Reportage

Devant l’Assemblée nationale, des scientifiques accueillent les nouveaux députés pour les former à l’écologie sans plus attendre

Jusqu’à mercredi, les député·es sont attendu·es à l’entrée du palais Bourbon par certain·es des plus grand·es scientifiques français·es pour se voir dispenser une formation express aux enjeux du climat et du vivant. Les organisateur·rices espèrent sensibiliser un grand nombre d’élu·es pour qu’elles et ils prennent davantage en compte les enjeux écologiques dans leurs votes.
  • Par et

Danielle Simon­net, fraîche­ment élue députée (Nupes) de Paris, est attablée avec qua­tre sci­en­tifiques sous un chapiteau plan­té à quelques enca­blures de l’Assemblée nationale où elle se rend pour la pre­mière fois ce lun­di. À l’aide de réca­pit­u­lat­ifs du dernier rap­port du Giec (le Groupe d’experts inter­gou­verne­men­tal sur l’évolution du cli­mat), les chercheur·ses font le point avec la par­lemen­taire sur la crise écologique en cours et à venir.

Une dis­cus­sion qui s’inscrit dans l’opération #Man­dat­Cli­mat­Bio­di­ver­sité, une ini­tia­tive portée par l’ex-député écol­o­giste de Maine-et-Loire Matthieu Orphe­lin et le cli­ma­to­logue Christophe Cas­sou. Avec l’aide du col­lec­tif étu­di­ant Pour un réveil écologique, ils ont con­vié 35 sci­en­tifiques à se relay­er pour for­mer, pen­dant deux jours et demi, les nou­veaux mem­bres de l’Assemblée nationale aux enjeux du cli­mat et de la bio­di­ver­sité.

Léa Fal­co, mem­bre du col­lec­tif Pour un réveil écologique, l’écologue Wolf­gang Cramer, et Matthieu Orphe­lin, ex-député écol­o­giste et co-insti­ga­teur de ces « for­ma­tions express », à l’oc­ca­sion du pre­mier jour de for­ma­tion des député·es, le 20 juin 2022. © Anna Sardin / Vert

En petits groupes, les député·es peu­vent recevoir une for­ma­tion express de 20 à 30 min­utes sur ces vastes sujets, ain­si qu’un « kit de survie » avec des ressources à explor­er. Les sci­en­tifiques présent·es sont aus­si renommé·es que que leurs dis­ci­plines sont varié·es. On croise l’hydrologue Emma Haz­iza, l’écologue Wolf­gang Cramer, la géo­graphe Mag­a­li Reghez­za, l’océanographe Jean-Bap­tiste Sal­lée, etc.

« Il y a deux raisons prin­ci­pales qui poussent les par­lemen­taires à ne pas agir comme il le faudrait face à l’urgence cli­ma­tique : le manque de volon­té poli­tique, et l’absence de con­nais­sances des enjeux et des solu­tions, qu’il ne faut surtout pas sous-estimer », analyse Matthieu Orphe­lin. Avant d’ironiser : « Nul n’est cen­sé ignor­er la loi, mais nul n’est cen­sé ignor­er la crise cli­ma­tique non plus ».

En 2020, une étude de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) a révélé que 21% des par­lemen­taires français·es con­sid­éraient le change­ment cli­ma­tique comme « une hypothèse sur laque­lle les sci­en­tifiques ne sont pas tous d’accord ». Pour­tant, le con­sen­sus sci­en­tifique sur le sujet est absolu, comme en témoigne le dernier rap­port du Giec (Vert). Aus­si, « il est absol­u­ment cri­tique que les décideurs puis­sent mon­ter en con­nais­sance sur le sujet pour que ces enjeux ray­on­nent dans toutes les poli­tiques publiques, toutes les sphères de déci­sion », abonde Christophe Cas­sou. Pour ce dernier, le rôle du sci­en­tifique n’est pas sim­ple­ment de pro­duire des rap­ports, mais aus­si de les partager pour qu’ils soient com­pris.

La géo­graphe Mag­a­li Reghez­za, le cli­ma­to­logue Christophe Cas­sou et le spé­cial­iste de la bio­di­ver­sité Denis Cou­vet, trois des 35 sci­en­tifiques mobilisé·es pour l’oc­ca­sion. © Anna Sardin / Vert

Au total, le col­lec­tif Pour un réveil écologique espère for­mer au moins 289 député·es dans les jours qui vien­nent, soit l’équivalent d’une majorité absolue à l’Assemblée. « À la fois pour le sym­bole, mais aus­si pour espér­er en avoir for­mé suff­isam­ment pour qu’ils votent sys­té­ma­tique­ment en faveur de l’écologie », pré­cise à Vert Léa Fal­co, mem­bre du col­lec­tif. L’initiative se veut totale­ment aparti­sane afin que les député·es de tous bor­ds puis­sent venir prof­iter des con­nais­sances des sci­en­tifiques.

Mal­gré la mobil­i­sa­tion des jeunes militant·es qui font le pied de grue devant l’Assemblée nationale pour rameuter des élu·es, la récolte est bien mai­gre pour ce pre­mier jour de for­ma­tion. Arrivée en fin d’après-midi sous les applaud­isse­ments des organisateur·rices, Danielle Simon­net est la seule à avoir pris le temps de venir se for­mer auprès des sci­en­tifiques.

Les for­ma­tions aux député·es se font avec un petit groupe de sci­en­tifiques de divers­es spé­cial­ités. C’est un cours par­ti­c­uli­er pour Danielle Simon­net, la seule députée à s’être présen­tée lun­di après-midi. © Anna Sardin / Vert

À l’issue de cet échange, la nou­velle élue parisi­enne se réjouit d’avoir reçu cette « piqûre de rap­pel ». « Au quo­ti­di­en, je suis plus habituée à traiter des sujets de loge­ment, d’insalubrité, de con­di­tions de vie, ce qui fait que je m’éloigne par­fois de ces sujets-là [stricte­ment liés au cli­mat, NDLR]. C’est impor­tant de me rep­longer là-dedans, et je me rends compte que finale­ment les sujets se recoupent, qu’ils sont com­plé­men­taires », racon­te-t-elle à Vert. Elle estime que l’ensemble de ses col­lègues devraient venir à leur tour.

Les chercheur·ses se relaieront jusqu’à mer­cre­di pour sen­si­bilis­er les par­lemen­taires. De nombreux·ses élu·es Ensem­ble, Nupes et les Répub­li­cains ont d’ores et déjà promis de venir. Pour un réveil écologique appelle les citoyen·nes à inter­peller directe­ment leur député·e sur les réseaux soci­aux afin d’en mobilis­er le plus grand nom­bre pos­si­ble. À terme, le col­lec­tif étu­di­ant espère que tous les par­lemen­taires suiv­ront une longue for­ma­tion oblig­a­toire et organ­isée par les insti­tu­tions, détaille Léa Fal­co. « Au moins, on saurait que s’ils n’agissent pas, c’est parce qu’ils n’en ont sim­ple­ment pas la volon­té. »