La quotidienne

Climat : Yes week-end !

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Pendant deux jours et pour la première fois de la campagne, le climat s'est invité au cœur des débats.


Le « débat du siècle », première causerie de la campagne sur l’écologie

Talk chaud. Imaginé par les quatre ONG à l’origine de « l’Affaire du siècle » – Oxfam, Notre affaire à tous, la Fondation pour la nature et l’Homme et Greenpeace – le « débat du siècle » consacré au climat s’est tenu ce dimanche 13 février sur la plateforme en ligne Twitch avec cinq des douze candidat·e·s à la présidentielle.

« Nous méritons une discussion de fond pour savoir comment les candidat·e·s comptent sortir la France de l’illégalité climatique », annonçait l’Affaire du Siècle en amont de ce « débat présidentiel 100 % consacré au climat ». En parallèle d’une pétition qui avait rassemblé quelque 2,3 millions de signataires, ses ONG sont parvenues à faire condamner l’État pour son inaction en la matière (Vert). Après un refus de plusieurs chaînes de télévision, c’est le streamer politique Jean Massiet qui a accueilli ce débat, co-animé par la journaliste Paloma Moritz.

Chaque candidat·e a eu 30 minutes pour répondre aux questions des deux animateurs qui maîtrisaient, une fois n’est pas coutume, le fond des sujets. Parmi ceux-ci : la neutralité carbone (ne pas émettre plus de gaz à effet de serre que l’on peut en absorber), la prise en compte des limites planétaires, la mobilité, le logement, le nucléaire ou l’agriculture. Plus de 20 000 personnes ont suivi les échanges qui ont duré près de trois heures. Un temps très court pour balayer autant de sujets.

Comme celui de la « croissance durable » prônée par Valérie Pécresse (LR), qui fait la part belle à la technologie pour répondre au défi climatique. La présidente de la région Ile-de-France n’aura pas expliqué comment elle compte réduire de 55% les émissions nationales d'ici 2030 (soit le nouvel objectif européen), sans créer aucune contrainte ni toucher à la croissance qui, historiquement, s’est toujours accompagnée d’une hausse des rejets de CO2.

Cliquez sur l'image pour retrouver notre récit complet du débat sur Twitter.

À gauche, Anne Hidalgo (PS) et Yannick Jadot (EELV - notre analyse de son programme) ont présenté des mesures comparables sur la fiscalité (dont un impôt sur la fortune climatique), les transports en commun, la rénovation thermique ou la transition énergétique comme remèdes au gaz russe. Tous deux refusent la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, contrairement à Fabien Roussel (PCF).

Sur la viande, la voiture ou l’atome, le communiste multiplie les signaux de droite dès qu'il s'agit d'écologie (notre analyse). Parmi ses propositions : baisser le prix du carburant à la pompe pour aider les travailleurs dépendants de leur voiture. Il veut aussi une prime à la conversion sur les véhicules hybrides ou électriques, « si ça ne coûte pas une blinde à recharger », et rendre les transports en commun gratuits. Philippe Poutou (NPA), lui, veut « enlever les moyens de nuire au capitalisme » : « Ils mentent, ça fait 50 ans que Total fait des faux rapports […], une société non-capitaliste permettrait d'assurer une transparence, un contrôle collectif ».

Parmi les grands absents, Jean-Luc Mélenchon (FI), qui se dit disponible plus tard dans la semaine ; mais surtout Emmanuel Macron - dont le gouvernement a été condamné dans le cadre de l’Affaire du siècle - qui a tout simplement boudé l’exercice.

· Samedi, le réacteur à eau pressurisée (EPR) finlandais est enfin entré en fonctionnement après treize ans de retard dus à des problèmes techniques et des poursuites judiciaires. C’est la première fois en quinze ans qu’une nouvelle centrale nucléaire est lancée en Europe, au moment où les pays européens veulent tendre vers une indépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. Le réacteur Olkiluoto 3 a commencé à fournir de l’électricité sur le réseau national, mais il s’agit encore d’une production d’essai. - The Guardian (anglais)

· Samedi encore, des écologistes du collectif La Braise, proche du mouvement Extinction Rébellion, se sont introduit·es dans les locaux de la filière française du groupe énergétique russe Gazprom. Elles et ils ont recouvert la porte des locaux d’affiches et de faux sang pour protester contre l’entreprise - proche du Kremlin et qui finance la guerre en Ukraine - et contre notre dépendance aux énergies fossiles, responsable du chaos climatique. Autre entreprise française investie en Russie, TotalEnergies n’a toujours pas annoncé son retrait du pays, ni la fin de son partenariat avec le groupe russe Novatek, premier producteur russe de gaz naturel liquéfié (GNL). - Reporterre

