Décryptage

Le gouvernement veut réautoriser le plastique dans les cantines scolaires : «Il faut arrêter de prendre nos enfants pour des cobayes»

À tort et à couverts. Alors que les contenants en plastique sont interdits dans les services de restauration scolaire depuis le 1er janvier, le gouvernement souhaite déjà revenir sur cette décision. Plusieurs associations protestent contre la proposition d’un décret qui lèverait cette restriction destinée à limiter l’impact environnemental et sanitaire de ces ustensiles.
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C’est l’une des avancées écologiques de ce début d’année 2025 : depuis le 1er janvier, l’utilisation de contenants en plastique réutilisable doit être bannie des cantines scolaires, de la crèche jusqu’à l’université. Cette mesure est prévue par la loi EGalim votée en 2018 et a été étendue à d’autres établissements (Ephad, maternités, services de pédiatrie, centres de protection maternelle et infantile…) dans la loi antigaspillage pour une économie circulaire de 2020.

Pourtant, mardi, le ministère de la transition écologique a annoncé que le gouvernement avait déposé un projet de décret pour éviter l’interdiction de la vaisselle en plastique (couverts, assiettes, verres…) dans les cantines scolaires et la conserver uniquement pour les bacs destinés à la cuisson et la réchauffe des aliments.

Les particules de plastique contiennent des perturbateurs endocriniens : elles modifient notre fonctionnement hormonal. © Photo d’illustration/Adobestock

Auprès de Vert, le ministère affirme que le projet de décret est davantage «une redéfinition» qu’un retour en arrière, car pour lui, les assiettes et couverts ne rentrent pas dans la notion de contenants alimentaires. Il précise que, lorsque la loi a été retranscrite dans le Code de l’environnement, «les contenants servants à la consommation des plats [vaisselle, gobelets, NDLR] n’ont pas été prévus aux sixième et vingtième alinéas du III de l’article L. 541-15-10 du Code».

«Le plastique, aujourd’hui, nous savons très bien que ce n’est pas l’avenir», déplore auprès de Vert Tania Pacheff, porte-parole de l’association Cantine sans plastique. Selon elle, cette décision constitue une «remise en cause de la science». La migration des microplastiques dans l’alimentation par le contact avec des matériaux plastiques est documentée par les études scientifiques, ainsi que leurs effets délétères sur la santé.

«La littérature scientifique arrive de mieux en mieux à prouver que l’on peut aussi être exposé au plastique au simple contact avec les contenants, même quand ceux-ci n’ont pas été réchauffés, indique à Vert Marine Bonavita, chargée de plaidoyers pour l’association de lutte contre les déchets Zero waste France. On parle tout de même d’enfants qui ont un contact quotidien avec ces objets.»

Ces particules de plastique contiennent des perturbateurs endocriniens : elles modifient notre fonctionnement hormonal. Les molécules contenues dans le plastique sont ingérées en s’attachant notamment aux corps gras. Parmi les effets des perturbateurs endocriniens : baisse de la fertilité, diabète ou encore puberté précoce. «Il faut arrêter de prendre nos enfants pour des cobayes», s’agace Tania Pacheff.

«Il n’existe aucun argument en faveur de la vaisselle en plastique», martèle la porte-parole de Cantines sans plastique. «Les collectivités qui ont choisi de remplacer leur vaisselle fabriquée à base de polymères par de l’inox ont amorti leurs coûts et réduit leurs déchets», rapporte-t-elle.

Un décret attaqué par les professionnels de la plasturgie

La semaine dernière, plusieurs collectifs environnementaux avaient alerté sur ce retour en arrière. L’association Générations futures a lancé une opération «Shake ton politique» (secoue ton politique) pour permettre aux citoyen·nes d’interpeller le ou la député·e de leur circonscription sur le sujet. Depuis le lancement de l’action, 153 parlementaires ont été sollicité·es.

De leurs côtés, plusieurs groupes locaux de l’association de lutte pour la réduction des déchets Zero waste ont appelé à donner un avis sur le décret à partir du site officiel de la consultation. De nombreux problèmes techniques ayant été relevés, la plateforme restera ouverte jusqu’au 14 mars pour que les citoyen·nes puissent commenter la proposition du gouvernement.

Selon Le Monde, celle-ci s’explique par les pressions des industriels du plastique. Le syndicat des professionnels de la plasturgie Plastalliance a déjà attaqué un premier décret fin janvier qui devait permettre l’entrée en vigueur de la loi. Il a annoncé au quotidien qu’il déposerait à nouveau un recours contre le nouveau texte, en dépit des dérogations prévues par le gouvernement.

«Cet ancien décret pris par le ministère de la santé interdisait à tort les couverts en plastique réutilisables alors qu’il s’agissait, dans l’esprit de la loi et du législateur, d’interdire les contenants de réchauffe en plastique, indique à Vert le ministère de la transition écologique. L’objectif du nouveau est de rendre le texte plus robuste d’un point de vue juridique, pour ne pas donner d’accroche à un recours contentieux à l’interdiction des bacs de réchauffe en plastique.»

«C’est un décret en contradiction avec l’esprit de la loi, dont le champ d’application couvrait aussi la vaisselle et les couverts, conteste Marine Bonavita. Nous avions une loi ambitieuse, c’est très grave de revenir constamment sur nos acquis environnementaux.»

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