifier collectivement des pistes d’amélioration de leur action climatique. Un nouveau texte provisoire, qui sert de base aux discussions, est sorti ce vendredi après-midi.
Impossibles fossiles
Le maintien, notamment grâce à l’Union européenne, d’une phrase clé sur la sortie des énergies fossiles dans ce texte suscite l’espoir des associations environnementales. Celle-ci prévoit «une élimination progressive des combustibles fossiles conformément aux meilleures données scientifiques disponibles». Aucune date n’est toutefois mentionnée.
La Chine, l’Inde et le groupe des pays arabes souhaitent activement sa suppression et militent pour le maintien d’une autre phrase sur l’augmentation «substantielle» du recours aux technologies de captage et stockage du carbone (CCS), extrêmement coûteuses et embryonnaires, que beaucoup qualifient de mirage technologique.
Menu : monnaie
La question cruciale des financements est également au cœur du bilan mondial. La COP a démarré sur une «immense victoire diplomatique» avec la création d’un fonds dédié aux pertes et dommages irréversibles liés aux catastrophes climatiques (notre article). Mais celui-ci reste gravement sous-doté, rappelle Fanny Petitbon, de l’ONG Care France. Les contributions volontaires des pays développés atteignent 655 millions de dollars : «des cacahuètes» comparée aux besoins estimés par des experts indépendants à 580 milliards de dollars par an d’ici à 2030.
What the COP ?
À mi-parcours, les observateurs s’inquiètent plus que jamais des parades et diversions qui se maintiennent dans les textes en négociations. Judith Lachnitt, spécialiste du climat et de souveraineté alimentaire chez Secours Catholique-Caritas, s’inquiète notamment du texte consacré aux crédits et marchés carbone. En l’état actuel, il «laisse la porte ouverte à des activités de géoingénierie, de fertilisation des océans et des choses aussi absurdes que de générer des crédits carbone simplement en renonçant à un projet émetteur».
· Lundi, une cinquantaine de personnes ont bloqué l’accès à l’usine Arkema dans les environs de Lyon pour dénoncer sa responsabilité dans la pollution de la «vallée de la chimie». En cause, les polluants éternels, un danger auquel les militant·es de L’Alliance écologique et sociale tentent de sensibiliser la population lyonnaise comme en témoigne notre reportage à lire sur vert.eco
· Mardi, les syndicats agricoles FNSEA et Jeunes agriculteurs se sont félicités d’avoir obtenu du gouvernement le retrait prochain d'une taxe sur les pesticides et les prélèvements en eau. Un manque à gagner de 47 millions pour les agences de l’eau à qui l’argent était destiné. - Marianne
· Mercredi, l’Association du transport aérien international a révélé que les compagnies aériennes s'attendaient à transporter un nombre record de 4,7 milliards de passagers en 2024 (contre 4,29 milliards en 2023). Le précédent summum avait été atteint en 2019, avec 4,54 milliards de personnes transportées. – Le Point
• Jeudi, une enquête de l’association PETA révélait les conditions de capture et d’abattage d’amphibiens, sans aucune considération pour la souffrance animale, en Indonésie. Premier exportateur mondial de cuisses de grenouille, l’Indonésie approvisionne chaque année l’Union européenne à hauteur de 4070 tonnes, dont 3000 rien que pour la France. – Le Monde
· Entre fin juillet et mi-novembre, le ministre de la transition écologique Christophe Béchu a effectué 6 déplacements en jet privé aux frais de l’État pour se rendre dans différentes villes françaises (Montpellier, Perpignan, Grenoble, Nice, Metz, Calais). C’est ce qu’a récemment révélé une enquête de la Topette, journal local du Maine-et-Loire. - Libération
Pas fossile du tout. , s’inquiètent Maxime Kagtely et Juliette Janne, deux ingénieur·es passé·es de l’industrie pétrolière (Exxon Mobil) au conseil en décarbonation (RongYi Solutions). Leur interview est à lire sur vert.eco · Atome hic. Selon ce document indépendant de référence, le nucléaire a représenté moins de 10% du mix électrique mondial en 2022, et a bénéficié d’investissements 14 fois moins conséquents que le secteur des énergies renouvelables. · , au nom des droits humains et de la justice climatique. Pour lui, Découvrez notre entretien sur vert.eco
«Je respecte la science et je respecte les rapports du GIEC !»
– Sultan Al-Jaber, président de la COP28
Clair-obscur. Alors que la COP28 bat son plein, son président, Sultan Al Jaber, s’est dit «surpris», voire carrément vexé «par les tentatives constantes et répétées visant à saper le travail de la présidence». Depuis la circulation virale d’une vidéo datant du 21 novembre et retrouvée par le Guardian, l’homme est soupçonné de méconnaître le consensus scientifique sur la nécessaire sortie des énergies fossiles (notre article). Pour éteindre la polémique, il a convié lundi Jim Skea, le président du GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat), pour qu’il rappelle lui-même le consensus scientifique à la presse. «Je respecte la science et je respecte les rapports du GIEC !», a insisté le président de la COP28, en montrant son voisin du doigt. Hélas, le dirigeant d’Adnoc, la compagnie pétrogazière nationale des Emirats, ne partage visiblement pas ce consensus puisqu’il met tout en œuvre pour augmenter significativement sa production de pétrole à horizon 2027. Problème, ce sont la seule et même personne : Sultan Al Jaber.
