Décryptage

Piscines, jardins privés… la consommation excessive des plus riches menace l’accès à l’eau dans les villes du globe

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Les inégalités socio-économiques contribuent davantage aux tensions autour des ressources en eau dans les villes que la croissance démographique ou le changement climatique, révèle une récente étude.

Plus de 80 grandes villes ont expérimenté des pénuries d’eau depuis 2000 partout dans le monde, de Miami à Londres ou Barcelone en passant par Pékin, Jakarta ou Sao Paulo. Un problème qui va devenir de plus en plus récurrent, alors que «plus d’un milliard de citadin·es devraient expérimenter des pénuries d’eau dans le futur proche», prévient une étude publiée lundi dans la revue scientifique Nature sustainability. En raison de la consommation ostentatoire des plus riches, les inégalités socio-économiques sont l’obstacle le plus important à la satisfaction des besoins en eau de la population à long terme, ont découvert les chercheur·ses.

Les auteur·ices de cette analyse se sont penché·es sur le cas de la ville du Cap, en Afrique du Sud – une métropole marquée par de fortes inégalités et qui a connu une sécheresse sévère et une crise de l’eau entre 2015 et 2017. L’étude a divisé la population en cinq groupes sociaux : l’élite, la classe moyenne supérieure, la classe moyenne inférieure, la classe populaire, et enfin, les habitant·es des «espaces informels», soit les bidonvilles et installations précaires en périphérie des villes. Les foyers de l’élite et des classes moyennes supérieures (les groupes «privilégiés») consomment respectivement 2 161 et 988 litres d’eau chaque jour – un niveau qui tombe à 178 et 41 litres quotidiens pour les classes populaires et les «informel·les» – les habitant·es des bidonvilles. Cela signifie que les plus riches utilisent plus de cinquante fois plus d’eau que les populations les plus pauvres.

La plupart de l’eau utilisée par les groupes privilégiés sert à satisfaire des besoins non-fondamentaux (irrigation des jardins, piscines ), tandis que les autres groupes sociaux consacrent une plus grande partie (si ce n’est la totalité) de l’eau qu’ils consomment à leurs besoins basiques (hydratation, hygiène). © Savelli, E., Mazzoleni, M., Di Baldassarre, G. et al. / Traduction par Vert

Au total, les classes privilégiées, qui ne représentent que 13,7% de la population, utilisent plus de la moitié de l’eau consommée dans l’ensemble de la ville. À l’inverse, la classe populaire et les habitant·es informel·es consomment moins d’un tiers (27,3%) de l’eau de la ville alors qu’elles et ils constituent près des deux tiers (61,5%) de ses résident·es. D’après l’étude, la plupart de l’eau utilisée par les groupes privilégiés sert à satisfaire des besoins non-fondamentaux, comme l’irrigation des jardins ou le remplissage des piscines. Tous les autres groupes sociaux consacrent une plus grande partie (si ce n’est la totalité) de l’eau qu’ils consomment à leurs besoins fondamentaux (hydratation, hygiène, etc).

Les auteur·ices de l’étude ont analysé différents scénarios qui pèseraient sur l’accès aux ressources en eau, dont la croissance démographique, la hausse des températures, ou bien l’augmentation des consommations «non-durables» par les groupes privilégiés. Le scénario «le plus préjudiciable» et insoutenable est celui d’une augmentation des inégalités et donc de la consommation d’eau pour des usages non-nécessaires par les plus riches.

«Nos projections montrent que cette crise [de l’eau] pourrait s’aggraver tant que le fossé entre les riches et les pauvres se creuse dans de nombreuses régions du monde. À terme, tout le monde en subira les conséquences si nous ne développons pas des moyens plus équitables de partager l’eau dans les villes», détaille la chercheuse en hydrologie Hannah Cloke, co-autrice de l’étude, auprès du Guardian.

«L’ère de l’eau potable abondante et bon marché est révolue», rappelle l’étude, citant un article scientifique de 2016. «Il est temps de s’accorder sur la façon dont la société doit partager la ressource naturelle la plus essentielle à la vie.»

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