Unis comme un seul Rome. Exceptionnellement réunis en Italie cette semaine, les représentant·es de 196 États ont effacé l’échec de la COP16 sur la biodiversité d’octobre dernier en Colombie. Pays développés et en développement ont trouvé un compromis encourageant sur le financement de la protection de la nature.
Fumée blanche au-dessus de Rome ! Après trois jours d’intenses négociations dans les locaux de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les 196 États membres de la Convention sur la diversité biologique (CDB) sont parvenus à un accord sur le financement de la protection de la nature. Cette réunion exceptionnelle devait surmonter l’échec de la conférence mondiale (COP16) sur la biodiversité à Cali (Colombie), il y a quatre mois (notre article).
«Un accord a été trouvé il y a quelques minutes sur les derniers points bloquants, a réagi la ministre de la transition écologique Agnès Pannier-Runacher, jeudi. C’est une victoire pour la protection de la biodiversité et c’est une victoire politique contre tous ceux qui veulent nous faire croire que la coopération internationale ne fonctionne pas pour défendre l’environnement.»
Surmonter les divisions Nord-Sud
La partie était pourtant loin d’être gagnée. Lors du dernier sommet sur la biodiversité à Cali (Colombie), en octobre 2024, la question financière avait bloqué les négociations au point que la présidente de la COP16, Susana Muhamad, avait dû suspendre l’événement faute d’accord entre les participant·es.
Au cœur des débats : les pays en développement demandent depuis des années une réforme du système de financement de la biodiversité, auquel ils ont du mal à avoir accès. Mais les pays développés (dont la France) refusent absolument la création de tout nouveau fonds, dans un contexte de fragmentation du paysage financier mondial et d’inquiétudes budgétaires dans de nombreux États.
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«Nous pensons qu’il ne faut pas tomber dans le piège d’un nouveau fonds qui viendrait accroître la fragmentation et baisser les financements pour ceux qui en ont le plus besoin», expliquait la semaine dernière le cabinet du ministère de la transition écologique (notre article).
Malgré plusieurs réunions de préparation, le rendez-vous exceptionnel organisé à Rome cette semaine a rejoué cette opposition entre pays du Nord et du Sud. Mercredi, la République démocratique du Congo a par exemple provoqué une suspension de séance en refusant de parler d’autres sujets tant que la question de la mobilisation des ressources financières n’était pas réglée.
Plan financier, élargissement des donateurs et indicateurs de suivi
Jeudi soir, les participants ont finalement trouvé un compromis en adoptant un plan de travail sur cinq ans pour mobiliser davantage de ressources financières à partir des structures existantes et mieux les distribuer aux pays en développement. «Il ne crée pas de fonds, ce qui était notre ligne rouge et ce qui aurait ajouté à la dispersion de la finance mondiale de la biodiversité», s’est félicitée Agnès Pannier-Runacher.
La feuille de route prévoit aussi 200 milliards de dollars (soit environ 192 milliards d’euros) par an de dépenses pour la protection de la biodiversité d’ici 2030, dont 30 milliards d’aide des pays développés vers les pays en développement. Autre avancée majeure, selon la ministre de la transition écologique : «Le texte souligne l’élargissement de la base des donateurs, ce qui est une invitation aux pays émergents à contribuer davantage au financement mondial de la biodiversité.»
Un tel accord financier est très important, détaille son cabinet : «Il envoie un message très fort à tout l’écosystème économique international […], et imprègne les décisions d’investissement et les orientations des fonds financiers internationaux privés». «Dans ces temps mouvementés, il est encourageant de voir 196 pays s’unir et surmonter leurs différences et leurs défis nationaux pour parvenir à une solution commune», a souligné Brian O’Donnell, directeur de l’association internationale Campaign for nature.
Autre progrès consacré à Rome, les 196 États membres de la Convention sur la diversité biologique (CDB) se sont accordés sur des indicateurs communs pour suivre les avancées de leurs promesses en matière de protection de la biodiversité. En décembre 2022, l’ambitieux accord de Kunming-Montréal avait fixé 23 cibles mondiales, comme par exemple la protection d’au moins 30% des mers et des terres d’ici 2030 (notre article). Un premier état des lieux sera fait lors de la COP17 sur la biodiversité en 2026, en Arménie.
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