Enquête

Crèmes hydratantes, rouges à lèvres… comment trouver des cosmétiques garantis sans PFAS, ces «polluants éternels» ?

Choisir à pile ou PFAS. Rouge à lèvres Lancôme, mascara M.A.C, crèmes de jour L’Oréal… de nombreux cosmétiques contiennent encore des PFAS, ces polluants qui s’accumulent dans le corps et l’environnement, comme nous le révélions lundi. Dans ce nouveau volet de notre enquête, Vert vous aide à faire le tri dans votre armoire de salle de bains. 
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Cet article est le second volet de notre enquête sur les PFAS dans les produits cosmétiques. Pour lire le premier sur les marques qui utilisent des «polluants éternels», vous pouvez cliquer juste ici.

Et, quelques jours après avoir été épinglés dans notre enquête, les groupes L’Oréal et Avène ont supprimé les PFAS de la liste des ingrédients de certains produits sur internet. Cliquez là pour voir leur réaction.

«Se passer des PFAS, on sait faire», pose d’emblée Laurence Coiffard, enseignante-chercheuse en cosmétologie à l’Université de Nantes. D’autant plus qu’en France, «il y a toujours eu bien moins de cosmétiques avec PFAS qu’aux États-Unis», rassure-t-elle. Et pourtant, certaines marques rechignent encore à s’en passer.

Ces molécules persistantes comportent des risques avérés pour la santé (cancers du rein, maladies thyroïdiennes ou encore altérations de la fertilité) et sur l’environnement. Appelés «polluants éternels», les PFAS s’amoncellent dans les organismes et peuvent mettre des centaines d’années avant de se dégrader. S’ils sont connus pour être utilisés dans le revêtement des poêles antiadhésives comme Tefal, on les retrouve aussi dans les cosmétiques pour leurs effets imperméabilisants, lissants et hydratants. Or, de récentes recherches ont montré qu’ils pouvaient traverser la peau et s’infiltrer dans le sang.

On retrouve des PFAS dans certains cosmétiques pour leurs effets imperméabilisants, lissants et hydratants. © Oleg Ivanov / Unsplash

Décrypter les étiquettes

Afin de les éviter, les consommateur·ices peuvent vérifier la liste des ingrédients de leurs produits, appelée INCI (pour Nomenclature internationale des ingrédients de cosmétiques), et dont l’affichage sur l’emballage est obligatoire selon la réglementation européenne.

Vernis à ongles, fards à paupières ou crèmes anti-rides sont les plus concernés par la présence de PFAS, parmi lesquels on retrouve les PTFE, perfluorodecalin, perfluorononyl dimethicone ou encore polyperfluoromethylisopropyl ether, par exemple. Pour décrypter vos étiquettes, vous pouvez vous reporter à la liste des 35 molécules les plus couramment utilisées dans les produits cosmétiques, établie par l’agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA).

Si ces noms barbares sont trop difficiles à retenir, les applications Yuka ou Inci Beauty aident à identifier les cosmétiques qui présentent un risque pour la santé et/ou l’environnent. «Yuka attribue la couleur rouge aux produits qui contiennent des PFAS, c’est-à-dire le niveau de risque le plus élevé pour la santé», précise Zoé Kerlo, toxicologue chez Yuka. La liste INCI des articles n’est toutefois pas toujours actualisée rapidement sur ces sites, puisqu’elle est principalement renseignée par les utilisateur·ices.

Des PFAS, mais aussi de dangereux filtres UV

Cosmétique sans PFAS ne rime pas toujours avec absence d’impacts sur la santé et l’environnement. Laurence Coiffard met en garde contre les filtres UV, de plus en plus intégrés aux compositions de différents produits de beauté, et notamment des crèmes anti-âge, qui s’utilisent de manière quotidienne. En plus de leurs effets allergènes et/ou de perturbateurs endocriniens, ils deviennent dangereux avec le temps. Il vaut donc mieux éviter de consommer maquillage ou crèmes qui dorment dans le placard depuis trop longtemps, explique la spécialiste, à Vert «L’octocrylène, film qu’on y trouve, se décompose en noyaux de benzophénones, cancérigènes au cours du temps, ces ingrédients peuvent se dégrader en molécules très toxiques qui rentrent alors en contact avec notre peau

Pour éviter les PFAS, une solution reste de se fier aux labels bio. © Site internet du label Cosmébio

Les labels bio comme solution ?

