Le vert du faux

Climat, eau, pollution : quels sont les gestes individuels les plus efficaces ?

En pleines crises écologiques, beaucoup se demandent comment agir à leur échelle pour inverser la vapeur. Tour d’horizon des gestes individuels qui réduiront le plus efficacement les émissions de gaz à effet de serre, la consommation d’eau et la pollution chimique.
  • Par

Par où commencer pour diminuer son empreinte carbone ?

L’empreinte car­bone des Français·es s’élève en moyenne à 9,9 tonnes d’équivalent CO2 par an. Or, nous auri­ons la main sur 25% à 45% de nos émis­sions, d’après une esti­ma­tion menée en 2019 par le cab­i­net de con­seil Car­bone 4. Ce n’est pas tout, mais ce n’est pas rien non plus.

Dans cette étude, inti­t­ulée Faire sa part, Car­bone 4 a éval­ué les gestes les plus effi­caces. Se met­tre au végé­tarisme, priv­ilégi­er le vélo et arrêter l’avion fig­urent en tête. Pass­er d’un régime carné à un régime végé­tarien est d’ailleurs le geste au plus fort impact, puisqu’il peut faire baiss­er d’environ 10% l’empreinte car­bone d’un indi­vidu.

En asso­ciant ces com­porte­ments à des investisse­ments financiers (rénover son loge­ment, chang­er sa chaudière, pass­er à un véhicule élec­trique), une per­son­ne par­ti­c­ulière­ment engagée (au com­porte­ment «héroïque», selon l’étude) peut en principe réduire son impact car­bone de près de moitié. MyCO2, éma­na­tion de Car­bone 4, a étudié en détail les prin­ci­pales sources d’émissions indi­vidu­elles, comme vous le ver­rez ci-dessous, en tête desquelles on trou­ve la voiture. Autant de leviers sur lesquels il est pos­si­ble d’agir.

Les plus gros postes d’émissions sont la voiture (2 tonnes), le chauffage (1,2 tonne) et la viande (920 kgs) : c’est sur ces com­porte­ments que le poten­tiel d’action est le plus fort. © Vert

Le dernier rap­port du Giec a listé les gestes indi­vidu­els les plus effi­caces en moyenne dans le monde. Vivre sans voiture, éviter de pren­dre un vol longue dis­tance, utilis­er de l’énergie renou­ve­lable et ne plus manger de pro­duits ani­maux per­me­t­tent cha­cun d’éviter entre une et deux tonnes d’équivalent CO2 par an et par per­son­ne, avan­cent les auteur·rices du Giec.

Extrait du poster de Vert sur les solu­tions avancées par le Giec. ©Vert

Limiter sa consommation d’eau

Avec l’emballement du cli­mat, la France subit des sécher­ess­es à répéti­tion qui amenuisent les ressources en eau. Réduire sa con­som­ma­tion per­met de dimin­uer la pres­sion sur les écosys­tèmes.

Un·e Français·e con­somme en moyenne 148 litres d’eau par jour, en grande par­tie pour ses besoins d’hygiène (à 39%). Plusieurs petits gestes peu­vent aider à économiser facile­ment de l’eau. «Vous pou­vez installer des mousseurs sur les robi­nets et le pom­meau de douche, qui vont dimin­uer le débit d’eau jusqu’à 50%», détaille à Vert Flo­rence Clé­ment, respon­s­able de la mobil­i­sa­tion du grand pub­lic à l’Agence de la tran­si­tion écologique (Ademe). Elle con­seille égale­ment l’installation de récupéra­teurs d’eau de pluie afin d’éviter de gaspiller de l’eau potable pour arroser son extérieur.

Autre geste sim­ple et gra­tu­it : pren­dre des douch­es rapi­des. «L’idée, c’est de met­tre sa chan­son préférée au début et d’avoir réus­si à sor­tir de la douche avant qu’elle ne se ter­mine», con­seille-t-elle. Dix min­utes de douche, c’est plus de 70 litres d’eau gâchée, con­tre 35 litres en cinq min­utes. Un bain cor­re­spond à peu près à 150 litres.

Si elles peu­vent pass­er inaperçues, les fuites sont une énorme source de gaspillage d’eau. Un litre sur cinq est per­du à cause d’elles, avance l’UFC-Que choisir dans une récente étude. Si la plu­part des fuites ont lieu en amont des loge­ments en rai­son de l’état délabré des canal­i­sa­tions et des réseaux d’approvisionnement, elles peu­vent égale­ment gâch­er de nom­breux litres dans les ménages. Un robi­net qui goutte représente 120 litres gaspillés chaque jour, tan­dis qu’«une chas­se d’eau qui fuit en con­tinu peut aller jusqu’à 600 litres par jour», avance Flo­rence Clé­ment — et soix­ante litres pour une toute petite fuite.

Enfin, végé­talis­er son ali­men­ta­tion per­met de lim­iter sa con­som­ma­tion «indi­recte» d’eau. «La com­mu­nauté sci­en­tifique con­sid­ère qu’il faut entre 550 à 700 L d’eau pour pro­duire 1 kg de viande de bœuf», avance notam­ment l’Institut nation­al de recherche pour l’a­gri­cul­ture, l’al­i­men­ta­tion et l’en­vi­ron­nement (Inrae).

