Décryptage

Avec le retrait des États-Unis, Donald Trump a-t-il définitivement enterré l’Accord de Paris sur le climat ?

Paris perdu ? La sortie des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat, décrétée par Donald Trump la semaine dernière, a remué la communauté internationale. Elle laisse craindre des difficultés pour la lutte contre le dérèglement climatique.
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2025 devrait être une année symbolique en matière d’environnement, puisqu’elle célèbre les dix ans de l’Accord de Paris sur le climat. Ce traité international historique, signé en 2015 par 196 parties, engage les États du monde à contenir la hausse des températures bien en dessous de +2 degrés (°C) à la fin du siècle – par rapport à l’ère préindustrielle, et si possible à +1,5°C.

Mais l’année commence plutôt mal. Début janvier, l’observatoire européen Copernicus a confirmé que 2024 était la première à avoir dépassé le seuil symbolique de +1,5°C par rapport au 19ème siècle (notre article). «Dès le départ, on savait que les engagements pris par les différents pays n’étaient pas suffisants pour tenir les objectifs de l’Accord de Paris. Nous ne sommes pas sur la bonne trajectoire», avance auprès de Vert Jean Jouzel, paléoclimatologue qui avait travaillé à la préparation de l’Accord de Paris en 2015. Le monde se réchauffera de +2,5°C à +2,9°C d’ici à la fin du siècle si les États respectent l’ensemble de leurs promesses actuelles – ce qui n’est pas toujours le cas –, ont calculé les Nations unies en novembre.

Chaque dixième de degré compte

Le seuil de 1,5°C doit être franchi sur au moins 20 ans pour considérer que l’objectif est officiellement dépassé, d’après l’observatoire Copernicus. «Si nous dépassons 1,5°C, le prochain objectif ne passe pas à 2°C mais à 1,51°C, et ainsi de suite», avait martelé Samantha Burgess, responsable climat du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme, à la sortie du rapport de Copernicus.

Melania et Donald Trump, en 2020. La semaine dernière, le président des États-Unis a décrété la sortie de son pays de l’Accord de Paris sur le climat. © The White House/Flickr

La semaine dernière, Donald Trump a officialisé le départ des États-Unis de l’Accord, ajoutant un clou dans le cercueil du traité. Le pays est un poids lourd du dérèglement climatique : il s’agit du deuxième plus gros émetteur (derrière la Chine) avec plus de 11% des émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2023. Les États-Unis détiennent aussi la plus grande responsabilité historique en la matière : ils sont responsables de 24% des émissions de CO2 d’origine fossile (pétrole, gaz, charbon) entre 1850 et 2023, loin devant l’Union européenne (16%), la Chine (15%) et l’Inde (3%).

«Un mauvais signal»

Compte tenu de cet impact majeur sur le climat, le retrait américain risque de peser sur l’action internationale. «Cela envoie un mauvais signal au reste du monde, et il semble difficile d’aller aussi vite que nous le voudrions, car l’absence de Trump et des États-Unis met un frein à l’élan international, estime auprès de Vert Marta Torres Gunfaus, directrice du programme climat à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). C’est définitivement un recul politique, mais on peut se demander si cela aura des répercussions réelles. Cela n’aura pas nécessairement d’incidence sur ce que feront la plupart des autres pays, qui continueront à revoir leurs ambitions à la hausse et à rendre des comptes». Il est tout de même probable que certains États utilisent cette excuse pour justifier un frein dans leur action – mais seulement ceux qui traînaient déjà des pieds, comme l’Arabie saoudite par exemple, suggère l’experte.

«Comment demander aux autres pays d’augmenter leurs efforts, alors que la première puissance économique mondiale se libère de l’Accord ?», interroge de son côté Jean Jouzel. Le climatologue craint que d’autres nations ne se désengagent – comme l’Argentine, dirigée par le président climatosceptique d’extrême droite Javier Milei.

Un poids financier considérable

Et c’est sans compter l’impact financier du désengagement américain sur le secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (la CCNUCC, l’entité chargée de superviser l’action climatique au sein de l’ONU), puisque les États-Unis représentaient jusqu’à présent 22% du budget de l’institution. Des acteurs privés, dont la fondation du milliardaire américain Michael Bloomberg, ont d’ores et déjà annoncé qu’ils compenseraient la contribution des États-Unis pour assurer le bon fonctionnement de la CCNUCC.

Dix ans après l’enthousiasme suscité par la signature de l’Accord de Paris sur le climat, son avenir s’annonce incertain. © COP Paris 2015/Flickr 

Des observateur·ices des négociations internationales refusent toutefois de céder à la panique. «Nous sommes déjà passés par là, le retrait des États-Unis lors de la première présidence Trump n’a pas provoqué l’effondrement de l’Accord, comme certains l’avaient prédit», jugeait Bill Hare, fondateur de l’institut Climate analytics et ancien co-auteur du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), au moment de la réélection du milliardaire américain. «La première fois que les États-Unis se sont désengagés du multilatéralisme climatique, ils n’ont pas réussi à faire échouer la coopération internationale. Cette fois-ci encore, nous y veillerons», veut croire Gaïa Febvre, responsable des politiques internationales au Réseau action climat – qui fédère une vingtaine d’associations environnementales.

Un leadership européen essentiel

«L’Union européenne devra prendre le leadership dans le processus multilatéral, et ouvrir la porte à une vaste alliance avec des pays volontaires comme le Brésil, la Chine, etc.», analyse Marta Torres Gunfaus, directrice climat de l’Iddri. Un rôle que les responsables européens se sont déjà engagés à endosser. «L’Accord de Paris demeure le meilleur espoir de l’humanité. L’Europe maintiendra le cap. Et nous continuerons à travailler avec tous les pays qui veulent mettre fin au réchauffement climatique», a assuré Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. «L’Accord repose sur des bases solides et est là pour durer»a abondé Woepke Hoekstra, commissaire européen au climat.

2025 est une année charnière en matière de climat. À la fin de l’année, tous les États du monde se réuniront à Belém, au Brésil, à l’occasion de la 30ème conférence mondiale (COP30) sur le climat. Ils devront soumettre de nouvelles Contributions déterminées au niveau national (CDN – les feuilles de route des pays pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre), plus poussées que les précédentes, et faire le bilan des dix ans depuis la signature du texte en 2015.

«Si, à la fin de l’année, les États ne tiennent pas leurs engagements ou ne sont pas plus ambitieux, alors je dirais que oui, l’Accord de Paris est mort», juge Marta Torres Gunfaus, de l’Iddri. Rendez-vous après la COP30.

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