On vous explique

Piégeage traditionnel, tirs de loups, police de proximité rurale… pourquoi les chasseurs manifestent devant les mairies samedi ?

Chasse et croisés. La Fédération nationale des chasseurs appelle ses adhérent·es à se mobiliser dans toutes les communes du pays samedi matin. L’occasion de présenter un «manifeste pour la chasse» avec onze propositions vivement critiquées par les opposant·es à cette pratique.
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«Trop, c’est trop ! Régulièrement harcelés, les chasseurs en ont ras-le-bol». Entre les «technocrates» de Bruxelles et les «écolos dogmatiques», la Fédération nationale des chasseurs (FNC) fait feu de tout bois pour défendre ses pratiques. Ce samedi, à 11 heures, ses adhérent·es (1,1 million de personnes, deux fois moins qu’il y a 50 ans) sont appelé·es à se rassembler devant les mairies pour présenter aux élus locaux un tout nouveau «manifeste de la chasse».

Une battue administrative organisée dans le Maine-et-Loire en décembre 2020. © Frédéric Pétry/Hans Lucas via AFP

«À un an des prochaines élections municipales, l’objectif non dissimulé de la FNC est clairement d’obtenir un maximum de soutiens parmi les élus locaux, pour imposer sa vision rétrograde et moyenâgeuse de la nature et des animaux sauvages», alerte l’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas), fer de lance historique de l’opposition à la chasse.

Une étonnante «police de proximité rurale»

Parmi les onze propositions qui composent ce manifeste, plusieurs visent à donner des gages symboliques aux différentes pratiques de chasse, par exemple en les inscrivant au patrimoine immatériel de l’Unesco (la fauconnerie en fait déjà partie), ou encore en reconnaissant «la légitimité de toutes les chasses traditionnelles». Pièges avec des filets, matoles (de petites cages), trébuchets (une pierre en équilibre qui s’écrase sur les oiseaux)… la plupart de ces techniques ancestrales sont suspendues par le Conseil d’État.

Pour redorer son image, la FNC appelle aussi à la création d’une étonnante «police de proximité rurale». Joints par Vert, les représentants de la chasse précisent qu’ils veulent mettre leurs fédérations locales au service des communes pour lutter contre la «petite délinquance» : pollutions, dépôts sauvages, braconnages… «Autant faire garder le code de la route par des chauffards !», ironise Jean-Louis Chuilon, président de l’Alliance des opposants à la chasse.

«Ils veulent transgresser la loi, ajoute le militant anti-chasse. Si vous voulez constater des dégâts, il faut être assermenté, avoir suivi une formation juridique, prêter serment devant un tribunal…» Le contrôle des infractions environnementales est d’ailleurs déjà assuré par l’Office français de la biodiversité, comme le reconnaît elle-même la FNC, tout en rappelant que ce dernier «manque de moyens».

Chasser plus d’espèces : loup, martre, tourterelle…

Moins surprenantes, plusieurs autres propositions visent à réautoriser la chasse de certaines espèces. À commencer par celles protégées par des moratoires européens, notamment des oiseaux menacés comme la tourterelle des bois ou le courlis cendré.

Le manifeste réclame aussi le «retour à la liste complète des nuisibles dans tous les départements», ces animaux désormais appelés «Esod» (les espèces susceptibles d’occasionner des dégâts) qui peuvent être chassés dans certains territoires en raison des dommages supposés qu’ils peuvent causer. «Il n’y a pas d’espèce “nuisible”, chacune apporte des bénéfices à l’environnement pour arriver à un équilibre… sauf l’Homme», explique Jean-Louis Chuilon.

Cette semaine, la martre des pins a été retirée par le Conseil d’État de la liste des Esod dans toute la France. © Bastien Daubie/Flickr

Il donne l’exemple du renard : «C’est un auxiliaire de l’agriculture, si on le tue, il ne mangera plus les campagnols et autres petits animaux qui détruisent les cultures». Le 13 mai dernier, le Conseil d’État a annulé plusieurs classements Esod dans certains départements : renard, martre, fouine, corbeau freux…

La FNC compte aussi surfer sur la vague européenne de déclassement du loup gris, en train de passer de «strictement protégé» à «protégé». En dépit du rôle de cette espèce pour les écosystèmes et de la stagnation de la population française (notre article), les représentants de la chasse souhaitent réduire le nombre de prédateurs pour «sauver le pastoralisme et les populations d’ongulés».

Pas de contre-manifestation, mais des pétitions

Avec sa grande mobilisation de samedi, la FNC espère également obtenir plusieurs avantages financiers, comme un «fonds dédié aux fédérations pour financer des actions de réaménagement environnemental». Des sommes qui «devraient plutôt être attribuées aux acteurs de terrains qui mènent des actions désintéressées», tempère l’Aspas, qui rappelle que les chasseur·ses souhaitent replanter des haies pour favoriser le «petit gibier» chassable (faisans, perdrix, lièvres…).

D’autres avantages sont aussi en ligne de mire, comme la suppression de certaines règles qui encadrent la vente du gibier abattu ou encore l’«arrêt du paiement des dégâts de grand gibier par les seuls chasseurs». Ces derniers «ont une mission de service public, qui est de gérer les dégâts de grands gibiers, ce qui leur permet de toucher des millions d’euros de subventions», rappelle Jean-Pierre Chuilon.

Le manifeste appelle également à rejeter toute «interdiction d’utilisation du plomb dans les munitions de chasse». Ce métal toxique met en danger la santé humaine, y compris celle des chasseur·ses : 14 millions de pratiquant·es et leurs familles sont exposé·es au plomb dans la viande de gibier, selon une expertise de l’Agence européenne des produits chimiques publiée en avril dernier.

Ce samedi, les chasseur·ses rappelleront aux maires leur opposition à une interdiction de leur pratique le week-end, les vacances et jours fériés. Lors de la présentation de son plan pour sécuriser la chasse en janvier 2023, le gouvernement avait rejeté une telle mesure, au grand dam des anti-chasse (notre article). S’ils n’organiseront pas de contre-manifestation devant les mairies, ces derniers ont déjà lancé des pétitions et rédigé des contre-manifestes.

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