Autre enjeu cen­tral : le tex­tile est le troisième con­som­ma­teur d’eau dans le monde (après les cul­tures de blé et de riz), rap­pelle l’Ademe. Il faut entre 2 500 et 3 000 litres d’eau pour pro­duire un t‑shirt en coton, soit 70 douch­es.

«20% de la pol­lu­tion des eaux dans le monde serait imputable à la tein­ture et au traite­ment des tex­tiles», pointe l’Ademe. Le coton est par ailleurs la prin­ci­pale cul­ture con­som­ma­trice de pes­ti­cides dans le monde, c’est pourquoi il faudrait lui préfér­er le coton biologique. Les vête­ments en lin et en chan­vre sont égale­ment moins gour­mands en eau et en engrais, recom­mande l’agence. Lim­iter sa con­som­ma­tion de vête­ments neufs, priv­ilégi­er des matières moins pol­lu­antes et de bonne qual­ité, ou acheter en sec­onde main sont des gestes impor­tants pour réduire les impacts de l’industrie du tex­tile sur la planète.

Réduire la pollution chimique

Définies en 2009 par le Stock­holm resilience cen­tre, les neuf lim­ites plané­taires sont des seuils à ne pas dépass­er dans plusieurs domaines (comme le change­ment cli­ma­tique ou l’acidification des océans) pour assur­er la sta­bil­ité des écosys­tèmes et l’habitabilité de la Terre. La pol­lu­tion chim­ique fait par­tie des lim­ites plané­taires qui ont déjà été franchies, ont con­clu des sci­en­tifiques dans une étude en jan­vi­er 2022 (notre arti­cle). Cette dernière est générée par le rejet dans l’air, l’eau ou les sols de pro­duits chim­iques comme des pes­ti­cides, des antibi­o­tiques ou des métaux lourds.

À l’échelle indi­vidu­elle, le pas­sage à une ali­men­ta­tion biologique est l’une des pistes les plus évi­dentes pour lim­iter sa con­som­ma­tion indi­recte de pro­duits de syn­thèse, souligne François Veillerette, porte-parole de l’ONG spé­cial­iste des pes­ti­cides Généra­tions futures.

Quitte à ne pas manger 100% bio (en rai­son du prix par exem­ple), cer­tains fruits et légumes sont à éviter. Par exem­ple, les ceris­es, les raisins et les clé­men­tines sont par­ti­c­ulière­ment con­t­a­m­inés par des résidus de pes­ti­cides, d’après un état des lieux pub­lié par l’association en 2019. Côté légumes, c’est aus­si le cas des céleris, des endives et des laitues. «Puisqu’ils se fix­ent dans la peau des grains, on retrou­ve aus­si plus de résidus dans les pains com­plets ou semi-com­plets, donc il vaut vrai­ment mieux les acheter en bio pour éviter les insec­ti­cides», con­seille François Veillerette.

Si l’on n’y pense pas for­cé­ment, le choix des matéri­aux et de la déco de sa mai­son peut jouer un cer­tain rôle dans la pol­lu­tion de son loge­ment. «Priv­ilégi­er les pein­tures naturelles ou des meubles en bois mas­sifs qui sont non-traités ou non-ver­nis per­met de béné­fici­er d’un intérieur qui ne sera pas, ou beau­coup moins, pol­lué par des pol­lu­ants qu’on va respir­er», souligne le porte-parole de Généra­tions futures. De manière sim­i­laire, éviter les usten­siles de cui­sine à risque, comme les poêles anti-adhé­sives qui con­ti­en­nent des per­flu­o­rés, qual­i­fiés de «pol­lu­ants éter­nels», ou les con­tenants en plas­tique qui relâchent des pol­lu­ants dans les ali­ments quand ils sont réchauf­fés au four à micro-ondes, per­met de lim­iter les dégâts.

Les gestes individuels ne font pas tout

Les gestes indi­vidu­els ont un poten­tiel impor­tant, mais ils ne font pas tout. «Il est vain, et même dan­gereuse­ment con­tre-pro­duc­tif, de pré­ten­dre résoudre la ques­tion cli­ma­tique en faisant repos­er l’ex­clu­siv­ité de l’action sur les seuls indi­vidus», assure l’étude Faire sa part de Car­bone 4. Une grande par­tie de notre impact écologique échappe à notre con­trôle et dépend de l’organisation de notre société. «Pour gag­n­er la bataille, il faut tran­scen­der le seul mail­lon indi­vidu­el et accéder à un niveau col­lec­tif d’action», esti­ment les auteur·rices du rap­port. Le geste indi­vidu­el le plus impor­tant est peut-être celui de vot­er, pour des respon­s­ables poli­tiques qui pren­nent au sérieux l’urgence écologique.

Cet arti­cle est issu de notre rubrique Le vert du faux. Idées reçues, ques­tions d’actualité, ordres de grandeur, véri­fi­ca­tion de chiffres : chaque jeu­di, nous répon­drons à une ques­tion choisie par les lecteur·rices de Vert. Si vous souhaitez vot­er pour la ques­tion de la semaine ou sug­gér­er vos pro­pres idées, vous pou­vez vous abon­ner à la newslet­ter juste ici.

Pho­to d’il­lus­tra­tion : François-Xavier Chamoulaud / Unsplash