La question qui vache. Diffusé chaque dimanche sur la chaîne et son site internet, ce programme de TF1 promet «de répondre sans détour à toutes vos interrogations» sur l’élevage. Depuis le lancement en octobre, le climat a malencontreusement été oublié. Y aurait-il un lien avec le partenaire de la série, le principal lobby de l’élevage ?
Si vous avez loupé le dernier épisode de Questions bêtes, diffusé chaque dimanche à 19h50 sur TF1, il est à retrouver sur le site internet de la chaîne, rubrique «documentaire». Sans doute une erreur d’étiquetage, car le programme, composé de 26 épisodes d’environ une minute, s’apparente davantage à une campagne de communication sponsorisée par la Confédération nationale de l’élevage. Celle-ci se définit comme «l’association française qui fédère les organisations professionnelles syndicales, techniques et coopératives de l’élevage de ruminants bovins, ovins et caprins, que ce soit pour les secteurs lait et viande». Autrement dit, il s’agit du lobby de l’élevage.
Son sigle (CNE) est mentionné, mais pas explicité en toutes lettres avant la fin de l’épisode. Trois autres interprofessions (lobbys) partenaires de ce programme – Interbev (viande bovine), le Cniel (producteurs de lait) et l’Anicap (filière lait de chèvre) – ne sont pas mentionnées du tout. Contactées par Vert, la CNE et Interbev n’ont pas répondu à nos questions sur la nature, notamment financière, de ce partenariat.
Un «dialogue authentique», mais pas très représentatif
Malgré ce partenariat discret, le programme promet «un dialogue authentique pour mieux comprendre l’élevage d’aujourd’hui». Éleveurs et éleveuses, mais aussi vétérinaire, chercheur ou enseignant, se succèdent à l’écran pour tenter de répondre à de «vraies questions». Par exemple : «la bouse de vache, ça sert à rien ?», «les vaches sont toutes les mêmes ?», ou encore «les éleveurs, ils n’ont pas fait d’études ?»
Malheureusement pour David et son chapeau de paille ou Marine qui «connaît le prénom de toutes [s]es bêtes par cœur», le programme paraît plus caricatural qu’authentique. Eva Morel, de l’association Quota Climat (qui milite pour un meilleur traitement de l’écologie dans les médias) y voit même un «effet loupe sur les prairies et les animaux en bonne santé».
Surtout, «les émissions carbone liées à l’élevage ne sont jamais mentionnées, alors qu’il s’agit d’un spot publicitaire, sous couvert d’information, pour un mode de consommation alimentaire très émetteur» de gaz à effet de serre, souligne-t-elle. Dès le premier épisode, le programme pose pourtant une question toute indiquée : «Y a-t-il trop de vaches en France ?».
Pour les deux éleveurs interrogés, Jean-Baptiste et Simon, la réponse est claire : «Non, pas du tout. Ce n’est pas un problème». Et d’ailleurs, «le nombre de vaches en France a déjà énormément diminué». Le programme ne le détaille pas, mais le nombre de bovins est effectivement passé de 17,1 millions en 2010 à 15,7 millions en 2020, selon l’Insee.
La nécessité de réduire le cheptel contestée
D’autres réponses auraient mérité leur place dans l’épisode. Celle de la Cour des comptes, par exemple, qui a rappelé en mai 2023 que l’élevage bovin était responsable de 11,8% des émissions équivalent CO2 de la France, et que respecter nos objectifs climatiques «appelle nécessairement une réduction importante du cheptel».
«La baisse du cheptel bovin observée ces dernières années demeure limitée et, à rythme constant, ne permettra pas à la France d’atteindre les objectifs de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre qu’elle s’est elle-même fixés», précisait encore l’institution.
Dans sa feuille de route climatique à 2050 (la stratégie nationale bas-carbone), actuellement en consultation, l’État français ne dit pas autre chose : il prévoit que la baisse du cheptel s’accentue, à -12% entre 2020 et 2030 (contre -8,2% entre 2010 et 2020).
Un épisode sur notre consommation de viande ?
Mais attention, pour que cette baisse ne se traduise pas par une hausse des importations de viande étrangère, il faut que notre consommation de viande baisse aussi. A priori, la marge existe puisqu’«un tiers des Français consomme davantage que le plafond de 500 grammes par semaine de viande rouge préconisé par le plan national nutrition santé», souligne la Cour des comptes.
Mais pour s’assurer de ces changements de comportement, il faudrait sans doute un peu plus de sensibilisation à ces questions. Vert a demandé à TF1 et aux parrains du programme si un épisode «faut-il manger moins de viande ?» était prévu, mais aucun n’a souhaité s’exprimer.
Comme le rappelle Eva Morel, TF1 est signataire des contrats climat introduits par la loi climat et résilience d’août 2021 visant à réduire le greenwashing et les publicités défavorables à l’environnement. Son bilan jusqu’ici : peut meuh faire…
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