En matière d’inaction climatique, l’État français est un récidiviste. Il doit d’ailleurs plusieurs de ces condamnations les plus retentissantes à l’association Notre Affaire à Tous, spécialiste dans le contentieux climatique. Depuis 2021, elle a ainsi obtenu sa condamnation par le tribunal administratif de Paris dans l’«Affaire du siècle», puis par le Conseil d’État dans celle de Grande-Synthe pour non-respect de ses propres objectifs climatiques.
Loin d’en avoir fini avec les poursuites, l’association a annoncé ce jeudi le dépôt d’un nouveau recours auprès du Conseil d’État. Cette fois-ci, elle entend s’appuyer sur une nouvelle jurisprudence internationale pour faire reconnaître les insuffisances de l’État français dans la lutte contre le réchauffement climatique.

En l’occurrence, l’avis rendu en juillet 2025 par la Cour internationale de justice (CIJ) qui reconnaît que la violation des obligations climatiques constitue un «fait internationalement illicite» engageant la responsabilité des États. Dans cette décision historique, la CIJ impose aux États de faire ce qui est en leur pouvoir pour maintenir le réchauffement climatique en dessous du seuil de 1,5°C de réchauffement d’ici à 2100 (par rapport à 1850). Surtout, elle leur demande de tenir compte de leur contribution historique et de leur niveau de développement dans l’élaboration de leurs objectifs climatiques. En clair, que ceux qui ont le plus contribué et qui disposent des moyens économiques les plus importants réduisent en priorité leurs émissions.
La France a déjà consommé sa «part juste»
Sur la base de cette jurisprudence, Notre Affaire à Tous a demandé à trois chercheurs internationaux spécialisés en modélisation climatique de calculer la «part juste» de la France, à partir d’un budget carbone mondial jugé compatible avec l’objectif de +1,5°C de réchauffement climatique. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), la quantité d’émissions qu’il reste encore à émettre sans faire déraper les températures s’élevait à 250 gigatonnes d’équivalent CO2 en 2023 (250 milliards de tonnes), soit moins de sept années aux niveaux d’émissions actuels.
En calculant la part de la France dans ce budget en proportion de son nombre d’habitant·es, les chercheurs estiment que la France disposaient encore d’un budget carbone de 2,83 gigatonnes en 2023. À titre de comparaison, le pays a émis 2,31 gigatonnes entre 2015 et 2022. Pour rester dans les limites de son budget carbone, les chercheurs estiment que la France devrait donc ramener ses émissions nettes à zéro dès 2034, soit une baisse annuelle de ses émissions de 8% (entre 2023 et 2034).

En prenant en compte la responsabilité de la France dans les émissions passées (depuis 1990) et son niveau de développement économique actuel, les chercheurs estiment en revanche que la France a déjà largement consommé sa «part juste», puisqu’elle a déjà émis près 8 gigatonnes de CO2 au détriment d’autres pays moins développés.
En attaquant l’État en justice, l’association espère infléchir les politiques climatiques menées alors que la France continue de prendre du retard sur ses objectifs. En 2024, les émissions françaises de gaz à effet de serre ont diminué de 1,8% et les premières estimations pour 2025 indiquent une baisse prévue de 0,8%, alors qu’elles devraient fléchir d’au moins 5% par an pour espérer respecter les objectifs fixés dans la loi européenne, de -55 % (par rapport à 1990) d’ici à 2030. Ce ralentissement se couple à une fragilisation de plus en plus forte des puits de carbone tels que les forêts, sous l’effet du réchauffement climatique.