Le vert du faux

Pour le climat, vaut-il mieux rouler en petite voiture essence ou en SUV électrique ?

Caisse qu’on choisit ? La voiture est la première source d’émissions de gaz à effet de serre en France. Pour réduire son impact sur le climat, vaut-il mieux acheter un modèle électrique ou une petite voiture à essence ? Décryptage.
  • Par

La voiture électrique, plus écologique si elle est de petite taille

«Sur l’ensemble de sa durée de vie, une voiture électrique roulant en France a un impact carbone 2 à 3 fois inférieur à la voiture thermique», a déterminé l’Agence de la transition écologique (Ademe), dans un avis rendu fin 2022.

Pour que ce chiffre soit valable, trois critères sont essentiels. Premièrement : ce constat n’est valable que pour la France où l’électricité est essentiellement d’origine nucléaire, donc bas-carbone. Aux États-Unis, où l’électricité est davantage produite à base de charbon, l’écart se réduit entre véhicules thermiques et électriques.

Deuxième critère : la capacité des batteries doit être inférieure à 60 kilowattheures (kWh) pour être écologiquement intéressantes. Or, plus les voitures sont lourdes, plus elles ont besoin de batteries conséquentes. «Pour donner un ordre de grandeur, cela correspond à des voitures de la taille d’une Mégane», estime Marie Chéron, responsable de la politique des véhicules de l’ONG Transport & environnement.

Troisième critère : la voiture électrique doit durer dans le temps. «Une voiture électrique a une dette écologique, c’est-à-dire une empreinte environnementale à la production supérieure à celle de la voiture thermique, notamment à cause de la fabrication de la batterie», explique Marie Chéron.

Autrement dit, l’impact climatique des voitures électriques est amorti au bout d’un certain nombre de kilomètres. En moyenne, une citadine électrique aura comblé sa dette écologique par rapport à une voiture diesel compacte au bout d’environ 20 000 km. Les SUV électriques ne seront plus intéressants qu’au bout d’une distance quatre fois plus grande (voir notre article).

Il n’y a pas que le climat

La croissance du marché de la voiture électrique implique aussi l’extraction et la transformation de matières premières différentes de celle des voitures thermiques, qui génèrent divers problèmes : intoxication des réserves d’eau douce, artificialisation et perte de biodiversité, conditions de travail déplorables, etc.

S’ajoutent à cela des tensions sur le marché des matières premières. Dans un rapport publié en février 2023, l’Agence internationale de l’énergie explicite : «Les SUV exigent des batteries plus grandes pour les propulser, donc un marché croissant des SUV imposerait une pression supplémentaire sur les chaines d’approvisionnement et augmenterait la demande sur les minéraux nécessaires aux batteries». Pour remédier à ce problème, l’agence recommande, entre autres, de réduire la taille moyenne des véhicules (notre article sur le sujet).

Et les hybrides ?

Avec leur double motorisation thermique et électrique, les véhicules hybrides rechargeables sont intéressants… sur le papier. Hélas, ils sont lourds, utilisent le mode thermique la majorité du temps et consomment des quantités de carburant telles que leur impact sur le climat est comparable avec celui des véhicules thermiques, comme l’a détaillé le chercheur spécialiste des transports Aurélien Bigo sur le site Bonpote.

Penser le transport autrement

Pour le climat, il est donc largement préférable d’acheter une voiture électrique, de petite taille et, quand la filière sera développée, d’occasion. Mais si le logiciel du tout-voiture continue comme avant et que le parc automobile fossile est simplement remplacé par un parc électrique équivalent avec des véhicules plus imposants, le bilan carbone sera certes, moindre, mais de nombreux impacts environnementaux subsisteront. D’autant plus que l’artificialisation des espaces, le nombre d’accidents et la sédentarité de la population resteront inchangés.

Et la justice sociale ?

Il est également difficile de trancher définitivement la question initiale, en raison de facteurs économiques et sociologiques. Chez celles et ceux qui peuvent acheter des véhicules neufs, «on a une surreprésentation de personnes en fin de carrière ou retraitées, plutôt aisées, analyse Gaëtan Mangin, sociologue spécialisé sur le rapport des gens à l’automobile. Il existe des profits symboliques à avoir une voiture neuve et électrique : elle permet de paraître du “bon côté”, du côté de ceux qui sont écolos, tout en conservant l’automobile et toute la mobilité qu’elle permet». Selon lui, les moins riches subissent une double stigmatisation : les voitures thermiques deviennent un symbole du manque d’argent, tout en représentant une absence de préoccupation pour l’écologie.

Pour plus d’informations sur les transports, rendez-vous dans notre posterothèque.

Cet article est issu de notre rubrique Le vert du faux. Idées reçues, questions d’actualité, ordres de grandeur, vérification de chiffres : chaque jeudi, nous répondrons à une question choisie par les lecteur·rices de Vert. Si vous souhaitez voter pour la question de la semaine ou suggérer vos propres idées, vous pouvez vous abonner à la newsletter juste ici.

Photo d’illustration : Prachi Gautam / Unsplash