Décryptage

Il faudra faire plus que « doubler les efforts » pour atteindre les objectifs climatiques de la France

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Dans une nou­velle vidéo, Emmanuel Macron a recon­nu le retard de la France en la matière, sans se mon­tr­er trop dis­ert sur sa respon­s­abil­ité, ni promet­tre de grands boule­verse­ments.

« Aujourd’hui, on n’y est pas. Et si on ne change pas les choses, on n’y arrivera pas ». Dans une courte vidéo pub­liée same­di, deux jours après le pre­mier Con­seil de la plan­i­fi­ca­tion écologique, qui a rassem­blé à l’Élysée une dizaine de min­istres pour pré­par­er la tran­si­tion, le prési­dent s’est exprimé sans (grands) détours.

La baisse des émis­sions de gaz à effet de serre con­statée en France ces dernières années est en effet très insuff­isante pour enray­er la crise cli­ma­tique. « Ces cinq dernières années, on a bais­sé deux fois plus vite [nos émis­sions de gaz à effet de serre]. Si on veut attein­dre notre cible 2030, on doit pass­er à 270 mil­lions de tonnes de CO2 émis­es en 2030 […] ce qui veut dire qu’on doit sim­ple­ment dou­bler le taux d’effort par rap­port à ce qu’on a fait ces cinq dernières années », a détail­lé Emmanuel Macron. Sim­ple­ment ?

Entre 2017 et 2021, selon les don­nées du Citepa, les émis­sions ter­ri­to­ri­ales de la France ont effec­tive­ment bais­sé de près de 10%, soit le dou­ble de la diminu­tion con­statée lors du quin­quen­nat de François Hol­lande (-4,5% entre 2012 et 2017). Hélas, cette accéléra­tion est notam­ment due aux con­fine­ments de 2020 (-9,7% sur un an). Dès l’année suiv­ante, les émis­sions ont rebon­di (+6,4%). Plus inquié­tant : un bilan pro­vi­soire laisse appa­raître une stag­na­tion (-0,3%) sur les neufs pre­miers mois de 2022.

La France était déjà sur une tra­jec­toire com­pliquée pour attein­dre ses objec­tifs, alors que les pla­fonds fixés pour la péri­ode 2015–2018 avaient été pul­vérisés, accrois­sant encore l’effort à accom­plir au fil des années suiv­antes. Désor­mais, la France doit se con­former à un nou­v­el objec­tif européen plus ambitieux : ‑55% d’i­ci à 2030 par rap­port à 1990, con­tre ‑40% jusqu’alors.

En rouge, la tra­jec­toire prévue par la Stratégie nationale bas-car­bone, feuille de route cli­ma­tique de la France. En vert, la tra­jec­toire cor­re­spon­dant au nou­v­el objec­tif européen. En bleu, les émis­sions passées. © Haut Con­seil pour le cli­mat

Selon le Haut Con­seil pour le cli­mat (HCC), les émis­sions doivent baiss­er en moyenne de 4,7% par an pour y par­venir. C’est bien « sim­ple­ment » deux fois plus qu’au cours du pre­mier quin­quen­nat Macron (-2,4% entre 2017 et 2021), mais l’effort est en réal­ité beau­coup plus impor­tant au vu des deux dernières années (+6,4% et ‑0,3%). Le HCC avait prévenu qu’en l’absence de change­ments struc­turels, les émis­sions rebondi­raient une fois la pandémie passée, ce qui n’a pas man­qué de se pro­duire.

Dans sa vidéo, le prési­dent a esquis­sé cer­taines pistes pour attein­dre nos objec­tifs. Sur les trans­ports, il a pris pour pri­or­ité l’électrification du parc auto­mo­bile. Hélas, rien sur la taille des véhicules (un SUV élec­trique a un bilan car­bone com­pa­ra­ble à une petite voiture ther­mique), ni sur leur nom­bre. Il a toute­fois plaidé pour un développe­ment des trans­ports en com­mun.

En matière d’agriculture, il s’est gardé de pro­mou­voir des pra­tiques plus vertueuses, comme l’agro-écologie, ou d’aborder la ques­tion de l’élevage — l’une des sources majeures des émis­sions nationales. Il a aus­si appelé à accélér­er la réno­va­tion ther­mique des bâti­ments ; à décar­bon­er les sites indus­triels les plus pol­lu­ants ; à dévelop­per éner­gies renou­ve­lables et nucléaire, ain­si qu’à péren­nis­er le plan de sobriété.

« Avec la plan­i­fi­ca­tion écologique, nous allons men­er ce qui doit être bien plus qu’une tran­si­tion : une bas­cule », indi­quait le texte accom­pa­g­nant la vidéo du prési­dent. Le change­ment, c’est main­tenant ?