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«On a commencé par prendre la rue. Là, on va prendre la mer» : six militantes écologistes mettent le cap sur Belém pour la COP30

En voilier balader. Depuis Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), six activistes écologistes, dont Camille Étienne et la Belge Adélaïde Charlier, embarqueront ce dimanche à bord d’un voilier pour rejoindre Belém, au Brésil, où se tiendra en novembre la COP30. Avec le Women Wave Project, elles veulent faire entendre la voix de la société civile face aux lobbies des énergies fossiles.
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Pour certaines, l’océan est un terrain familier. Pour d’autres, une source d’appréhension, synonyme de mal de mer. Mais toutes partagent la même détermination : après 40 jours de traversée de l’Atlantique, elles comptent bien se faire une place au cœur des négociations climatiques de la COP30.

Elles sont six, Françaises et Belges, réunies pour une expédition à la fois militante et scientifique : Camille Étienne, figure de la jeunesse climatique en France ; Adélaïde Charlier, cofondatrice de Youth for Climate en Belgique ; Maïté Meeûs, militante féministe belge ; Mariam Touré, activiste anti-raciste et cofondatrice de l’ONG La Jeunesse Populaire ; Lucie Morauw, vidéaste et cofondatrice de The Bridge ; et Coline Balfroid, réalisatrice française.

De gauche à droite et de haut en bas : Coline Balfroid, Lucie Morauw, Maïté Meeûs, Mariam Touré, Camille Etienne et Adélaïde Charlier, lors d’une conférence de presse à Paris, chez Deyrolle. © Zoé Moreau/Vert

L’aventure, baptisée Women Wave Project, a bien failli tourner court : cinq jours avant le départ, leur voilier a été frappé d’une avarie moteur. Sauvées par la solidarité des marins, elles embarqueront finalement sur L’Esprit d’Équipe, un monocoque légendaire, vainqueur de la première course autour du monde en équipage dans les années 1980.

L’équipage comptera également des navigatrices professionnelles pour assurer la traversée. Parmi elles, Capucine Treffot, skipper bretonne, qui a déjà mené le premier équipage 100% féminin à la victoire lors de la Global Ocean Race, une course transocéanique effectuée sans assistance électronique. «On a une équipe de badass sur l’aspect navigation», sourit Camille Étienne, qui rappelle que la traversée se fera sans pilote automatique et… sans satellite : «La météo, on la recevra par fax.»

Objectif : contrer les lobbys fossiles

Une fois en mer, les aventurières ont prévu de réaliser du séquençage ADN, en partenariat avec l’université de Montpellier (Hérault). Le principe : prélever des échantillons d’eau de mer pour y détecter des traces d’ADN laissées par des espèces marines, y compris les plus discrètes, impossibles à observer en plongée. Ce travail de science participative vise à soutenir la recherche, à un moment «où les financements sont en baisse dans de nombreux pays», rappelle Camille Étienne.

Arrivées à Belém, leur mission sera plus politique : peser dans les négociations face aux industriels fossiles. «Cette année, les lobbies sont encore plus nombreux que n’importe quelle délégation d’État», a dénoncé l’activiste en conférence de presse.

Pour y parvenir, elles espèrent obtenir des badges officiels des délégations françaises et belges. Seules trois d’entre elles en disposent pour l’instant, condition indispensable pour accéder aux zones dites «bleues», cœur des discussions, où la société civile peine à entrer.

«C’est la première fois que je prends le temps de me rendre à une COP. Je le fais parce que je me sens désemparée face aux reculs environnementaux massifs que l’on vit aujourd’hui», explique Camille Etienne. Cette COP revêt un caractère symbolique, dix ans après l’Accord de Paris sur le climat, signé à l’occasion de la COP21 à Paris, en 2015. En vertu de cet accord, chaque État doit relever ses engagements climatiques et présenter une feuille de route pour 2035. «C’est le moment de vérité», appuie Adélaïde Charlier, alors que la planète a franchi en 2024 le seuil de +1,5°C de réchauffement par rapport à l’ère préindustrielle (milieu du 19ème siècle).

«Partager nos méthodes»

Le projet bénéficie du parrainage d’Amnesty International France et Belgique. «La crise climatique est la plus grande crise des droits humains de notre temps», rappelle Margot Raymond, chargée de plaidoyer Justice climatique à Amnesty France. Le Brésil est un lieu hautement symbolique : c’est le pays le plus meurtrier pour les défenseur·es de l’environnement. «La répression des militants écologistes augmente partout, en Amérique latine mais aussi en France», souligne-t-elle encore.

Au-delà de leur traversée, les six militantes veulent porter la voix de celles et ceux qui n’ont pas accès à la COP : jeunes, femmes, peuples autochtones. «La participation est de plus en plus difficile pour la société civile : coûts prohibitifs, problèmes de visas…», constate Amnesty. En parallèle des négociations officielles, un Sommet des Peuples se tiendra à Belém. «Pour la première fois, il donnera une vraie place aux minorités, aux peuples autochtones, aux femmes, aux jeunes», se réjouit Mariam Touré.

La traversée sera aussi un moment de rencontre entre ces six militantes. «Ce projet, c’est l’occasion de partager nos méthodes et de créer des alliances», explique Camille Étienne. Leur quotidien à bord donnera lieu à un documentaire, réalisé par Pauline Balfroid et attendu pour 2026. «Mon rôle est de filmer, de raconter cette traversée et ces échanges. L’idée est de montrer des visages, des parcours, une diversité de luttes», confie-t-elle.

Ces six femmes, qui pour certaines ne se connaissaient pas avant le début du projet il y a neuf mois, tirent toutes leur engagement écologique du mouvement climat. Camille Étienne de conclure : «On a commencé par prendre la rue. Là, on va prendre la mer.»

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