Millionnaire du temps. Les 10% des personnes les plus riches de la planète sont responsables des deux tiers du réchauffement climatique depuis 1990, dévoile une étude inédite publiée dans Nature climate change.
C’est la première fois que des recherches parviennent à quantifier précisément l’impact de la concentration des richesses sur les événements climatiques extrêmes. «Nous établissons un lien direct entre l’empreinte carbone des individus les plus riches et les impacts climatiques», a déclaré Sarah Schongart, chercheuse en modélisation du climat à l’université de Zurich et autrice principale de cette étude publiée mercredi dans la revue Nature climate change. «On passe ainsi de la comptabilité des émissions carbone à la responsabilité climatique», a-t-elle ajouté.
Les émissions des 10% des personnes les plus riches en Chine et aux États-Unis, qui représentent à eux seuls près de la moitié de la pollution mondiale liée au carbone, ont chacune multiplié par deux ou trois les épisodes extrêmes de chaleur, indique l’étude.
Un impact disproportionné
Si l’on compare à la moyenne mondiale, les 1% des plus fortuné·es ont contribué 26 fois plus aux vagues de chaleur centennales – c’est-à-dire dont la probabilité d’arriver est d’une chance sur cent chaque année -, et 17 fois plus aux sécheresses en Amazonie. À l’inverse, les personnes les moins responsables du changement climatique sont celles qui sont le plus vulnérables à ces impacts, rappelait le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) en 2023.
Pour arriver à ces conclusions, Sarah Schongart et ses collègues ont combiné des données économiques et des simulations climatiques pour retracer les émissions des différents groupes de revenus mondiaux. De quoi leur permettre d’évaluer leur impact sur des types spécifiques de phénomènes météorologiques extrêmes liés au réchauffement climatique, comme des canicules ou des sécheresses.
«Une action climatique qui ne prendrait pas en compte les responsabilités démesurées des plus riches risque de passer à côté de l’un des leviers les plus puissants dont nous disposons pour réduire les dommages futurs», estime Carl-Friedrich Schleussner, directeur du Groupe de recherche intégré sur les impacts climatiques à l’Institut international d’analyse des systèmes appliqués, près de Vienne.
Pour une justice climatique équitable
Les chercheur·ses ont également mis en évidence le rôle important des investissements financiers dans les émissions de gaz à effet de serre, et pas seulement la corrélation avec le mode de vie ou la consommation personnelle des personnes les plus riches. Pour Carl-Friedrich Schleussner, les détenteur·ices de capitaux pourraient rendre des comptes de leurs impacts climatiques par le biais d’impôts progressifs sur la fortune et les investissements favorisant les émissions carbone.
Des recherches antérieures ont montré que la taxation des émissions liées aux actifs est plus équitable que les taxes carbone appliquées à l’ensemble de la population, qui ont tendance à peser sur les plus faibles revenus.
L’année dernière, le Brésil avait plaidé en faveur d’une taxe de 2% sur le patrimoine net des particulier·es détenant plus d’un milliard de dollars d’actifs. Bien que les dirigeants du G20 aient convenu de «coopérer pour garantir une imposition efficace des personnes fortunées», les récentes initiatives sur cette question sont pour la plupart au point mort, notamment depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche.
Pourtant, le Giec considère que la justice climatique, qui consiste à répartir les efforts et les contributions en fonction de la responsabilité des États ou des entreprises dans le changement climatique, est une solution incontournable pour lutter contre le dérèglement du climat.
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