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Une septième limite planétaire est franchie, l’acidification des océans : «C’est un avertissement scientifique sévère»

Acide a miné. Les activités humaines ont entraîné le dépassement d’une nouvelle «limite planétaire», l’un des grands équilibres naturels de la Terre, selon un rapport publié ce mercredi. Après le dépassement des seuils de réchauffement climatique et de destruction de la biodiversité, c’est la limite de l’acidification des océans qui est dépassée, mettant en danger la vie marine.
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Une septième «limite planétaire» vient d’être franchie : celle de l’acidification de l’océan. Ce constat, très inquiétant, a été dressé par l’Institut Potsdam sur la recherche sur l’impact du climat, dans un nouveau rapport publié ce mercredi.

Cette nouvelle étude s’appuie sur le modèle établi il y a une quinzaine d’années par des scientifiques du Stockholm Resilience Centre, qui fixe neuf grands équilibres naturels de la Terre (voir le schéma) et autant de limites à ne pas dépasser pour rester en sécurité sur Terre. Les scientifiques surveillent ces limites à l’aide de plusieurs indicateurs – un peu comme un médecin observerait nos signes vitaux lors d’un bilan de santé –, afin de suivre l’état de la planète.

À cause des activités humaines, six de ces limites ont déjà été dépassées : réchauffement du climat, perte de biodiversité, pressions sur l’eau douce, pollution chimique, changement d’usage des sols (perte des forêts) et rejets de phosphore et d’azote. À cette liste s’ajoute désormais l’acidification des océans, qui a «dépassé le seuil considéré comme sûr pour la vie marine», alerte le rapport.

Ce phénomène «désigne l’augmentation de l’acidité de l’eau de mer causée par l’absorption du CO2 [dioxyde de carbone, NDLR] atmosphérique», précisent les scientifiques. Depuis le début de l’ère industrielle (au milieu du 19ème siècle), les océans ont vu leur acidité augmenter de 30 à 40%, sous l’effet de la combustion des énergies fossiles et de la déforestation.

Ce processus chimique a un double effet délétère : il réduit d’une part l’efficacité des océans à fonctionner comme des puits de carbone (naturellement, les océans absorbent le CO2 de l’atmosphère). Et il fragilise la biodiversité, et notamment les organismes à coquilles et les récifs coralliens tropicaux – «particulièrement menacés», d’après les scientifiques.

Le mécanisme est simple : le CO2 absorbé par l’océan se transforme en acide carbonique, lequel libère des ions hydrogène dans l’eau. Ces derniers se fixent sur des ions carbonate et les empêchent de remplir leur rôle de composant de base à la formation des coquilles et squelettes des organismes marins. Résultat : nombre d’entre eux peinent à se développer.

C’est notamment le cas des ptéropodes (de minuscules escargots marins), qui sont une source alimentaire importante pour de nombreuses espèces. Leur déclin affecte l’ensemble des chaînes alimentaires, «avec des conséquences pour la pêche et, en fin de compte, pour les populations humaines», pointe le rapport.

«L’océan est le grand stabilisateur de la Terre»

Tous les océans du globe subissent l’acidification, mais à des degrés variables. Parmi eux, l’océan Arctique est aujourd’hui le plus touché. Ce phénomène s’explique par la capacité des eaux froides à dissoudre davantage de CO2, ce qui accélère le processus chimique d’acidification. La situation est en outre aggravée par la fonte des glaces continentales, en particulier celles du Groenland, qui libèrent d’importantes quantités d’eau douce. Or, cette eau est naturellement plus acide que l’eau de mer.

Les eaux les plus acides, en rouge foncé, sont situées aux hautes latitudes © Planetary Boundaries Science Lab

Pour JM. Santos, co-président du laboratoire à l’origine de l’étude, le franchissement de cette septième limite «est un avertissement scientifique sévère et un appel moral à l’action». «Sans océans sains, la paix, la prospérité et la stabilité sont menacées partout dans le monde», ajoute-t-il. L’océanographe et exploratrice américaine Sylvia Earle abonde : «L’océan est le grand stabilisateur de la Terre : il génère de l’oxygène, façonne le climat et soutient la diversité de la vie. Sans des mers saines, il n’y a pas de planète saine.»

Avec sept limites franchies sur neuf, «plus des trois quarts des systèmes de soutien de la Terre ne sont plus dans la zone de sécurité», souligne Johan Rockström, directeur de l’Institut Potsdam. Seules deux limites ne sont pas encore dépassées : l’intégrité de la couche d’ozone (dont les trous constatés dans les années 1970 sont en passe d’être résorbés) et la charge en aérosols.

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