Qu’êtes-vous venus faire à la COP ?
Victoria : Nous sommes venus incarner la sobriété. Nous sommes les seuls Européens à être venus sans avion. On a fait du stop, on est venus en camion et on a traversé la frontière à pied. Deux jeunes qui n’ont pas de voiture, les Émirats n’ont pas l’habitude. Ça a été pas mal d’embrouilles.
Johan : Oui, et nous sommes venus porter le message de la préservation des ressources en eau.
Cette halte fait partie d’un voyage plus long. Quand a-t-il débuté et où en êtes-vous ?
Victoria : Nous sommes au tiers du voyage. Cela fait deux mois que nous sommes partis. Après Dubaï, nous allons à Oman par la terre, probablement en stop. Puis, nous chercherons un bateau pour rejoindre l’Inde où nous resterons deux mois. Ce sera le gros du documentaire. Beaucoup d’associations locales nous y attendent.
Johan : Dans chaque pays, nous étudions l’une des facettes de l’eau. En Égypte, c’était le partage de l’eau. En Arabie Saoudite, les solutions, comme la désalinisation. En Inde, nous allons nous intéresser aux projets de citoyens qui n’attendent pas le gouvernement pour agir.
Victoria : Ensuite, il nous restera un mois pour rentrer en France fin mars, toujours sans avion.
Pourquoi avez-vous entrepris ce voyage ?
Johan : L’idée, c’est de montrer qu’on peut voyager différemment. Et aussi les difficultés, car il n’y a pas toujours les infrastructures dès que l’on veut se passer de l’avion. Tout cela dans le but de réaliser un documentaire sur l’eau. On sait que l’Inde est l’un des pays qui subit le plus de catastrophes naturelles. On voulait étudier les problèmes de l’Inde et en faisant notre tracé, on a remarqué les pays que l’on traversait subissaient aussi les impacts du changement climatique. Le plus marquant, c’était l’eau : la sécheresse par exemple. Alors, nous avons décidé de raconter les enjeux autour de cette question.
Victoria : On veut démocratiser ces enjeux. Mais aussi mettre en avant les solutions pour que les gens repartent avec des actions concrètes. Nous voulons inciter à l’action. C’est aussi ce que nous incarnons sur nos réseaux sociaux : une note de positivité.
Avez-vous trouvé des diffuseurs pour votre documentaire ?
Johan : Rien n’est fixé. Nous n’avons pas de format précis en tête. On laisse faire la spontanéité et les rencontres.
Quelles étapes vous ont le plus marqué jusqu’à maintenant ?
Victoria : L’Égypte, ça a été un gros coup de cœur. On nous disait que c’était dangereux, donc on est arrivés avec plein de préjugés. On s’est senti hyper bien accueilli, et on y mange bien en tant que végétariens.
Johan : L’aventure dans le désert avec une famille allemande, une fille et son père, pendant quatre jours m’a beaucoup marquée. On a vécu pas mal de galères, on a crevé au milieu du désert. On a dû changer le pneu d’un gros camion sans aucune aide. Ça a été très intense. Ça donne de l’humilité, et ça remet chaque chose à sa place. Le voyage est intense et on a du mal à digérer tout ce qu’on vit. Chaque journée est l’équivalent d’une semaine.
Quelles leçons en tirez-vous ?
Johan : On a plus flippé à cause des mises en garde des gens que dans la réalité. Ce sera l’un des messages du documentaire : remettre l’humain au cœur des enjeux et redonner foi en l’humanité. On n’a jamais ressenti d’insécurité dans aucun pays.
Victoria : Maintenant, on se sent chez nous partout. On a moins peur du monde, car on se sent chez nous partout. L’écologie, c’est faire ensemble. Ce qui est important aussi, c’est la manière dont on a entrepris ce voyage : faire du stop, aller vers l’autre. On a fait des rencontres incroyables, parce qu’on a un état d’ouverture à l’autre. Les gens nous voient souriants et ouverts. D’habitude, on a tellement peur de l’autre que dès qu’il est gentil avec nous, on se méfie, on se dit qu’on lui doit quelque chose. On n’a plus l’habitude de recevoir.
Johan : Dans le tourisme traditionnel, on s’est coupés de ce genre de voyage. On a croisé beaucoup de touristes avec des circuits tout tracés qui ont des programmes chargés, prévoient de voir ci, ça, ça. Ils se coupent d’autres rencontres. L’idée n’est pas non plus de dire qu’on a besoin de voyager loin pour faire des rencontres. Ça peut être à côté de chez soi, en train, en Europe.
Comment avez-vous intégré la délégation française ?
Victoria : Plusieurs personnes nous ont écrit pour nous demander pourquoi nous n’allions pas à la COP. Et nous nous sommes dits, «pourquoi pas». Nous avons sollicité tous nos contacts et le lendemain, nous recevions un appel de la délégation. C’était il y a trois semaines.
Qu’est-ce qui vous marque ou vous surprend à cette COP ?
Johan : Beaucoup de choses. C’est la plus grande COP jamais organisée, avec 80 000 personnes attendues durant ces deux semaines. La démesure dubaïote se retrouve ici. On voit aussi que c’est le regroupement de tous les pays du monde, la diversité est forte à vivre.
Victoria : Ce qui me touche, c’est que nous sommes tous là pour une cause commune. On sent une émulsion d’idées. C’est même dur de suivre toutes les conférences et toutes les propositions. Ça me donne de l’espoir.
Que faites-vous concrètement au quotidien à la COP ?
Johan : En étant dans la délégation française, on a accès à toutes les séances plénières, à la zone bleue où se passent les négociations. Hier, on a pu entendre le discours de Macron sur l’eau. Ça nous permet de comprendre comment la COP28 fonctionne et on le raconte ensuite sur nos réseaux sociaux.
Victoria : On rencontre aussi du monde sur place, on explique notre trajet, on sollicite les médias. Ce soir, nous allons faire un discours au Pavillon France.
Sur quoi portera votre discours ?
Johan : Comme nous sommes à Dubaï, au pays de la démesure, nous avons envie d’appuyer sur la sobriété. Pour nous, elle doit s’incarner dans des valeurs, ici aux Émirats, comme chez nous en France.
Victoria : Nous voulons l’incarner avec la joie et l’espoir. Nous voulons rassembler. Ce qui nous booste et mène au rassemblement, c’est cette incarnation, pas juste des mots.
Johan : Nous voulons dire que l’écologie, ce n’est pas juste des contraintes, c’est vivre heureux.
Qu’est-ce que vous attendez de la COP ?
Johan : On n’attend rien en particulier, mais on espère être agréablement surpris par le traité de sortie des énergies fossiles. On a vu que la Colombie l’avait signé, donc on attend au moins un accord à la COP sur la sortie des énergies fossiles.
Que pensez-vous de Dubaï ?
Johan : On a l’impression d’être revenus en France. C’est tellement occidentalisé. Il n’y a pas d’âme ou d’identité. On est dans un pays très jeune qui fête ses 52 ans. Il faudrait aller voir hors de Dubaï pour comprendre les Émirats. Après, la COP, c’est aussi un environnement de dialogue et de discussion, c’est hyper bénéfique pour la cause.
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