Décryptage

COP30 : dans la dernière ligne droite des négociations, «la France fait partie des pays qui bloquent des avancées essentielles»

La COP est pleine. À quelques heures de la fin officielle du 30ème sommet mondial (COP30) sur le climat, la présidence brésilienne a présenté un projet de texte décevant, immédiatement rejeté par une trentaine de pays. Pour espérer obtenir des engagements significatifs, elle doit donner des gages à chacun. L’intransigeance de la France sur tous les sujets financiers n’aide pas.
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Alors qu’elle conduisait les négociations d’une main de maître depuis le début du 30ème sommet mondial (COP30) sur le climat à Belém (Brésil), la présidence brésilienne de la COP connaît désormais d’importants flottements, et pas seulement à cause de l’impressionnant départ de feu qui a entraîné l’évacuation du site jeudi après-midi. Alors que les flammes ont été rapidement maîtrisées, l’agenda des négociations, lui, a continué de déraper.

Un projet d’accord décevant, et immédiatement rejeté

Mardi, la présidence de la COP avait mis sur la table un premier brouillon d’accord sur les sujets les plus sensibles (sortie des fossiles, financements pour le climat, etc.) avec l’ambition de dégager un consensus «d’ici au milieu de la semaine». Une deuxième version du texte, enrichie du retour des pays, a été promise mercredi, puis jeudi, et finalement publiée vendredi matin. Elle a immédiatement été rejetée par une trentaine de nations, dont la France, l’Allemagne, la Colombie ou encore le Vanuatu.

Des participant·es à la «table ronde de haut niveau sur la transition juste», jeudi, à Belém. © Diego Herculano/ONU

En cause, la disparition de toute mention sur la sortie des énergies fossiles, pourtant réclamée par 82 pays. «Nous reconnaissons l’important effort de la présidence pour faire avancer les négociations […] Néanmoins nous devons être honnêtes : dans sa forme actuelle, la proposition ne remplit pas les conditions minimales nécessaires pour garantir des résultats crédibles à la COP», écrivent les pays signataires de la lettre dévoilée par le média Carbon brief. Cela ouvre la voie à un nouveau round de négociations.

«On entre dans une phase beaucoup plus politique, avec des trade-off», c’est-à-dire des contreparties, explique à Vert Gaël Bizet, membre des Jeunes ambassadeurs pour le climat (JAC) et doté d’un badge d’observateur à la COP. «Les trade-off, c’est quand un pays dit : “Je vais céder sur ça, à condition que l’autre me donne ça”», détaille-t-il. En clair, l’heure est aux ultimes concessions pour espérer un compromis général.

Financements climatiques : une générosité bien ordonnée…

Dans ce contexte, l’attitude de la France pose question. «Derrière des discours ambitieux, les positions françaises contribuent directement à bloquer des avancées essentielles», pointe Adèle G., membre d’une délégation étudiante venue assister aux négociations. Le refus de Paris d’engager de nouvelles dépenses est notamment en cause.

Un exemple : «En salle de négociations, la France insiste pour inclure la sortie des énergies fossiles dans les textes. Mais cette implication apparente masque une hypocrisie profonde puisqu’elle refuse d’aborder la question du financement», selon elle.

Alors qu’elle dit faire partie des 82 pays qui militent pour l’adoption d’une feuille de route sur la sortie des énergies fossiles, «la France n’a pas voulu signer la déclaration préparée par la Colombie car elle mentionne l’importance de ne pas financer la transition avec des instruments qui créent de la dette», explique Fanny Petitbon, de l’ONG 350.org.

En 2022, 92% des financements pour le climat octroyés par la France (7,6 milliards d’euros) étaient des prêts, dont une grande partie n’étaient même pas concessionnels, c’est-à-dire qu’ils n’étaient pas plus avantageux que ceux du marché. «Ce n’est plus du financement climatique : c’est un business», s’indigne Adèle G.

Financement de l’adaptation : «On n’acceptera aucune demande supplémentaire»

L’intransigeance de la France transparaît aussi dans les négociations sur l’adaptation des pays aux effets du changement climatique ; un thème devenu phare cette année puisque le dépassement du seuil de +1,5°C de réchauffement climatique d’ici à 2100 (par rapport à l’ère préindustrielle, vers 1850) promet de démultiplier les catastrophes climatiques et donc les dépenses d’adaptation.

En 2023, les versements des 39 économies les plus développées (la liste) pour aider les autres pays à s’adapter ont baissé par rapport à l’année précédente, pour s’établir à 26 milliards de dollars (22,5 milliards d’euros). Une somme à comparer aux 310 à 365 milliards de dollars (269 à 316 milliards d’euros) qui seraient nécessaires dès 2035, selon l’Organisation des Nations unies (ONU).

Dans ce contexte, les pays du Sud ont fait du rehaussement des contributions une priorité pour s’engager dans les négociations. Ils réclament de porter l’effort des pays développés à 120 milliards de dollars (104 milliards d’euros) d’ici à 2035.

«Nous, très clairement, on n’acceptera aucune demande financière supplémentaire par rapport à ce qu’on a accepté l’année dernière», prévient une haute représentante de la délégation française.

Lors de la COP29 à Bakou (Azerbaïdjan) l’an dernier, les pays du Nord ont convenu de transférer aux autres 300 milliards de dollars (286 milliards d’euros) par an d’ici à 2035. Une somme jugée franchement insuffisante et qui couvre à la fois les financements pour l’atténuation du changement climatique et ceux sur l’adaptation à ces effets.

«S’il y a des efforts sur l’adaptation à faire, cela se fera dans ce montant-là et ce sera des vases communicants. Ce n’est pas du supplémentaire qui arrivera», a tranché la représentante française. Rien de tel pour finir de verrouiller des négociations déjà difficiles.

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