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Un épisode de chaleur précoce va aggraver la sécheresse en France

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C’est chaud. Si l’épisode qui touche la France cette semaine n’est pas assez intense pour con­stituer une « vague de chaleur » à pro­pre­ment par­ler, de telles tem­péra­tures pour un début de mois de mai sont remar­quables. Elles devraient aggraver la sécher­esse qui sévit depuis plusieurs mois déjà.

Depuis le début de semaine, la majeure par­tie du ter­ri­toire français fait l’expérience de tem­péra­tures dignes d’un beau mois de juil­let. Si un pre­mier pic de chaleur devrait être atteint demain avant de retomber en fin de semaine, la per­tur­ba­tion va repren­dre de plus belle dès ce week­end et jusqu’au mer­cre­di suiv­ant. La sit­u­a­tion n’est pas inédite, mais elle mérite d’être remar­quée : pour Alexan­dre Flout­tard, ingénieur prévi­sion­niste à Météo-France, c’est bien la pré­coc­ité de telles tem­péra­tures qui impres­sionne, ain­si que l’étendue géo­graphique et la durée du phénomène.

Car­togra­phie des tem­péra­tures et des vents de sur­face pour le mar­di 10 mai © Cen­tre européen pour les prévi­sions météorologiques à moyen terme (ECMWF)

Les critères de la « vague de chaleur » ne sont pas encore rem­plis, con­firme à Vert Alexan­dre Flout­tard : « Il y a vague de chaleur quand la tem­péra­ture nationale dépasse les 25,3° durant trois jours con­sé­cu­tifs, sans redescen­dre au-dessous d’un cer­tain seuil, même la nuit ». Des tem­péra­tures élevées, certes, mais pas d’épisode canic­u­laire en prévi­sion, ras­sure-t-il. Et la fraîcheur devrait revenir le soir.

« Les tem­péra­tures attein­dront locale­ment les trente degrés sur une par­tie du sud de la France ». L’annonce pour­rait faire rêver, si les jours chauds à venir n’allaient pas aggraver la sécher­esse qui frappe déjà les sols français depuis plusieurs mois. Après un hiv­er et un début d’année avares en pluies, le déficit s’accumule et les sols agri­coles sont à sec.

© Météo-France

Les nappes phréa­tiques — ces réser­voirs d’eau souter­rains — sont égale­ment très peu rechargées. Le dernier état des lieux effec­tué par le ser­vice géologique nation­al (BRGM) fai­sait état d’une sit­u­a­tion peu réjouis­sante au début d’avril.

Pour l’hydrologue Emma Haz­iza « cette année est très par­ti­c­ulière, puisqu’on va démar­rer l’été sans les réserves [en eau] hiver­nales qui per­me­t­tent de tenir tout au long de l’année, a‑t-elle expliqué à France info ce lun­di. Il va donc nous fal­loir opér­er des choix, entre les besoins qui seront cou­verts et ceux qui le ne seront pas ».

Ce qui est déjà à l’œuvre dans les quinze départe­ments en « alerte sécher­esse », tenus de met­tre en place des mesures de lim­i­ta­tion de l’usage de l’eau en prévi­sion d’éventuelles pénuries à venir. En fonc­tion des niveaux d’alerte, les restric­tions sont éch­e­lon­nées, allant de la sim­ple inci­ta­tion pour les par­ti­c­uliers et les pro­fes­sion­nels à sur­veiller leur con­som­ma­tion, à l’interdiction de tout usage — à l’exception de l’eau potable.

Les inquié­tudes se con­cen­trent sur la sécher­esse des sols et les réper­cus­sions sur le monde agri­cole, mais aus­si sur la ges­tion plus large de la ressource : « Il va nous fal­loir préserv­er l’équilibre écologique des cours d’eau : les indus­triels, le sys­tème nucléaire, les agricul­teurs vont se retrou­ver avec des restric­tions assez sévères, et c’est là qu’on a des con­séquences en chaine », ajoute Emma Haz­iza.

Pour Alexan­dre Flout­tard, il y a là une illus­tra­tion de la ten­dance générale observée par Météo-France : « Nos archives de l’état du sol au niveau nation­al mon­trent que dans les années soix­ante, la sécher­esse des sur­faces agri­coles touchait en moyenne 5 % du ter­ri­toire. Actuelle­ment, on est plutôt entre 10 % et 12 % de la sur­face nationale ». L’agence de prévi­sions con­state une aug­men­ta­tion sta­tis­tique des péri­odes de sécher­esse, à la fois en fréquence et en inten­sité. « La vari­abil­ité naturelle du cli­mat per­me­t­tra des années plu­vieuses, mais glob­ale­ment, nous allons dans le sens de ce qui est prévu par le Giec, c’est-à-dire une aug­men­ta­tion en fréquence et en inten­sité des péri­odes de sécher­esse, prédit le prévi­sion­niste. Plus les tem­péra­tures glob­ales aug­menteront, pire cela sera ».