Le rendez-vous était fixé à samedi 26 avril, à midi, en plein cœur de Londres (Royaume-Uni). «Une dernière action. Après trois ans, on raccroche nos gilets fluo. On descend dans les rues une dernière fois», avait annoncé le mouvement de désobéissance civile Just stop oil (JSO), qui organisait une grande marche ce week-end. Au total, plusieurs centaines de personnes se sont réunies dans le centre de la capitale britannique, entre le Parlement et le siège du pétrolier Shell pour mettre un point final aux activités du mouvement.

JSO, né en février 2022 au Royaume-Uni avec l’objectif de mettre fin à la production de pétrole et de gaz, avait déclaré l’arrêt de ses coups d’éclat fin mars. En trois ans d’existence, le mouvement a régulièrement fait la Une des médias avec ses nombreuses actions chocs : blocages de routes, perturbations de terminaux pétroliers, jets de peinture ou de soupe sur des œuvres d’art (dont les célèbres Tournesols de Van Gogh ou La Jeune fille à la perle de Vermeer) ou des monuments (Stonehenge notamment).
La fin de Just stop oil s’inscrit dans la lignée de la disparition de plusieurs campagnes militantes depuis fin 2023, comme Dernière rénovation ou Riposte alimentaire en France. Celles-ci ont bouleversé une partie du mouvement climat en renouvelant les modes d’action grâce à des mobilisations spectaculaires et polémiques, loin des grandes marches climat des années pré-Covid.
«Coup de projecteur médiatique»
«Quand Just stop oil ou Dernière rénovation sont apparus après le Covid, ça a généré des coups de projecteur médiatiques sur des sujets qu’on avait du mal à faire exister à cette période-là», explique à Vert Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France.
«Ça a permis la mise en image de la désobéissance civile, abonde Sarah Durieux, spécialiste de la mobilisation citoyenne et autrice de plusieurs ouvrages sur le sujet. Le format choisi par Just stop oil, comme par d’autres organisations, était à la fois très disruptif dans la vie quotidienne des gens, comme les blocages de routes, ou dans ce qu’ils estiment comme étant sacré, comme le peinturlurage d’œuvres d’art. Ç’a véhiculé une forme d’urgence de l’action.»
À l’époque, ces actions chocs ont repolitisé les actions militantes écologistes, juge Sarah Durieux : «Elles ont permis de re-radicaliser l’activisme climatique et d’agrandir la fenêtre d’Overton [l’ensemble des idées considérées comme tolérables par la société à un moment donné, NDLR] des militants.»
Une répression massive
Malgré un certain soutien populaire, les actions de Just stop oil ont surtout généré beaucoup d’incompréhension dans l’opinion publique. «Le bémol, c’est que ces actions de désobéissance sont moralement questionnables pour beaucoup de gens, ce qui crée des antagonismes avec le grand public», analyse Sarah Durieux, faisant référence à des invectives d’automobilistes lors de blocages de routes, ou aux nombreuses critiques liées au ciblage d’œuvres d’art.
Just stop oil a justifié l’arrêt de ses activités par sa victoire sur la question du pétrole et du gaz – le gouvernement travailliste élu en 2024 a promis de ne plus accorder de nouveaux permis d’exploitation pétrogazière –, mais cette annonce est aussi liée à l’essoufflement de ses militant·es.

Depuis sa création, le mouvement a subi une criminalisation particulièrement forte au Royaume-Uni, avec de nombreux procès (passés ou à venir) et de lourdes peines. Les activistes Phoebe Plummer et Anna Holland ont par exemple été condamnées à de la prison ferme pour avoir aspergé de la soupe sur un tableau. Du reste, les chiffres avancés par Just stop oil donnent le tournis : plus de 3 000 interpellations et 180 emprisonnements en trois ans d’activité, dont onze militant·es actuellement derrière les barreaux au Royaume-Uni.
«Cela ne signifie pas que la lutte est terminée»
Un lourd prix à payer qui a fini par avoir raison des actions coup de poing de Just stop oil, mais qui ne symbolise pas sa disparition pure et simple. «Nous mettons fin à notre campagne de résistance civile non-violente. Mais cela ne signifie pas que la lutte est terminée», a prévenu Indigo Rumbelow, co-fondatrice de JSO, actuellement en détention provisoire dans le nord-ouest de l’Angleterre.
Le mouvement promet de rester mobilisé pour défendre sa cause et ses activistes en procès. «C’est un combat qui est intéressant du point de vue médiatique, et aussi pour créer des précédents judiciaires et protéger les militants lors de futures actions», juge Sarah Durieux.
«Just stop oil continuera de dire la vérité dans les tribunaux», affirme le mouvement, qui appelle toutes celles et ceux «qui souhaitent prendre part à la construction d’une nouvelle résistance» à les rejoindre à Londres ce 26 avril. «Ce n’est pas la fin de quoi que ce soit, et je fais le pari que d’autres groupes émergeront avec d’autres modes d’action spectaculaires, veut croire Jean-François Julliard, de Greenpeace. On n’a jamais eu autant besoin de se mobiliser sur les questions environnementales qu’aujourd’hui.»
Just stop oil en six dates :
Février 2022. Lancement des actions de Just stop oil
Avril 2022. Blocages et perturbations de nombreux sites pétroliers dans toute l’Angleterre
Juillet 2022. Les militant·es de Just stop oil commencent à cibler des œuvres d’art
Été 2024. Peinturlurage du site historique de Stonehenge et condamnations successives d’activistes à des peines de prison pour diverses actions
Mars 2025. Annonce de l’arrêt de la campagne Just stop oil
26 avril 2025. Dernière marche organisée dans le centre de Londres
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