Analyse

De Jean-Luc Mélenchon à Eric Zemmour, que disent les principaux candidats sur le nucléaire ? 

Alors qu’Emmanuel Macron vient de lancer le pays dans une nouvelle ère du nucléaire, ses adversaires dans la course à l’Élysée ne partagent pas tous son enthousiasme pour l’atome.
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La « renais­sance du nucléaire français » : telle est la promesse faite par le prési­dent Emmanuel Macron lors de son pas­sage à Belfort (Ter­ri­toire de Belfort), ce jeu­di. Il y a annon­cé la con­struc­tion de six nou­veaux réac­teurs à eau pres­surisée EPR 2 (des ver­sions « opti­misées » de l’EPR en chantier à Fla­manville dans la Manche) et l’ébauche de huit autres (notre arti­cle sur le sujet). Pour celui qui n’est pas encore — offi­cielle­ment — en cam­pagne, le cap de sa can­di­da­ture est déjà clair : dévelop­per le nucléaire (en par­al­lèle des renou­ve­lables) pour décar­bon­er l’économie française. Un récent ent­hou­si­asme pour l’atome qui est large­ment partagé à droite, mais pas seule­ment. 

La droite, unanimement favorable au développement du nucléaire

En vis­ite à la cen­trale du Bugey (Ain), la doyenne du parc français, Valérie Pécresse a fait l’apologie du nucléaire le 29 jan­vi­er dernier. La can­di­date les Répub­li­cains (LR), qui se réclame de l’héritage gaullien en matière énergé­tique, a plaidé pour une « remo­bil­i­sa­tion mas­sive de la fil­ière ». Elle compte sur l’ouverture de six nou­veaux réac­teurs à eau pres­surisée EPR et s’oppose à la mise à l’arrêt pro­gram­mée d’ici 2035 de douze réac­teurs, prémisse selon elle d’une « vraie cat­a­stro­phe énergé­tique » pour le pays.

A l’extrême droite, Marine Le Pen fait de la défense des cen­trales nucléaires con­tre le développe­ment des renou­ve­lables (notam­ment des éoli­ennes, bêtes noires de la can­di­date) un thème cen­tral de sa cam­pagne. La can­di­date du Rassem­ble­ment nation­al (RN) compte faire de « la con­sol­i­da­tion de l’industrie nucléaire […] une pri­or­ité absolue » (Le Figaro). En plus des six nou­veaux réac­teurs EPR qu’elle appelle aus­si de ses vœux, Marine Le Pen prévoit de rou­vrir la cen­trale de Fes­sen­heim (Haut-Rhin), mise à l’arrêt en 2020. Elle con­sid­ère sa fer­me­ture, en 2020, comme « une erreur absol­u­ment majeure ». 

Eric Zem­mour (Recon­quête!) joue la surenchère : il promet de con­stru­ire au moins 14 réac­teurs EPR2 d’ici 2050. Dans son pro­gramme, le can­di­dat d’extrême droite prévoit égale­ment de « sup­primer l’objectif de réduire de 50% la part du nucléaire dans notre mix élec­trique à hori­zon 2035 » (67,1% de notre élec­tric­ité était d’origine atom­ique en 2020 selon le bilan annuel du ges­tion­naire de réseau RTE) et de pro­longer la durée de vie du parc exis­tant « à 60 ans au moins » — la majeure par­tie des réac­teurs de 900 mégawatts mis en route au tour­nant des années 80 ont — ou sont sur le point de dépass­er les 40 années de ser­vice. L’Autorité de sûreté nucléaire a récem­ment ouvert la voie à leur pro­lon­ga­tion (Vert). 

L’outsider de l’atome

Fabi­en Rous­sel, le can­di­dat du par­ti com­mu­niste (PCF), se démar­que de ses concurrent·es de gauche en promet­tant de con­stru­ire au moins six nou­veaux réac­teurs. Moyen, selon lui, de lut­ter con­tre la pré­car­ité énergé­tique avec une énergie abon­dante et bon marché (Le Point), et préal­able à la réin­dus­tri­al­i­sa­tion du pays qu’il des­sine. Le pro­gramme du can­di­dat com­mu­niste plaide pour « un mix énergé­tique 100% décar­boné », en investis­sant dans les renou­ve­lables et le nucléaire pour attein­dre la neu­tral­ité car­bone d’ici 2040–2050.

À gauche, la sortie du nucléaire en ligne de mire

Deux can­di­dats font de la sor­tie du nucléaire un axe prin­ci­pal de leur cam­pagne : Yan­nick Jadot et Jean-Luc Mélen­chon. Le can­di­dat Europe Écolo­gie — Les Verts (EELV) prévoit la fer­me­ture d’une dizaine de réac­teurs obso­les­cents d’ici 2035. Il estime qu’une sor­tie du nucléaire est pos­si­ble en 20 ou 25 ans. Tout en promet­tant qu’il « ne met­tra jamais en dan­ger la four­ni­ture d’électricité de notre économie, des familles », quitte à pren­dre quelques années sup­plé­men­taires pour en sor­tir pro­pre­ment. 

Le can­di­dat de la France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélen­chon, n’a jamais caché son envie d’en finir avec le nucléaire. Il pointe du doigt les infra­struc­tures vieil­lis­santes et les investisse­ments qu’exige leur entre­tien, en con­tra­dic­tion avec les fonds qu’il souhaite inve­stir pour dévelop­per les éner­gies renou­ve­lables. Le can­di­dat insoumis a longtemps van­té une sor­tie du nucléaire à hori­zon 2030. Il a depuis révisé sa copie et prévoit désor­mais d’abandonner l’atome d’ici 2045. Un revire­ment lié à la sor­tie, en octo­bre 2021, du scé­nario de l’association négaWatt pour attein­dre la neu­tral­ité car­bone et sur lequel il a aligné son pro­gramme. 

La position entre deux eaux du camp social-démocrate

Anne Hidal­go est opposée à la con­struc­tion de nou­veaux réac­teurs, mais elle compte pro­longer la durée de vie des cen­trales actuelles grâce au grand caré­nage, une vaste opéra­tion de ren­force­ment des instal­la­tions nucléaires. Dans son pro­gramme, la can­di­date social­iste voit le nucléaire comme une « énergie de tran­si­tion » en atten­dant de pass­er aux 100% renou­ve­lables, un objec­tif qui n’est pas daté. Invitée sur France info le 21 jan­vi­er, Anne Hidal­go a pré­cisé que la sor­tie du nucléaire ne se ferait « pas avant 2050 ».

Enfin, Chris­tiane Taubi­ra, désignée can­di­date à l’issue de la Pri­maire pop­u­laire, n’est « pas favor­able » au nucléaire, notam­ment en rai­son des déchets radioac­t­ifs. Son pro­gramme ne con­tient aucune promesse d’en sor­tir, mais Chris­tiane Taubi­ra prévoit la tenue d’un référen­dum sur la ques­tion suiv­ante : « Voulez-vous sor­tir du nucléaire en France ? ». Inter­rogée à ce sujet par Fran­ce­in­fo le 31 jan­vi­er, la can­di­date pré­cise être « con­tre la prési­dence monar­chique » et ne pas souhaiter impos­er son point de vue. Sur « une ques­tion majeure », qui « engage l’avenir de notre société sur des dizaines d’années », elle préfère don­ner la parole aux Français­es et aux Français.