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Les ventes de jets privés atteignent de nouveaux sommets

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Ça jet un froid. Mal­gré les polémiques sur l’impact envi­ron­nemen­tal démesuré de l’aviation privée, la flotte mon­di­ale de jets privés a plus que dou­blé en vingt ans et le nom­bre de vols a atteint un nou­veau record en 2022.

Les jets ont la cote : en juin 2022, on a recen­sé 23 133 appareils privés dans le monde. Une aug­men­ta­tion de 133% par rap­port au début du XXème siè­cle (9 895 avions), révèle un rap­port sur les «Grands voyageurs de 2023» pub­lié par le think tank améri­cain Insti­tute for pol­i­cy stud­ies et l’organisation Patri­ot­ic mil­lion­naires, qui réu­nit des Américain·es fortuné·es récla­mant une hausse des impôts dans leur pays. Le rap­port a comp­té 5,3 mil­lions de vols privés en 2022, pul­vérisant le précé­dent record de 4,8 mil­lions de tra­jets qui datait de 2007, avant la crise finan­cière mon­di­ale.

L’attrait des ultra-rich­es pour les jets ne cesse pas, mal­gré le ras-de-bol gran­dis­sant autour de leurs pra­tiques pol­lu­antes (notre arti­cle). La for­tune médi­ane des pro­prié­taires de jets privés s’élève entre 140 et 190 mil­lions de dol­lars, ce qui représen­tent 0,0008% de la pop­u­la­tion mon­di­ale, selon le rap­port. Le jet privé reste, de très loin, le moyen de trans­port le plus pol­lu­ant (notre arti­cle). L’usage d’un appareil privé pol­lue entre 5 et 14 fois plus qu’un tra­jet réal­isé sur une ligne com­mer­ciale, d’après l’ONG Trans­port & envi­ron­ment.

Par exem­ple, le mil­liar­daire Elon Musk, sul­fureux pro­prié­taire de Twit­ter, Tes­la et SpaceX, a réal­isé 171 vols en 2022 — soit un tous les deux jours — et con­som­mé près de 840 000 litres de car­bu­rant. Ces tra­jets ont émis 2 112 tonnes de CO2 en 2022, soit 211 fois plus que l’empreinte car­bone moyenne d’un·e Français·e.

Alors que les jets privés pol­lu­ent pro­por­tion­nelle­ment beau­coup plus que les vols com­mer­ci­aux, ils sont bien moins taxés. Ils représen­tent un vol sur six géré par l’agence améri­caine de l’aviation (Fed­er­al avi­a­tion admin­is­tra­tion, FAA), mais ne con­tribuent qu’à hau­teur de 2% aux recettes fis­cales de cette dernière. À peu près 70% de ces recettes sont financées par les pas­sagers com­mer­ci­aux.

Les organ­ismes à l’origine de ce rap­port sug­gèrent la mise en place d’une taxe à l’achat de tout jet privé, de 10% pour un appareil d’occasion et 5% pour un neuf. Un impôt qui aurait pu rap­porter 2,6 mil­liards de dol­lars (2,36 mil­liards d’euros) en 2022. Ils pro­posent égale­ment de dou­bler la tax­a­tion du car­bu­rant sur les jets privés. Cumulées, ces deux mesures auraient fait pay­er près de 4 mil­lions de dol­lars (3,62 Mds €) à Elon Musk l’année dernière. Un mon­tant anec­do­tique au regard de sa for­tune estimée à 171,9 mil­liards de dol­lars (155,7 Mds€). Enfin, le rap­port évoque la créa­tion d’une sur­taxe dis­sua­sive sur les tra­jets courts.

«Après avoir lu ce rap­port, j’ai décidé de ven­dre mon avion», a réa­gi Stephen Prince, vice-prési­dent des Patri­ot­ic mil­lion­naires. «Il est virtuelle­ment impos­si­ble de con­cili­er la moin­dre préoc­cu­pa­tion pour l’environnement et l’humanité avec l’égoïsme suprême de sauter dans un gros jet tout seul. Ce n’est tout sim­ple­ment pas juste.»