COP sur des roulettes. Dès l’entame de la 28ème conférence mondiale (COP28), les États ont validé la création d’un mécanisme de financement des destructions liées au climat, qui sera placé sous l’égide de la Banque mondiale.
«Ce qui se passe aujourd’hui, c’est l’aboutissement de 30 ans de lutte acharnée par les pays en développement qui criaient à l’aide», savoure Fanny Petitbon, responsable de plaidoyer pour l’ONG Care France et observatrice à Dubaï.
Dès l’ouverture de la COP28 ce jeudi, sous des applaudissements nourris, la présidence émiratie a obtenu un accord sur le financement des «pertes et dommages». Il s’agit des dégâts irréversibles causés par le dérèglement climatique : ils peuvent être dus à des événements extrêmes (cyclones, inondations, etc), ou à des processus de long terme (montée du niveau de la mer, sècheresses, etc). Outre les destructions matérielles, les pertes et dommages désignent aussi la disparition de langues ou de cultures.
Voilà des décennies que les pays les plus vulnérables au changement climatique (les États insulaires du Pacifique en tête) réclamaient une aide de la communauté internationale pour faire face à ces événements «dont ils ne sont pas responsables et contre lesquels ils n’ont pas les moyens de lutter», explique Fanny Petitbon. Si le sujet a tant peiné à se frayer un chemin dans les négociations internationales, c’est parce que les pays les plus riches ont longtemps refusé d’ouvrir la voie à la création d’un mécanisme qui impliquerait d’admettre leur responsabilité majeure dans la crise climatique. Les États-Unis, qui ont émis plus de CO2 qu’aucun autre État à travers l’Histoire, ont toujours freiné des quatre fers.
L’an dernier, à la surprise générale (déjà) lors de la COP27 de Charm el-Cheikh (Égypte), les pays du monde avaient acté le principe de créer ce fonds. Il leur restait à en dessiner les contours : déterminer quel organisme gouvernerait ce mécanisme, qui devrait contribuer ou pourrait en bénéficier.
Un an plus tard, à Dubaï, les Émirats arabes unis et l’Allemagne ont promis de débloquer chacun 100 millions de dollars (92M€), assez pour donner vie à ce fonds. Dans la foulée, l’Union européenne a annoncé 125 millions d’euros. Des sommes plus symboliques viendront des États-Unis, du Japon ou du Royaume-Uni. Pour l’instant, c’est une paille au regard des besoins, estimés entre 290 et 580 milliards de dollars (entre 265 et 531M€) par an pour les pays du Sud d’ici à 2030. Pour ce nouveau fonds, les pays en développement réclament au moins 100 milliards de dollars chaque année. Soit autant que ce que les pays riches avaient juré de leur verser chaque année dès 2020 pour se développer de manière plus vertueuse et s’adapter au changement climatique – promesse toujours pas tenue. Aucun objectif financier n’est établi.
Il ne s’agit pas d’une victoire totale, la faute à plusieurs «lacunes», des mots de Fanny Petitbon : selon toute vraisemblance, ce nouveau mécanisme devrait être placé sous l’égide de la Banque mondiale, dont «les pratiques ont été largement remises en question, notamment parce qu’elle continue d’investir massivement dans les énergies fossiles et d’aggraver le changement climatique».
Autres limites : aucune obligation pour les pays riches de contribuer. La Banque mondiale sera-t-elle finalement choisie pour héberger le fonds ? Qui sera représenté à son conseil d’administration ? Les régions et les villes pourront-elles en bénéficier, comme le prévoit le texte ? Autant de points qu’il reste à éclaircir avant la COP29.
Pour Harjeet Singh, chef de la stratégie au Réseau action climat international, qui regroupe des centaines d’ONG à travers la planète, «il incombe désormais aux pays riches de s’acquitter de leurs obligations financières d’une manière proportionnelle à leur rôle dans la crise climatique, qui est principalement dû à des décennies de consommation effrénée de combustibles fossiles et à l’absence de financement adéquat pour le climat dans les pays du Sud».
Rembourser une infime partie des conséquences de la crise climatique sans s’attaquer aux causes que sont les énergies fossiles, voilà qui serait vraiment dommage.
Photo d’illustration : Des délégué·es représentant la Colombie le jour d’ouverture de la COP28 à Dubaï. © COP28 / Mark Field