On n’en peut pluie. Des milliers de personnes évacuées, au moins dix-huit morts et de très lourds dégâts matériels… La tempête Boris, qui ravage l’Europe centrale depuis le 13 septembre, doit en grande partie son intensité au changement climatique. Explications.
Lundi 16 septembre, l’équipe de scientifiques du laboratoire des sciences du climat et de l’environnement de l’université Paris-Saclay, a publié une première étude d’attribution sur la tempête Boris. Ce type d’analyse cherche à déterminer les liens entre les évènements météorologiques extrêmes et le changement climatique.
«Les émissions de gaz à effet de serre sont responsables de l’intensification de la tempête Boris, mais l’analyse n’exclut pas que la formation de la tempête soit due à la variabilité du climat», rapporte auprès de Vert Davide Faranda, directeur de recherche en sciences du climat au CNRS qui a participé à l’étude. Autrement dit, la dépression qui sévit entre la Roumanie, l’Autriche, la Pologne, la Slovaquie et la République Tchèque est peut-être d’origine naturelle, mais sa gravité, avec la quantité d’eau exceptionnelle qui s’est abattue sur la zone ces derniers jours, s’explique bien par le changement climatique dû à nos rejets de CO2 et de méthane.
Selon l’équipe de Davide Faranda, Boris représente bel et bien un évènement exceptionnel par l’intensité de ses pluies. Par rapport aux épisodes pluvieux des décennies précédentes, les précipitations ont augmenté de 20 %, soit 4 à 8 mm par jour, sur l’Europe de l’Est.
Des mers en surchauffe et une masse d’air polaire
Le réchauffement climatique d’origine humaine «intensifie les précipitations en augmentant l’effet de serre, ce qui réchauffe l’atmosphère et permet à celle-ci de retenir plus de vapeur d’eau», explique Davide Faranda. La vapeur d’eau est ensuite transformée en pluie à l’occasion d’épisodes plus intenses.
Le bouleversement du climat a aussi pour effet de «perturber les régimes météorologiques, modifiant les courants-jets et les systèmes de pression». Le courant-jet constitue ce mouvement général de l’atmosphère qui prend l’allure d’un «tube de vent». Il joue un rôle important dans la trajectoire et l’activité des dépressions, comme la tempête Boris. Cette perturbation des régimes météorologiques «affecte la répartition des précipitations, comme dans ce cas, où l’humidité est transportée sur l’Europe centrale depuis la mer Méditerranéenne et la mer Noire», détaille le scientifique.
Comme Vert vous l’avait raconté, la mer Méditerranée a connu des températures particulièrement élevées ces derniers mois. Il en est de même pour la mer Noire, située à l’est de la Roumanie et au nord de la Turquie. Or, une vague de fraîcheur causée par une «masse d’air polaire» a saisi l’Europe ces derniers jours.
Le différentiel entre cet air froid et la chaleur de la mer Méditerranée favorise la formation de pluies.
Une dépression qui persiste sur une même zone
Les pluies torrentielles de la tempête restent cantonnées à une zone relativement étendue, frappant à la fois la Pologne, la Roumanie, la République Tchèque, la Slovaquie, l’Autriche et la Hongrie. Elles ne se déplacent pas.
Résultat : les pluies ont des conséquences d’autant plus lourdes que les sols sont déjà gorgés d’eau, ce qui engendre des inondations et des crues du Danube, au Sud, à l’Oder, plus au Nord. Ces intempéries «insistent sur la zone à cause de l’anticyclone présent sur la Russie», éclaire Davide Faranda. L’anticyclone désigne une zone de haute pression atmosphérique qui assèche l’air et repousse les précipitations.
Les experts en sciences du climat n’excluent pas que le stationnement de la tempête sur une même zone soit en partie provoqué par le réchauffement climatique. En effet, celui-ci «favorise les conditions qui causent le stationnement des tempêtes aux moyennes latitudes», explique le scientifique.
Une étude parue en mars 2023, montre que les changements de circulations atmosphériques provoquent de profondes modifications régionales et saisonnières dans les précipitations. En été, «les courants-jets ont davantage de méandres à cause du changement climatique, ce qui bloque les tempêtes dans les mêmes positions», détaille Davide Faranda. En hiver, c’est le contraire et les tempêtes sont transportées plus rapidement.
Le réchauffement climatique accroît le risque de précipitations extrêmes
Dans son 6ème rapport, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (le Giec) relevait déjà que l’Europe faisait partie des zones les plus concernées par l’augmentation des précipitations extrêmes. Il y démontre également que les épisodes pluvieux sont provoqués par les activités humaines. Le document souligne que chaque dixième de degré de réchauffement augmente les risques de précipitations extrêmes.
Les prochains jours permettront de faire un bilan définitif de la tempête Boris. Une étude du consortium international de scientifiques World weather attribution est prévue afin de préciser les liens entre cet évènement climatique extrême et le réchauffement climatique global.
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