Le vert du faux

Quelle part de nos déchets est vraiment triée et recyclée ?

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Tri­era bien qui tri­era le dernier. Verre, aci­er, alu­mini­um, papi­er, car­ton, plas­tiques… Tous les matéri­aux ne recy­clent pas de la même manière. Ni avec la même effi­cac­ité. On fait le point sur ce que devi­en­nent vrai­ment nos embal­lages une fois jetés dans les poubelles.

Si pour 9 Français·es sur 10, tri­er ses déchets au quo­ti­di­en est devenu un acte «facile», comme le mon­tre un sondage de l’Ifop con­duit en décem­bre 2023, de réelles dis­par­ités se creusent dans les taux de recy­clage des détri­tus une fois la poubelle récoltée.

Selon Citeo, l’entreprise à but non lucratif qui organ­ise le traite­ment des déchets en France, le taux de recy­clage des embal­lages ménagers est de 65,5%. 3,6 mil­lions de tonnes sont ain­si reval­orisées. Der­rière ce chiffre se cachent en réal­ité des dizaines de fil­ières dif­férentes, avec des taux de recy­clage qui vari­ent beau­coup.

Selon Citeo, la moyenne nationale de déchets triés s’établit à 72 kg triés/an/habitant en 2022. ©Mag­a­li Cohen/Hans Lucas/AFP

Le tri citoyen

C’est l’une des pri­or­ités pour réduire les flux de déchets : enseign­er les bonnes méth­odes de tri aux citoyen·nes. «Le meilleur des tris est celui qui inter­vient à la source», estime Lise Nico­las, ingénieure spé­cial­isée dans le recy­clage et fon­da­trice du bureau d’étude et de la chaîne Youtube «Mme & M. Recy­clage».

Un gise­ment de déchet très bien trié sera plus facile à recy­cler. «Il faut aus­si lim­iter au max­i­mum les résidus organiques et éviter de trop déformer les embal­lages, décrit l’ingénieure. Les machines de tri actuelles utilisent des tech­nolo­gies optiques pour sépar­er les déchets. Il ne faut par exem­ple plus écras­er les bouteilles en plas­tique si l’on veut qu’elles soient recon­nues.»

Si vous voulez décou­vrir la part de déchets effec­tive­ment gérée dans votre cen­tre de tri, vous pou­vez con­tac­ter votre syn­di­cat de traite­ment local et deman­der «le taux de refus». Celui-ci désigne le nom­bre de déchets reçus par le cen­tre, mais non triés.

Même si le recy­clage s’inscrit dans une démarche vertueuse, il n’est pas la solu­tion par­faite pour réduire l’impact des déchets sur l’environnement. Comme le rap­pelle Juli­ette Fran­quet, la direc­trice de l’association Zero Waste France : «Le meilleur déchet est celui qui n’est pas pro­duit».

Le plastique à la traîne

Le verre et l’acier sont les élé­ments les mieux val­orisés, avec un taux de recy­clage de 86%. Vien­nent ensuite le papi­er et le car­ton (63%), puis l’aluminium (36%). À con­trario, les plas­tiques sont au plus bas (24,5%). Prob­lème : ils représen­tent plus de 60 des 107 mil­liards d’emballages ven­dus en 2022, d’après Citeo.

Seuls 24% des plas­tiques sont recy­clés en France. ©Vert

Ce retard a plusieurs caus­es. «Sur une bouteille d’eau, qui est un des embal­lages les mieux recy­clés, il y a au moins qua­tre plas­tiques dif­férents avec le bou­chon, la bouteille, l’étiquette et la colle», détaille Lise Nico­las.

Même si les fab­ri­cants de biens man­u­fac­turés doivent s’acquitter d’une éco-con­tri­bu­tion pour financer le retraite­ment de leurs pro­duits, ces «indus­triels fab­riquent des embal­lages selon leurs pro­pres intérêts, et sou­vent impos­si­bles à recy­cler», relève de son côté Juli­ette Fran­quet, de Zero Waste France.

L’addition de dif­férents plas­tiques au sein d’un même embal­lage com­plique la tâche : «Plus les embal­lages sont com­plex­es, plus il faut des machines per­for­mantes» pour sépar­er les dif­férents polymères, pré­cise Lise Nico­las. Mal­heureuse­ment, cet investisse­ment dans des machines de haute tech­nolo­gie n’est pas pos­si­ble dans tous les cen­tres de tri français. Pour Juli­ette Fran­quet, de Zero Waste France, selon là où l’on habite, «il y aura de 1% à 60% de chance qu’un déchet jeté soit recy­clé».

Autre frein d’ampleur au tri des embal­lages plas­tiques : la recherche du moin­dre coût. «Le prob­lème du recy­clage est avant tout financier et logis­tique, avant d’être tech­nique, décrit Lise Nico­las. Le recy­clage, ça coûte de l’argent. Sans régle­men­ta­tion, le prix de la matière recy­clée est sou­vent plus chère que la matière vierge, qui est indexée sur le prix du pét­role». Et sans per­son­ne pour racheter le plas­tique recy­clé, la fil­ière ne peut pas être rentable et les déchets non val­orisés. Résul­tat : ils sont soit enfouis, soit inc­inérés.

Cet arti­cle est issu de notre rubrique Le vert du faux. Idées reçues, ques­tions d’actualité, ordres de grandeur, véri­fi­ca­tion de chiffres : chaque jeu­di, nous répon­drons à une ques­tion choisie par les lecteur·rices de Vert. Si vous souhaitez vot­er pour la ques­tion de la semaine ou sug­gér­er vos pro­pres idées, vous pou­vez vous abon­ner à la newslet­ter juste ici.