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Un plan pour la ruralité aux contours bien flous

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Qui rur­al dernier ? Jeu­di 16 juin, Elis­a­beth Borne a présen­té son plan pour la rural­ité, qui prévoit une hausse des dota­tions pour pro­téger la bio­di­ver­sité, mais com­porte des angles morts sur de nom­breux sujets.

Le décor a été choisi avec soin. Au sud de la Vienne, entre un arbre et des bottes de paille, la pre­mière min­istre a présen­té son plan inter­min­istériel bap­tisé «France rural­ités». «Des mesures très con­crètes pour amélior­er la vie des 40% de Français», avait-elle promis. Même si elle a sor­ti des pains d’un fournil devant les caméras, il en reste sur la planche pour pré­cis­er le con­tour des annonces esquis­sées.

Elis­a­beth Borne a surtout annon­cé une aug­men­ta­tion de la dota­tion pour la pro­tec­tion de la bio­di­ver­sité. Créée en 2019 et réservée aux com­munes de moins de 10 000 habi­tants dont une part du ter­ri­toire est pro­tégée, celle-ci est passée de 24 à 40 mil­lions d’eu­ros en 2023 et fera donc un bond jusqu’à 100 mil­lions en 2024. Cette enveloppe doit aider les élus locaux à entretenir les forêts, lacs et autres riv­ières non pas en fonc­tion de pro­jets mais selon un principe pro­gres­sif : si la sur­face pro­tégée aug­mente, le chèque sera plus gros. En 2022, env­i­ron 5 000 com­munes en ont béné­fi­cié. «Quand des maires ruraux se mobilisent pour l’entretien d’une forêt, c’est toute la France qui en béné­fi­cie, en préser­vant ses puits de car­bone, et en lim­i­tant les risques d’incendie», a applau­di la cheffe du gou­verne­ment.

Le gou­verne­ment a vis­i­ble­ment tenu à envoy­er un mes­sage aux élu·es des col­lec­tiv­ités ter­ri­to­ri­ales, à qui l’on demande en par­al­lèle de réduire leurs dépens­es. Les maires pour­ront bien­tôt faire appel aux 3 000 futurs «enquê­teurs envi­ron­nemen­taux» — des gen­darmes nou­velle­ment for­més sur les pol­lu­tions, les déchets, la préven­tion incendies, etc.

Elis­a­beth Borne a évo­qué un sujet qui passe très mal chez les élu·es : l’ob­jec­tif d’atteindre Zéro arti­fi­cial­i­sa­tion nette des sols (ZAN) en 2050, issu de la loi Cli­mat et résilience. Le gou­verne­ment, a‑t-elle expliqué, sou­tient le principe, encore flou, d’une «garantie rurale» qui pré­tend «laiss­er à chaque com­mune des per­spec­tives de développe­ment». Faut-il com­pren­dre qu’une lat­i­tude leur sera accordée sur l’application de cette règle, cen­sée pro­téger des espaces naturels ou agri­coles (Vert) ?

Côté trans­ports, une autre mesure a été lancée sans feuille de route pré­cise. Un nou­veau fonds doté de 90 mil­lions d’eu­ros sur trois ans devra réduire la dépen­dance à la voiture, qui représente 70% des tra­jets en milieu rur­al. Véhicules élec­triques, mobil­ités sol­idaires, vélos, trans­port à la demande… les pro­jets con­cernés pour­ront être portés par des col­lec­tiv­ités ou par des asso­ci­a­tions. Mais «com­ment accepter les annonces sur les “alter­na­tives à la voiture indi­vidu­elle”, alors que le même gou­verne­ment pour­suit fidèle­ment les poli­tiques qui ont con­duit à la fer­me­ture de cen­taines de gares SNCF et de mil­liers de kilo­mètres de voies fer­rées en milieu rur­al ?», s’in­ter­roge le Par­ti com­mu­niste français. Enfin, 5 mil­lions d’euros seront con­sacrés à la réno­va­tion et à la remise en loca­tion des rési­dences sec­ondaires.

Reste à savoir si ce plan, impré­cis et faisant l’im­passe sur de nom­breux sujets (retour des ser­vices publics, ges­tion des cat­a­stro­phes naturelles, agri­cul­ture, énergie, réno­va­tion énergé­tique des loge­ments, répar­ti­tion de l’ac­cès à l’eau…), sera suff­isant pour con­tr­er le «sen­ti­ment d’a­ban­don» des cam­pagnes, comme le voudrait la cheffe du gou­verne­ment.