Boîtes de conserve, cartons de pizzas, flacons colorés… l’extension du tri en 2023 a permis «une augmentation dans la consigne, de nouveaux objets qui allaient auparavant dans la poubelle grise», explique à Vert Pierre Hirtzberger, directeur général adjoint du Syctom, syndicat mixte dédié à la gestion des déchets en Ile-de-France.
Cet article est issu de notre rubrique Le vert du faux. Idées reçues, questions d’actualité, ordres de grandeur, vérification de chiffres : chaque semaine, nous répondons à une question choisie par les lecteur·rices de Vert. Aujourd’hui, on se penche sur celle posée par Ruddy sur Instagram. Si vous souhaitez voter pour la question de la semaine ou suggérer vos propres idées, vous pouvez vous abonner à la newsletter juste ici.
20% des détritus sont encore mis dans la poubelle jaune par erreur. Parmi les plus courants : jouets en plastique, mouchoirs ou essuie-tout usagés. Dans quelles filières de recyclage sont envoyés les autres, et sont-ils tous retraités ? Direction le centre de tri pour mieux comprendre ce que deviennent nos poubelles.
Dans celui du 15ème arrondissement de Paris, chaque jour, 37 camions viennent décharger les emballages, qui sont pesés à leur arrivée. Les déchets sont ensuite déversés dans un grand hangar dans lequel ils sont soumis à un premier contrôle visuel par des ouvrier·es avant d’être chargés sur un tapis roulant. Cela permet de vérifier qu’il n’y a pas de grosse erreur de tri : des détritus destinés à la poubelle grise ou du matériel électroménager par exemple.
Un tapis roulant conduit les détritus jusqu’à une sorte de très grand tambour de machine à laver, appelé le trommel. Ce dernier fait tourner rapidement les objets qui tombent dans des trous de différents diamètres, permettant d’effectuer un premier tri selon la taille.
Les plus gros déchets partent en direction de nouveaux tapis roulants et sont triés à la main par des employé·es. Les plus petits passent par le crible balistique, un mécanisme qui sépare les corps creux (barquettes, pots) des corps plats (papiers, pochettes). Si ces emballages sont sales, cela n’empêche pas leur recyclage : il suffit de bien vider les contenants avant de les mettre dans la poubelle jaune.
Du plastique vierge, même dans les emballages recyclés
Un séparateur magnétique attrape ensuite les objets en acier, puis les détritus sont à nouveau séparés par un trieur optique. Celui-ci distingue les différents types de plastiques destinés à des filières de retraitement différentes.
- Les PET, dont sont faites les bouteilles d’eau par exemple, sont plus facilement réutilisables pour faire de nouvelles bouteilles (recyclables deux à trois fois) ou pour être réutilisés dans l’industrie textile (27 bouteilles font une polaire).
- Les PEHD, ces plastiques opaques (boîtes, flacons) ne pourront pas être réutilisés pour fabriquer les mêmes objets. Mélangés à du plastique vierge, ils serviront par exemple à fabriquer du mobilier de jardin.
«Dans la majorité des cas, le recyclage du plastique ne fonctionne pas en boucles fermées, explique Flore Berlingen, cofondatrice de l’Observatoire du principe du pollueur-payeur et autrice de Recyclage, le grand enfumage. Pour cette raison, «certains parlent de “décyclage” ou “recyclage en cascade” parce qu’on utilise peu de plastique recyclé pour faire de nouveaux emballages», précise-t-elle. On pourrait croire qu’il est possible de refaire du neuf uniquement à partir de plastique retraité. Mais, dans les rayons des supermarchés, le taux de matière recyclée indiqué sur les produits est loin du 100%. Selon l’association européenne des producteurs de plastique, seul 30% du plastique recyclé est destiné à être incorporé à de nouveaux emballages.
Les deux tiers des emballages ménagers sont recyclés
Outre les différents types de plastique, la trieuse optique repère également les matériaux multicouches, qui disposent d’une filière spécifique ; plus un emballage comporte de matériaux différents superposés, plus il est compliqué à recycler (notre article à ce sujet). Certains, comme les barquettes avec des films plastiques ou les pots de yaourt, seront incinérés ou bien envoyés dans une filière en développement.
«Des filières de recyclage sont en train de se créer grâce aux nouveaux plastiques collectés dans le bac jaune. Par exemple, le pot de yaourt pourra redevenir un pot de yaourt grâce à une usine de recyclage qui sera opérationnelle dès 2025», assure Citéo, l’éco-organisme qui fait le lien entre les collectivités, les entreprises et le syndicat en charge de la gestion des déchets.
En attendant, à chaque étape supplémentaire, les détritus sont envoyés sur différents tapis roulants puis revérifiés par les salarié·es. Enfin, les déchets sont entassés dans de grandes balles selon leur catégorie, puis chargés sur des camions à destination des repreneurs. Ces recycleurs sont liés par un contrat au Syctom et varient selon les types de matériaux : Suez récupère par exemple les bouteilles en PET, ArcelorMittal, les déchets en acier. Au total, selon Citéo, 65,5% des emballages ménagers sont recyclés et deviendront de nouveaux objets, avec des disparités entre les matériaux : seulement 24,5% du plastique, 63% du papier carton, et 86% du verre. Le reste est incinéré.
À la sortie du centre de tri, encore 35% des plastiques n’ont pas de filière de recyclage pérenne, indique Citéo. Selon Flore Berlingen, «le tri sélectif est une “solution” technique à un problème qui est un choix politique de production». Notre modèle économique, fondé sur l’éloignement entre le producteur et le consommateur, a rendu l’emballage des produits utile pour les conserver. Mais leur recyclage partiel ne permet pas de réduire la production de plastique et donc notre consommation.
Si le geste de tri ne doit pas nous donner l’illusion qu’il est la solution parfaite, l’Agence de la transition écologique (Ademe) rappelle que l’incorporation d’une tonne de plastique recyclé dans de nouveaux emballages permet d’éviter 2,7 tonnes d’équivalent CO2. D’autres leviers contribueraient à réduire l’impact environnemental des emballages, comme l’écoconception des produits par les industriels (éviter la superposition des couches pour faciliter le recyclage) ou les incitations au réemploi, ajoute l’Ademe.
En mai dernier, les député·es Stéphane Delautrette (Parti socialiste) et Véronique Riotton (Renaissance) ont estimé que la loi antigaspillage et pour une économie circulaire (Agec) favorisait le recyclage au détriment du réemploi et de la réduction des déchets.
Le tri sélectif n’est donc pas une arnaque, puisqu’il permet de limiter l’impact environnemental de nos produits, à la condition de ne pas le considérer comme une solution unique à notre société de suremballage. En cas de doute sur la destination de l’un de vos matériaux à jeter, vous pouvez vous référer au moteur de recherche de l’Agence de la transition écologique.
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