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Le gouvernement refuse d’interdire la chasse le dimanche et promet une application pour sécuriser la pratique

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Chas­se à court d’idées. Lun­di, le gou­verne­ment a dévoilé les mesures de son nou­veau « plan chas­se » visant à sécuris­er la pra­tique — des annonces jugées très insuff­isantes par les asso­ci­a­tions écol­o­gistes.

En sep­tem­bre 2021, le col­lec­tif Un jour un chas­seur avait lancé une péti­tion pour réclamer une plus grande sécuri­sa­tion de la chas­se. Ce col­lec­tif était né quelques mois plus tôt, à la suite de la mort d’un jeune Lotois, Mor­gan Keane, tué par un chas­seur alors qu’il coupait du bois devant son domi­cile. En moins de deux mois, la péti­tion avait dépassé les 100 000 sig­na­tures, de quoi obtenir l’ouverture d’une mis­sion de con­trôle au Sénat. En sep­tem­bre 2022, cette dernière a remis ses recom­man­da­tions au gou­verne­ment, qui devait les traduire en mesures.

En vis­ite dans le Loiret ce lun­di, la secré­taire d’État à l’écologie Bérangère Couil­lard a ren­du plusieurs arbi­trages très atten­dus. Par­mi ceux-ci, la propo­si­tion défendue par plusieurs asso­ci­a­tions d’in­stau­r­er un jour sans chas­se par semaine, par exem­ple le dimanche. Le gou­verne­ment n’a finale­ment pas retenu cette idée. La semaine dernière, un sondage Ifop com­mandé par des asso­ci­a­tions écol­o­gistes révélait que 78% des Français·es étaient favor­ables à une telle mesure. « C’est hal­lu­ci­nant de voir que 98% de la pop­u­la­tion doit s’adapter aux loisirs de 2% de la pop­u­la­tion », fustige auprès de Vert Mila Sanchez, co-fon­da­trice d’Un jour un chas­seur.

Le gou­verne­ment a promis la créa­tion d’une appli­ca­tion smart­phone qui recensera les zones de chas­se pour per­me­t­tre aux promeneur·ses de les éviter. Une solu­tion qui a provo­qué la con­tro­verse chez les chas­seurs, comme chez leurs opposant·es. Willy Schraen, le prési­dent de la Fédéra­tion nationale des chas­seurs (FNC), a dénon­cé un « flicage » dans la Dépêche du midi.

Une battue admin­is­tra­tive organ­isée dans le Maine-et-Loire en décem­bre 2020. © Fred­er­ic Pétry /Hans Lucas via AFP

Les asso­ci­a­tions écol­o­gistes soulig­nent que cette appli­ca­tion ne marchera pas dans les nom­breuses zones dépourvues de réseau. L’Association pour la pro­tec­tion des ani­maux sauvages (Aspas) a dénon­cé une « appli-gad­get […] anti-démoc­ra­tique » et « à l’avantage des chas­seurs qui vont être con­fortés dans leur sen­ti­ment d’appropriation de la nature ». « L’idée d’une appli­ca­tion chas­se per­me­t­tant d’identifier les zones dan­gereuses est une tartufferie. Elle ren­verse les rôles. Qu’adviendra-t-il en cas d’accident ? », s’interrogeait le directeur général de la Ligue de pro­tec­tion des oiseaux (LPO) et ex-député Matthieu Orphe­lin il y a quelques jours. Au reste, une appli­ca­tion n’aurait rien pu dans la mort de Mor­gan Keane, tué dans son jardin.

Le plan gou­verne­men­tal prévoit d’interdire la pra­tique « sous l’emprise exces­sive de l’alcool » à tra­vers la créa­tion d’un délit. La lim­ite sera fixée à 0,5 g d’alcool par litre de sang, comme pour les auto­mo­bilistes. « Ça va dans la bonne direc­tion, mais on ne va pas applaudir une mesure qui tombe sous le coup du bon sens et qui aurait dû être mise en place depuis des années », juge Mila Sanchez d’Un jour un chas­seur.

Inter­rogée par Europe 1 lun­di, la direc­trice déléguée de la FNC, Con­stance Bou­quet, a salué cette mesure, pré­cisant qu’en pra­tique, per­son­ne n’allait chas­s­er en état d’ébriété. Avant d’ajouter que « l’alcool n’est présent que dans 9% des acci­dents ».

L’exécutif met l’accent sur la for­ma­tion des chas­seurs, avec la mise en place d’un volet pra­tique au cours de la remise à niveau décen­nale qui leur est imposée depuis une loi de 2019. Tous les organ­isa­teurs de battues (env­i­ron 200 000 per­son­nes con­cernées) devront suiv­re une for­ma­tion rap­pelant « les règles de sécu­rité et les enjeux de com­mu­ni­ca­tion avec les riverains ». L’exécutif a égale­ment annon­cé un dur­cisse­ment des sanc­tions en cas de con­damna­tions après à un acci­dent de chas­se, dont les peines com­plé­men­taires qui per­me­t­tent le retrait du per­mis et un délai d’interdiction de le repass­er.

Pour Mila Sanchez, l’exécutif a man­qué l’occasion d’écouter les attentes des citoyen·nes, qui témoignent d’un sen­ti­ment gran­dis­sant d’insécurité dans les cam­pagnes. « La réponse du gou­verne­ment ne va pas du tout dans le sens d’un apaise­ment », estime-t-elle. La jeune femme craint que les posi­tions de chaque camp ne se raidis­sent encore à l’avenir.