Mardi, le groupe du milliardaire d’extrême droite Vincent Bolloré lançait sa nouvelle chaîne : CNews prime. Une déclinaison de CNews encore moins contrôlée car diffusée exclusivement en ligne (notre article).
En tant que chaîne d’information en continu, CNews est liée par une convention à l’Arcom, le gendarme de l’audiovisuel, qui l’oblige à transmettre ses temps de parole chaque trimestre et à respecter la pluralité. Un principe dont elle fait fi depuis plusieurs mois déjà, révèle une enquête rendue publique mercredi par Reporters sans frontières (RSF). L’organisation de défense des droits de la presse a passé au crible les antennes des quatre chaînes françaises d’information en continu (BFMTV, CNews, France info, LCI), du 1er au 31 mars 2025, à l’aide d’un outil automatique de capture d’écran qui a permis d’analyser 700 000 bandeaux.
Verdict : «CNews, loin de respecter le pluralisme à l’antenne comme elle s’en targue, triche», affirme RSF. L’ONG a remarqué que la chaîne mettait en avant des invité·es de gauche principalement la nuit, lorsque l’audience est faible, et réservait les heures de grande écoute à des personnalités classées à l’extrême droite.

Selon RSF, la chaîne utilise un stratagème de «rattrapages nocturnes» pour donner «l’illusion du pluralisme politique» et «rendre une copie propre à l’Arcom». Une «stratégie de contournement» qui passe par des «tunnels» de conférences ou discours de responsables La France insoumise (LFI) ou Parti socialiste (PS). «La gauche arrive largement en tête pendant que les Français dorment et l’extrême droite occupe, et de loin, la première position aux heures de forte audience», assure RSF.
L’ONG chiffre ce «grand écart vertigineux» : aux heures de grande écoute, 7-10 heures et 18-21 heures, l’extrême droite (Rassemblement national, Union des droites pour la République, Philippe de Villiers…) cumule 40,6% d’exposition, contre 15,4% pour la gauche (La France insoumise, Parti socialiste, Parti communiste français, Les Écologistes). À l’inverse, la nuit (minuit-7 heures), la gauche grimpe à 60,1%, contre 1,6% pour l’extrême droite. D’après RSF, «au cours du mois étudié, aucune autre chaîne n’a opéré une telle différence de traitement».
Reporters sans frontières (RSF) a annoncé mercredi «saisir» l’Arcom pour dénoncer cette «triche» de CNews pour contourner le respect de l’obligation de pluralisme dans les temps de parole. Contactée par l’Agence France-Presse, CNews, devenue la première chaîne d’information de France en part d’audience, n’a pas réagi.
Violence, insécurité et immigration…
L’ONG s’est aussi penchée sur les thématiques traitées par les chaînes, et relève qu’au mois de mars CNews a couvert plus d’une centaine de faits de violence, «deux fois plus que l’ensemble de ses trois concurrentes réunies». Au sujet de la condamnation de Marine Le Pen dans l’affaire des assistants de parlementaires européens le 31 mars, l’analyse de RSF montre que, sur CNews, 147 minutes du temps de parole ont été consacrées à la critique de la décision de justice, contre 11 minutes pour la défendre. À titre de comparaison, sur BFMTV, les temps consacrés à cette affaire sont quasiment à l’équilibre : 64 minutes de défense, pour 65 de critique.

RSF a déjà saisi l’Arcom dans le passé au sujet de CNews, en considérant la chaîne comme «un média d’opinion». À la suite de l’une de ses saisines, le Conseil d’État a sommé l’Arcom en février 2024 de renforcer ses contrôles et de ne pas limiter le décompte des temps de parole aux seules personnalités politiques, mais aussi à l’ensemble des participant·es aux programmes diffusés, y compris les chroniqueur·ses.