Les applaudissements étaient de convenance et les mines franchement crispées lorsque le président de la COP29, l’Azerbaïdjanais Mukhtar Babayev, a officiellement mis fin aux négociations climatiques, dimanche à trois heures du matin (heure de Bakou), après plus d’une trentaine d’heures de prolongations chaotiques.
Malgré l’obtention d’un accord financier, «ce n’est pas le moment de crier victoire», a estimé le chef de l’ONU-Climat, Simon Stiell, dans son discours de clôture. Et pour cause, le texte, adopté dans la douleur, ne satisfait personne ou presque.
«Lamentablement faible et dérisoire»
Au cœur de la négociation figurait l’engagement financier que les pays développés seraient prêts à consentir pour aider les pays en développement à lutter contre le changement climatique et ses effets (atténuation et adaptation).
Principal élément à retenir : les 39 pays les plus développés (la liste a été établie en 1992) transféreront aux autres «au moins» 300 milliards de dollars (286 milliards d’euros, Mds€) par an, d’ici à 2035, le tout «en puisant dans une large variété de sources, privées ou publiques».
Un engagement «trop faible, trop tardif et trop ambigu», a réagi le Kényan Ali Mohamed, qui parlait au nom du groupe africain. «Lamentablement faible et dérisoire», a surenchéri la déléguée indienne Chandni Raina.
Même s’il s’agit d’un triplement par rapport à l’engagement actuel – partiellement respecté – des pays développés, qui avaient promis d’apporter 100 milliards de dollars par an entre 2020 et 2025, cela reste très en deçà des besoins.
Les pays riches accusés d’avoir saboté la négociation
Les pays en développement réclamaient au moins 1 300 milliards de dollars (1 241 Mds€) par an dès 2030. Le texte lui-même appelle «tous les acteurs à travailler ensemble» pour mobiliser ce montant, sans plus de détails. «Ce texte n’est rien de plus qu’une illusion d’optique, qui à notre avis ne répond pas à l’énormité du défi que nous affrontons», a cinglé la déléguée indienne.
Pour la représentante française du Réseau action climat, Gaïa Febvre, «les pays développés ont contraint les pays en développement à accepter cet accord qui leur est particulièrement défavorable, notamment en attendant la dernière minute des négociations pour annoncer un montant».
Financements climat : débat ouvert sur les contributeurs
Accusés d’avoir saboté les négociations, les pays riches ne sont pourtant pas non plus satisfaits de la tournure du texte : «C’est un accord qui n’est pas ambitieux, qui a été très difficile à négocier et qui n’est certainement pas à la hauteur des enjeux», pour la ministre française de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher.
Les 39 pays mis à contribution avaient conditionné la hausse de leur soutien à un élargissement de la base des contributeurs, en vain : «Le monde a bien changé depuis 1992 et certains pays qui ne sont pas dans la liste des contributeurs ont vu leurs moyens économiques augmenter conséquemment comme la Chine, l’Arabie Saoudite, Singapour ou encore la Corée du Sud», plaidait récemment l’ambassadeur climat de la France, Kevin Magron. Le texte final invite ces pays à faire des contributions, mais uniquement «sur une base volontaire».
Rien sur la sortie des fossiles
Agnès Pannier-Runacher regrette en outre qu’aucun accord n’ait pu être trouvé au sujet des politiques de baisse des émissions de gaz à effet de serre, reportant la suite de la négociation à la COP30 qui se tiendra l’an prochain à Belem (Brésil). «Cela témoigne de la résistance de certains pays à reprendre ce que nous avions acté à Dubaï lors de la COP28», signale la ministre. Des pays producteurs de pétrole, au premier rang desquels l’Arabie Saoudite, ont lutté pour qu’il ne soit pas fait mention de la nécessaire «transition hors des énergies fossiles» qui avait été actée pour la première fois l’année dernière dans le texte final de la COP28.
Marchés carbone, marchés de dupes ?
Les négociateurs ont validé samedi les règles régissant les marchés internationaux du carbone, après les avoir adoptées dès le premier jour de la COP29, le 11 novembre. Or, il est difficile à ce stade de savoir s’il s’agit d’une bonne ou d’une terrible nouvelle.
Concrètement, un premier marché interétatique offre désormais la possibilité aux pays les moins ambitieux d’acheter des droits à polluer à ceux qui ont atteint et même dépassé leurs objectifs climatiques. Un second marché, supervisé par un organisme des Nations unies, sera ouvert aux acteurs privés et permettra de générer des crédits carbone lors du financement de projets peu émetteurs (énergies renouvelables), voire de captage des émissions (reforestation).
Pour certain·es, ces mécanismes vont permettre à des pays en développement d’obtenir des financements pour leurs projets verts. Pour d’autres, il s’agit de droits à polluer qui évitent à de riches émetteurs de travailler à leur propre décarbonation.
Selon l’ONG Carbon market watch, les règles adoptées présentent des failles importantes, fragilisant tout le dispositif. Il n’y a pas de contrôle sur les échanges de crédits entre pays et pas suffisamment de garde-fous pour s’assurer que les crédits émis sont véritablement durables. Que se passe-t-il, par exemple, si une forêt ayant généré des crédits carbone brûle ?
À retenir :
→ Les pays en développement réclamaient 1 300 milliards de dollars par an à compter de 2030 pour lutter contre le changement climatique et ses effets.
→ Les 39 pays riches leur ont seulement promis 300 milliards d’ici à 2035.
→ Aucun accord n’a été obtenu sur les politiques de baisse des émissions.
→ La nécessaire transition hors des énergies fossiles, actée lors de la COP28, n’est pas mentionnée.
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