Pour éviter les PFAS autant que les filtres UV, une autre solution reste de se fier aux labels bio. Le cahier des charges Cosmébio, par exemple, assure l’absence de PFAS et de tous produits «issus de la pétrochimie», indique à Vert Nicolas Bertrand, directeur de développement du label Cosmébio. Les PFAS, utilisés pour rendre les cosmétiques résistants à l’eau, pour les faire durer dans le temps ou encore pour préserver les couleurs, sont faciles à remplacer, selon lui, car «les huiles végétales repoussent suffisamment l’eau pour rendre les crèmes et maquillages waterproof ou pour donner un caractère lissant aux cils».

L’agence de la transition écologique (Ademe) répertorie plusieurs labels pour trouver des cosmétiques à l’empreinte environnementale limitée : Cosmébio en fait partie, aux côtés de l’Écolabel européen, d’Ecocert ou encore de Nature & Progrès. Parmi les marques certifiées, on retrouve de petites entreprises (Cattier, Cozie) mais aussi des grandes comme Garnier ou Le Petit Marseillais. Au moment de l’achat, la vigilance est de mise pour distinguer les collections certifiées de celles qui ne le sont pas. Certains produits de la même marque, comme les gels douche et shampoings Klorane, sont mis en avant comme bio alors qu’un seul ingrédient est issu de l’agriculture biologique. Des pratiques trompeuses que le label Cosmébio avait dénoncé lors d’une campagne en mai dernier.

Pour celles et ceux qui veulent maîtriser le plus possible la fabrication de leurs cosmétiques, certaines marques comme Aroma-zone proposent des kits d’ingrédients labellisés Cosmébio pour faire soi-même ses lotions. Attention toutefois à bien nettoyer son plan de travail et ses ustensiles pour éviter les contaminations bactériennes, et à suivre rigoureusement les modes d’emploi.

Les cosmétiques bio sont-ils plus chers que les conventionnels ? Difficile de répondre tant l’offre est variée dans les deux cas, avec des différences de prix conséquentes entre les marques. En tout cas, le bio peut être abordable et des marques de distributeur en grande surface s’en sont saisies. On peut également citer les produits de maquillage de la marque Avril certifiés Ecocert, qui sont à des prix réduits, comme leur article phare : le mascara noir à huit euros.

Prudence malgré tout : si les cosmétiques bio offrent de nombreuses garanties, Laurence Coiffard rappelle qu’ils peuvent contenir «des huiles essentielles souvent allergisantes». Celles de Citrus par exemple, que l’on retrouve dans de nombreux soins, contiennent divers allergènes tels que le limonène, le citral et le linalol.

L’agence de la transition écologique (Ademe) répertorie plusieurs labels pour trouver des cosmétiques à l’empreinte environnementale limitée © Site internet de l’Ademe

Gare à la surconsommation

«L’industrie cosmétique a un message consumériste qui aboutit à une accumulation dans l’organisme de molécules souvent lipophiles [qui s’attachent aux graisses et non à l’eau, NDLR]», résume Laurence Coiffard. Les vidéos d’influenceuses, comme celles de la tiktokteuse Mathilde Kst, suivie par plus d’un million d’abonné·es, prônent régulièrement des «routines beauté» avec plusieurs crèmes ou soins à appliquer chaque jour et s’adressent à un public de plus en plus jeune.

Les femmes, qui sont les premières cibles des campagnes publicitaires des marques, ont-elles pour autant plus de PFAS dans leur organisme ? Pas du tout, explique à Vert Xavier Coumoul, directeur de recherche à l’Université Paris Cité et à l’Inserm, car elles éliminent les PFAS au cours de leurs menstruations. «Ces molécules se collent aux protéines contenues dans le sang», détaille-t-il. Une récente étude a montré que «les concentrations [de polluants persistants] sont donc plus importantes chez les hommes et les femmes post-ménopausées». Même dans le cas où ils sont éliminés du corps, les PFAS sont alors rejetés dans l’environnement, où ils ne se dégradent pas avant des centaines, voire des milliers d’années. Mieux vaut donc simplifier au maximum les routines beauté et ne pas multiplier les soins.

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Photo de couverture : Oleg Ivanov / Unsplash