«Arkemagouilles», «Arkema nous empoisonne», «Pollueurs éternels» : le site lyonnais du chimiste Arkema a été «redécoré» par quelque 300 personnes dans le cadre d’une action coup de poing. En début d’après-midi, ce samedi, un raz de marée de personnes vêtues de combinaisons blanches s’est déversé sur l’usine, dont une grosse centaine a réussi à pénétrer dans l’enceinte de l’entreprise.
«Nous avons appelé cette opération “Journée portes entr’ouvertes” : ouvertes, car le but, c’est d’aller vers plus de transparence de la part d’Arkema sur le sujet des polluants éternels, et fermée, parce qu’on veut fermer les vannes des produits chimiques rejetés dans le Rhône par l’entreprise», a expliqué à Vert Julien, porte-parole de l’action.
De petits groupes ont notamment déployé d’immenses banderoles depuis le toit de l’usine. «Poison», pouvait-on lire sur l’une d’elles ; «Habitant·es intoxiqué·es, Arkema doit payer», indiquait l’autre. Devant l’usine, un groupe de militant·es a tenté de bloquer le portail d’accès des camions de livraison en érigeant un mur en parpaings. Plus loin, une joyeuse fanfare faisait chanter un groupe d’une centaine de personnes sous les regards agacés des forces de l’ordre, présentes en nombre.
La cible du jour n’a pas été choisie au hasard : le géant de la chimie Arkema est tristement connu dans l’agglomération lyonnaise pour avoir contaminé les environs en rejetant des produits chimiques pendant des années. L’usine de Pierre-Bénite produit notamment du Kynar, un thermoplastique que l’on retrouve dans les secteurs du bâtiment, des renouvelables, de la climatisation ou de l’électronique.
Pour ce faire, Arkema utilise des PFAS, des composés poly- et perfluoroalkylés qualifiés de «polluants éternels» en raison de leur persistance dans les organismes vivants et les écosystèmes. En 2022, deux enquêtes du journaliste Martin Boudot avaient dévoilé la pollution étendue des alentours du site d’Arkema, dont des rejets de l’usine déversés dans le Rhône aux concentrations en PFAS 36 414 fois plus élevées que l’eau en amont (notre article). L’industriel a fini par s’engager à ne plus utiliser de PFAS dans ses procédés d’ici à la fin 2024.
Une action marquée par une importante répression
Les militant·es ont martelé trois revendications : dans un premier temps, la prise en charge de la dépollution des sols et eaux contaminés par les perfluorés rejetés par Arkema et une réparation financière pour les employé·es et les riverain·es du site touché·es par les pollutions. Dans un second temps, l’application du principe de précaution sur cette famille de polluants, «plutôt que d’attendre que les gens soient malades dans dix ans pour réaliser des études épidémiologiques sur leur dangerosité», a souligné le porte-parole.
L’inarrêtable fanfare, symbole d’une opération qui se voulait «dans la joie et la bonne humeur», a résonné dans le quartier de l’usine pendant plusieurs dizaines de minutes. Au grand dam des policiers, dont l’un n’a pu s’empêcher de pester : «On peut pas les faire taire ceux-là ?».
L’entrain des activistes a été entaché par la répression des forces de l’ordre. Les CRS ont repoussé le groupe de militant·es sur plusieurs centaines de mètres, n’hésitant pas à charger et user de gaz lacrymogènes à quelques mètres d’une voie ferrée (en fonctionnement) et d’un stade de foot où des enfants jouaient un match. Ce même terrain où des prélèvements avaient révélé des seuils de PFAS 83 fois supérieurs aux normes lors de l’enquête de Martin Boudot. Trois blessures ont été rapportées par les équipes de medics sur place, dont une potentielle fracture, d’après Youth for climate.
Huit personnes ont été interpellées, a confirmé la préfecture auprès de Vert. Les personnes étaient encore en garde à vue dimanche soir. «Nous condamnons un tel acte, qui non seulement perturbe fortement l’outil de travail de plus de 500 salariés, mais peut également faire courir des dangers aux salariés et aux manifestants», a réagi le directeur de l’usine, Pierre Clousier.
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