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À eux seuls, les 1% les plus riches aggravent plus la crise climatique que les deux tiers les plus pauvres de l’humanité

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Ils nous thunent à petit feu. En rai­son de leur mode de vie et leurs investisse­ments, les plus rich­es ont un impact démesuré sur le cli­mat, alerte l’ONG Oxfam.

Les 10% les plus rich­es sont respon­s­ables la moitié des émis­sions humaines de CO2 liées à la con­som­ma­tion, tan­dis que les 50% les plus pau­vres sont à l’origine de 8% du total mon­di­al, révèle Oxfam dans un rap­port pub­lié ce lun­di. «On est face à une triple crise où les plus pré­caires sont ceux qui émet­tent le moins, mais sont aus­si les plus impactés», pré­cise Alexan­dre Poi­datz, respon­s­able du plaidoy­er «Cli­mat et iné­gal­ités» pour l’association et co-auteur de l’étude. Plus sidérant encore, les 1% les plus for­tunés émet­tent davan­tage de gaz à effet de serre que les 66% les plus pau­vres de l’humanité.

Pour arriv­er à de telles con­clu­sions, Oxfam s’est appuyé sur des don­nées fournies par le Stock­holm envi­ron­ment insti­tute qui datent de 2019 — les dernières disponibles. Faute de don­nées disponibles, l’étude ne prend en compte que le CO2 et non pas les émis­sions d’autres gaz à effet de serre comme le méthane ou le pro­toxyde d’azote.

Si les iné­gal­ités sont moins fortes à l’échelle française, les 1% les plus rich­es émet­tent en moyenne chaque année plus de dix fois plus de CO2 (40,2 tonnes) qu’une per­son­ne par­mi la moitié la plus pau­vre (3,8 tonnes). D’ici à 2030, les pre­miers devront divis­er leurs émis­sions par dix tan­dis que les derniers devront les réduire d’un quart pour attein­dre nos objec­tifs cli­ma­tiques. «On con­state sans sur­prise que les efforts doivent davan­tage être faits par les plus rich­es», détaille Alexan­dre Poi­datz. «La bonne nou­velle, c’est que plus on est riche, plus il est facile de réduire ses émis­sions.»

L’empreinte car­bone des Français·es est large­ment cor­rélée à leur niveau de revenus, comme le mon­tre ce rap­port. © Oxfam

Les ultra-rich­es (les 1%) ont à la fois le pou­voir de réduire leurs con­som­ma­tions osten­ta­toires, sou­vent très gour­man­des en CO2 (yachts, jets privés), mais aus­si celui de dimin­uer l’impact de leurs investisse­ments, qui finan­cent régulière­ment des secteurs par­ti­c­ulière­ment pol­lu­ants (éner­gies fos­siles, avi­a­tion, etc). En prenant l’exemple de Bernard Arnault, Oxfam souligne que l’empreinte car­bone per­son­nelle du PDG du groupe LVMH est de 8 128,6 tonnes de CO2 par an, mais qu’elle s’élève à 2 300 000 tonnes lorsqu’on décor­tique l’impact de ses investisse­ments financiers. C’est 215 000 fois plus que l’empreinte car­bone du pat­ri­moine financier d’un·e Français·e moyen·ne (10,7 tonnes).

Pour bris­er cette «spi­rale néga­tive», Oxfam France plaide pour l’instauration de plusieurs mesures, qui répon­dent au principe du «pol­lueur-payeur» — et épargn­eraient 70% des Français·es, souligne Alexan­dre Poi­datz. Par­mi celles-ci, un impôt sur la for­tune cli­ma­tique qui tax­erait à la fois le niveau de pat­ri­moine (la taille de la for­tune) et la quan­tité de CO2 qu’il con­tient (son impact sur le cli­mat), une taxe sur les div­i­den­des pour les entre­pris­es ne respec­tant pas l’Accord de Paris ou encore la fin de nich­es fis­cales «cli­mati­cides», comme celle sur le kérosène dans l’aviation (notre arti­cle). Des mesures qui pour­raient rap­porter quelque 50 mil­liards d’euros par an pour financer une tran­si­tion juste, estime l’association.

Lut­ter con­tre les iné­gal­ités et le dérè­gle­ment cli­ma­tique sont les deux faces d’une même pièce : d’après les cal­culs d’Oxfam, une redis­tri­b­u­tion mon­di­ale des revenus per­me­t­trait d’assurer à chaque per­son­ne en sit­u­a­tion de pau­vreté — plus de la moitié de l’humanité — un revenu quo­ti­di­en d’au moins 25 dol­lars (23 euros), et ce tout en réduisant les émis­sions mon­di­ales de 10%. «Il est temps de bris­er ce cycle en changeant de logi­ciel», réclame Alexan­dre Poi­datz.

Pho­to d’illustration : Des yachts sta­tion­nant dans le port de plai­sance de Hvar en Croat­ie. © Geio Tis­chler / Unsplash