Bilan cabròn ! Les émissions de CO2 issues des énergies fossiles atteignent un nouveau record avec 36,8 milliards de tonnes en 2023 (+1,1% en un an), révèle la dernière édition du Global carbon budget, une publication de référence sur le sujet. D’après les 120 scientifiques qui ont travaillé sur ce rapport, il y a 50% de chances que le réchauffement climatique dépasse 1,5°C (soit l’objectif initial de l’Accord de Paris à horizon 2100) de manière constante d'ici à sept ans. Le document souligne aussi d’importantes disparités régionales : les émissions diminuent dans l’Union européenne (-7,4%) et aux États-Unis (-3%) mais augmentent en Inde (8,2%) et en Chine (4%).
Sous influence. Au moins 2 456 représentant·es de l’industrie fossile ont été autorisé·es à participer au sommet mondial sur le climat à Dubaï, a dévoilé la coalition Kick Big Polluters Out (KBPO). C’est quatre fois plus que le précédent record. Le Français TotalEnergies a envoyé 12 représentant·es, selon notre décompte. Découvrez notre décryptage sur la présence des lobbies à la COP28 sur vert.eco
COPacabana. Doté de la plus grande délégation de toute la COP28 (2 400 personnes), le Brésil a fait entendre sa voix avec force dès les premiers jours de la conférence climat. Mais, du pétrole aux pesticides, les contradictions brésiliennes subsistent, comme nous l’explique le géographe François-Michel Le Tourneau, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de l’Amazonie brésilienne, dans notre article à découvrir sur vert.eco
Le fossile te plaît ? Le Réseau action climat international (CAN) - qui représente 2 000 organisations à travers la planète - a décerné toute cette semaine ses trophées de «fossiles du jour». Chaque jour, un ou plusieurs pays sont ironiquement récompensé·es pour leurs déclarations ou leurs actions les plus sales envers le climat. Premiers lauréats, les États-Unis, qui n’ont promis qu’une poignée de millions de dollars pour réparer les pertes et dommages des pays vulnérables ; le Japon, qui se présente comme un champion de la transition écologique tout en voulant continuer à développer le charbon et la Nouvelle-Zélande, dont le nouveau gouvernement revient sur la promesse de respecter ses peuples autochtones et rouvre les eaux à l’exploitation du gaz et du pétrole.
· No hell. Bientôt Noël ! Ses volutes de cannelle et de vin chaud, ses réunions de famille et… ses montagnes de cadeaux, jusqu’à friser l’indigestion. Selon l’Ademe, les Français·es s’en offrent en moyenne 6,5 par réveillon, pour 300 millions de paquets au total. Douze millions d’entre eux ne serviront jamais. Nous vous proposons quelques idées pour éviter l’overdose. C'est à lire sur vert.eco
· Sur de bons rails. Le ministre des transports Clément Beaune a évoqué jeudi la mise en place d’un «bouclier tarifaire» pour les billets de la SNCF en 2024. «Il y aura un gel des tarifs sur le Ouigo. C'est un TGV sur quatre, c'est le TGV que prennent les gens qui ont un peu moins de moyens», a déclaré le ministre. L’État souhaite également lancer un «pass rail» qui devrait permettre, pour une cinquantaine d’euros mensuels, de voyager en illimité sur les TER et les Intercités. – France Info
· Jeunes et engagé·es. Victoria Guillomon, 25 ans, et Johan Reboul, 24 ans, font un périple de six mois jusqu’en Inde, sans avion, pour réaliser un documentaire sur la préservation de l’eau et vulgariser ces enjeux sur leurs réseaux sociaux. Tous deux ont fait un détour par Dubaï pour intégrer la délégation française à la COP28 sur le climat. Elle et il nous racontent leurs aventures et leur volonté d’incarner une sobriété joyeuse, dans un entretien à lire sur vert.eco
Heïdi brise la glace
Heïdi nous tout. Dans «Heïdi’s Ice», disponible sur la chaîne LCP, on embarque avec la glaciologue française Heïdi Sevestre pour rejoindre l’archipel du Svalbard (Arctique), à proximité du pôle Nord. Ce documentaire permet de suivre au plus près la scientifique, au gré de ses expéditions et de ses conférences, pour faire avancer la connaissance sur ces écosystèmes fragilisés par le réchauffement climatique et sensibiliser le plus grand nombre à leur préservation.
+ Aurélie Delmas, Loup Espargilière, Jennifer Gallé, Justine Prados, Juliette Quef et Sanaga ont contribué à ce numéro