· Dimanche, le ministre des finances allemand Christian Lindner a annoncé qu’il était ouvert à de nouveaux forages gaziers et pétroliers en mer du Nord afin de réduire la dépendance énergétique de l’Allemagne vis-à-vis de la Russie. Une telle décision impliquerait de revenir sur l’accord entre les Verts, les Sociaux-démocrates et les Libéraux, qui stipulait la fin de tout permis accordé à ces projets. Selon le ministre, le changement de contexte géopolitique justifierait d’« examiner l’ensemble de la stratégie énergétique de l’Allemagne sans aucune interdiction de penser ». - Reuters (en anglais)

25 %

De quel bois on se chauffe ? En Europe, le secteur du bâtiment représente 40 % de la consommation énergétique et 36 % des émissions de gaz à effet de serre (GES). Pour remédier à ce problème, les économistes de Cambridge Econometrics suggèrent d’équiper massivement les logements de pompes à chaleur (une technologie d’ores et déjà largement disponible) et d’œuvrer à la rénovation énergétique des bâtiments les plus vêtustes. Un tel chantier permettrait à l'Union européenne de réduire la consommation de gaz russe de 25 % d'ici à 2030, d'après leur étude, publiée ce lundi. De quoi économiser quelque 15 milliards d’euros d’ici 2030, tout en permettant aux ménages les plus modestes de réduire leur facture, et d’assurer la sécurité énergétique de l’Europe.

Les grands esprits se rencontrent : la rénovation thermique des logements, c'est justement l'une des mesures du contre-programme présidentiel de Vert !

Marches « Look up » : le mouvement pour le climat reprend de l’élan

Pour qu'ils arrêtent de nous faire marcher. Ce samedi, 80 000 personnes ont défilé à travers le pays à l’appel de plus de 500 organisations. L’objectif des marches « Look up » : remettre en haut de l’affiche la justice sociale et le climat, largement boudés par le débat présidentiel.

« Je marche maintenant pour ne pas nager demain » ; « Chauffe qui peut », ou encore « moins de gaz plus de plaids »... Cet après-midi-là, à Paris, certains des slogans habituels des marches pour le climat avaient été adaptés au contexte géopolitique. Malgré le temps maussade, les rangs se sont étoffés au fur et à mesure de la marche entre les banderoles des nombreuses organisations – parmi lesquelles Alternatiba, ANV-COP 21, Greenpeace, Attac, mais aussi des syndicats, collectifs citoyens et de luttes locales. Jean-Luc Mélenchon (France insoumise), Yannick Jadot (Europe écologie – les Verts) et Anne Hidalgo (Parti socialiste) étaient aussi de la fête. Les organisateurs revendiquent 32 000 participant·es dans la capitale - 80 000 dans toute la France.

Les deux sœurs Ayna et Lona sont venues manifester pour la première fois ensemble. « Aucun candidat ne me représente vraiment, même sur le plan de l’écologie » regrette Ayna, dont c’est la première élection. Alors elle marche pour « envoyer un message aux candidats pour qu’ils portent plus d’intérêt à l’écologie ». © Mathilde Picard/Vert

De nombreuses pancartes siglées Look up rappelaient que le climat n’avait occupé que 2,7% du temps d’antenne entre le 8 et le 13 février, comme l’avait révélé une étude commandée par les ONG de l’affaire du siècle (Vert). Depuis, celle-ci a été actualisée chaque semaine, avec des résultats toujours aussi maigres. Le climat est pourtant considéré comme un enjeu « capital » par 94% des Français·es (Le Parisien).

Autre motif d’indignation : l’indifférence avec laquelle les médias ont traité la sortie du tome 2 du dernier rapport du Giec (Vert). Sa vice-présidente, Valérie Masson-Delmotte, marchait non loin d’autres de ses collègues scientifiques, vêtu·es de blouses blanches pour l’occasion. Pour Marie d’Angelo, chercheuse en physique à la Sorbonne : « il y a une telle urgence… il n’y a plus le choix, [les scientifiques] devraient s’engager ».

« Combattez Poutine, faites du vélo » ; « Paix climat même combat »... La guerre en Ukraine et la dépendance de l’Europe au gaz russe étaient également parmi les sujets phare de la marche et plusieurs pancartes assuraient leur solidarité avec les Ukrainien·nes.

Si la marche du jour était loin d’atteindre les sommets connus en mars 2019 - 100 000 manifestant·es avaient alors battu le pavé parisien, la porte-parole d’Alternatiba Élodie Nace, savoure : « Ce que je retiens, c’est surtout la force et la détermination qu’on voit dans le cortège, la festivité, la diversité des organisations… » La militante voit surtout dans cette marche un tremplin vers un événement prévu pour le 9 avril, juste avant le premier tour de la présidentielle.

Le débat du siècle : les candidat·es face à l’urgence écologique

Vous n’avez pas réussi à vous brancher sur Twitch pour regarder ce fameux « débat du siècle »? Pas de panique ! Retrouvez cette rafraîchissante causerie en intégralité dans cette vidéo publiée par Blast.

© Blast

+ Anne-Sophie Novel et Mathilde Picard ont contribué à ce numéro