Les pluies torrentielles qui s’abattent sur le sud et l’est de l’Espagne depuis mardi dernier ont entraîné des inondations dévastatrices, qui ont fait au moins 217 morts et des dizaines de disparus. Des dégâts amplifiés par la bétonisation des villes.
Des rues transformées en torrents de boue, des villages coupés du monde et des voitures empilées les unes sur les autres… les images de la région de Valence en Espagne, qui tournent en boucle sur les réseaux sociaux depuis mardi dernier, semblent tirées d’un film catastrophe. Jeudi, les secouristes poursuivaient leurs recherches au milieu des gravats. Le bilan humain pourrait encore s’aggraver, selon les autorités.
Deuil national
Mardi, 491 millimètres (mm) d’eau sont tombés en seulement huit heures à Chiva, dans la banlieue de Valence, selon l’agence météo espagnole Aemet. Cela représente presque l’équivalent d’une année entière de pluie. Il faut remonter au 11 septembre 1996 pour retrouver un épisode aussi intense dans la région, rappelle Météo-France. Et aucune inondation n’avait été aussi meurtrière depuis la Gran riada («Grande inondation») de Valence en 1957 au cours de laquelle plus 80 personnes ont perdu la vie.
Le gouvernement espagnol a mis en place une cellule de crise et dépêché plus de 1 000 militaires d’une unité spécialisée dans les opérations de sauvetage. Le ministre espagnol de la politique territoriale, Angel Víctor Torres, a décrété trois jours de deuil national, ce jeudi, vendredi et samedi.
Bétonisation des canaux et des vergers
Ce désastre est dû à un épisode méditerranéen – des remontées d’air chaud, humide et instable en provenance de la mer, qui peuvent provoquer des orages stationnaires violents. Et à une «goutte froide», une dépression d’altitude, combinée à de l’air froid. Ces deux phénomènes sont courants en automne sur la côte méditerranéenne espagnole, notamment du fait de sa topographie vallonnée dans l’arrière-pays.
Dès lundi, l’agence météo espagnole avait annoncé des précipitations «intenses, étendues et généralisées» dans la région de Valence. Mais la première alerte envoyée sur les téléphones des habitant·es a été reçue le mardi à 20h10, alors que les rues étaient déjà inondées. Il y a eu «un manque de coordination», déplore la chercheuse espagnole Karla Zambrano, ambassadrice espagnole du Pacte européen pour le climat, sur la chaîne RTVE.
La Plateforme pour la défense des sources, une association locale de défense de l’environnement, pointe du doigt la bétonisation des canaux, qui rend les centres urbains plus vulnérables aux inondations. En cinquante ans, «deux tiers de la surface de vergers a disparu», soit 9 000 hectares – l’équivalent de Paris intramuros -, rappelle le docteur en urbanisme Clément Gaillard. Or, les vergers favorisaient l’infiltration de l’eau et limitaient son ruissellement.
«La France n’est en aucun cas à l’abri»
Ces inondations sont-elles dues au réchauffement du climat ? «Cette dynamique n’est pas créée par le changement climatique (…) mais il en amplifie les conséquences (quantité de pluie)», explique le climatologue Christophe Cassou. Il précise que le phénomène est accentué non seulement par une mer Méditerranée plus chaude que d’ordinaire, mais aussi par l’augmentation de la chaleur de tous les océans et de l’atmosphère.
Il prévient : «La France n’est en aucun cas à l’abri d’un tel événement, qui peut frapper sur tout le pourtour méditerranéen. Diminuer les risques impose de réduire immédiatement nos émissions de gaz à effet de serre et de s’adapter en diminuant autant que possible le ruissellement.»
Selon une étude publiée ce jeudi par le réseau de scientifiques World weather attribution, «la hausse des températures planétaires a intensifié les dix phénomènes météorologiques les plus meurtriers ces vingt dernières années». Depuis 2004, ces événements ont coûté la vie à 576 042 personnes.
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