Reportage

Devant l’Assemblée nationale, des jeunes à la pêche aux députés engagés pour le climat

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Mar­di, à Paris, une dizaine de jeunes militant·es pour le cli­mat ont investi la place du prési­dent Edouard Her­riot, face à l’Assemblée nationale, pour faire pres­sion sur les député·es afin qu’elles et ils s’engagent face à l’urgence cli­ma­tique.

« Excusez-moi, est-ce que vous êtes député ? », pou­vait-on s’entendre deman­der mar­di 28 juin, jour de ren­trée par­lemen­taire, en pas­sant aux abor­ds de l’Assemblée nationale. À l’occasion de la pre­mière séance publique dans l’hémi­cy­cle, un groupe de militant·es de Fri­days for future (FFF), le mou­ve­ment ini­tié par la Sué­doise Gre­ta Thun­berg, attend de pied ferme les représentant·es de la nation fraîche­ment élu·es pour « les inter­peller et les tenir pour respon­s­able de leurs votes à venir sur le cli­mat ». Elles et ils se sont inspiré·es de l’action menée la semaine dernière par le mou­ve­ment Pour un réveil écologique, qui pro­po­sait aux député·es une for­ma­tion « express » sur le cli­mat et la bio­di­ver­sité, dis­pen­sée par des sci­en­tifiques expert·es de ces sujets (notre arti­cle).

Mal­gré une présence plutôt dis­crète sur le bord de la place Edouard Her­riot, de nom­breuses dis­cus­sions s’engagent entre jeunes militant·es et député·es. © Anna Sardin / Vert

« Cer­tains députés qui sont venus nous voir n’ont pas assisté à la for­ma­tion de la semaine dernière », con­state Lila-Brune Rémy, 19 ans, coor­di­na­trice nationale de Fri­days for future France. « Pour eux, c’est une chance de se rat­trap­er, et pour nous, c’est l’occasion de leur rap­pel­er leurs respon­s­abil­ités ». En toile de fond, quelques pan­car­tes peintes à la main avec lesquelles les élu·es peu­vent se faire pho­togra­phi­er, et des affich­es accrochées à un fil – une pour chaque lim­ite plané­taire — sous lesquelles se déroulent des dis­cus­sions ani­mées au sujet de la réin­tro­duc­tion des pes­ti­cides néon­i­coti­noïdes ou la dépol­lu­tion de la Méditer­ranée.

Ces derniers mois, deux nou­velles lim­ites plané­taires ont été franchies : celle des pol­lu­ants chim­iques et celle du cycle de l’eau douce, por­tant leur nom­bre à 7, sur un total de 9, comme l’ont rap­pelé les militant·es. © Anna Sardin / Vert

Sur le côté, une pile de feuilles à sign­er : il s’ag­it d’une let­tre à des­ti­na­tion de la future prési­dence de l’Assemblée nationale [la députée Renais­sance Yaël Braun-Pivet a été élue au per­choir après la réal­i­sa­tion de ce reportage, NDLR], qui demande que « les choix poli­tiques soient doré­na­vant faits en con­science de l’enjeu cli­ma­tique » et sol­licite une for­ma­tion de l’intégralité des élu·es. 40 sig­na­tures au comp­teur en fin de journée — en grande par­tie des député·es élu·es sous la ban­nière de la Nou­velle union pop­u­laire, écologique et sociale (Nupes). Quelques représentant·es du Rassem­ble­ment nation­al ou de petits groupes par­lemen­taires, mais peu de mem­bres d’Ensemble, regrette Pablo Flye, porte-parole de FFF : « nous ne visions pas de groupe poli­tique en par­ti­c­uli­er, mais notre action me sem­blait com­pat­i­ble avec la coali­tion créée par le par­ti prési­den­tiel. Ils sont une vraie réserve de voix pour le cli­mat, mais très peu d’entre eux sont passés ».

Les député·es étaient invité·es à sign­er une let­tre adressée à la prochaine per­son­ne qui pren­dra la prési­dence de l’Assemblée Nationale, « pour qu’il y ait un élan écologique dès le départ ». © Anna Sardin / Vert

Dif­fi­cile de tenir le compte exact, mais les militant·es esti­ment avoir pu échang­er avec plus de 60 per­son­nes. « En ini­tiant la dis­cus­sion avec nos élus, on se rend compte qu’il y a des points de con­ver­gence pos­si­bles. Ça par­ticipe à don­ner de l’espoir », appuie Mari­na Yakovlev, créa­trice du média écol­o­giste engagé EcoY­ako. Même lorsque Nico­las Dupont-Aig­nan, député de la 8ème cir­con­scrip­tion de l’Essonne, leur sou­tient que « les Français ne sont respon­s­ables que de 0,9 % des émis­sions de gaz à effet de serre » ? Un argu­ment clas­sique du dis­cours cli­matoscep­tique qui omet la respon­s­abil­ité his­torique de la France (12ème plus grand émet­teur de CO2 de tous les temps — Car­bon Brief) et laisse accroire qu’il serait encore temps de ne pas accroître les efforts pour lut­ter con­tre le change­ment cli­ma­tique.

« Le cli­mat n’a pas de couleur poli­tique, c’est à nous d’être démoc­ra­tiques et d’essayer de con­va­in­cre tous les députés qu’on peut agir ensem­ble », souligne Col­ine Percheron, elle aus­si porte-parole de FFF. Alors que Léo Wal­ter, député de la 2ème cir­con­scrip­tion des Alpes-de-Haute-Provence, cherche une pan­car­te pour faire une pho­to « qui va plaire à ses filles, des mil­i­tantes rad­i­cales ! », elle con­clut : « nous, les jeunes, on a un vrai pou­voir de mobil­i­sa­tion pour le cli­mat. On peut être écouté si on fait assez de bruit, si on est assez nom­breux. Notre avenir est en jeu ».