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Pour réduire sa dépendance au gaz russe, Engie se tourne vers le gaz de schiste américain au mépris de l’urgence climatique

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Une vraie usine à gaz. L’énergéticien français Engie vient de pass­er un con­trat sur 15 ans pour importer mas­sive­ment du gaz de schiste depuis les États-Unis et ain­si diver­si­fi­er son appro­vi­sion­nement. Un pro­jet jugé « tox­ique » par les ONG, qu’avait rejeté le gou­verne­ment français il y a deux ans.

Engie pour­suit son sou­tien mas­sif aux éner­gies fos­siles en s’engageant à importer du gaz de schiste améri­cain à par­tir de 2026 et jusqu’en 2041. Passé lun­di avec l’énergéticien améri­cain NextDecade, ce con­trat prévoit un appro­vi­sion­nement à hau­teur de 1,75 mil­lion de tonnes de gaz naturel liqué­fié (GNL) par an. Ce gaz de schiste, l’une des méth­odes d’extraction les plus sales qui soient, tran­sit­era par le ter­mi­nal tex­an Rio Grande LNG, un mégapro­jet actuelle­ment en cours de con­struc­tion, et qui devrait voir le jour en 2026. Ce ter­mi­nal d’exportation est par­ti­c­ulière­ment con­tro­ver­sé pour les men­aces qu’il fait peser sur les com­mu­nautés autochtones, ain­si que sur la réserve naturelle au sein duquel il doit s’implanter.

En novem­bre 2020, un con­trat qua­si iden­tique avec NextDecade avait été aban­don­né sur pres­sion du gou­verne­ment français. Ce dernier, action­naire prin­ci­pal d’Engie avec près de 24 % du cap­i­tal de l’entreprise, esti­mait man­quer de garanties envi­ron­nemen­tales sur ce pro­jet. Une source gou­verne­men­tale avait indiqué à Cap­i­tal que cet accord « ne cor­re­spondait pas à [leur] poli­tique de tran­si­tion écologique ».

Deux ans plus tard, l’État français fait donc machine arrière et n’hésite plus à inve­stir mas­sive­ment dans le gaz de schiste améri­cain. Un revire­ment prob­a­ble­ment lié au con­texte géopoli­tique de la guerre en Ukraine, qui a souligné notre dan­gereuse dépen­dance au gaz et au pét­role russe et l’importance de diver­si­fi­er nos appro­vi­sion­nements énergé­tiques. 20 % du gaz importé par Engie provient actuelle­ment de Russie. Mais cette guerre alerte aus­si plus glob­ale­ment sur les risques de la dépen­dance aux éner­gies fos­siles.

Pour les Amis de la Terre, la sig­na­ture de ce con­trat illus­tre « l’incohérence » et « l’hypocrisie » du gou­verne­ment vis-à-vis de la crise énergé­tique. « Il martèle que la guerre en Ukraine appelle à nous libér­er de la dépen­dance aux éner­gies fos­siles, mais nous enfonce dans des décen­nies d’addiction au gaz de schiste, sans que ce type de con­trats n’apporte aucune solu­tion de court terme », déplore Lorette Philip­pot, chargée de cam­pagne pour l’ONG.

Dans sa feuille de route pour lim­iter le réchauf­fe­ment cli­ma­tique à 1,5 °C, l’Agence inter­na­tionale de l’énergie (AIE) a claire­ment indiqué que le monde devait renon­cer « dès main­tenant » à tout nou­veau pro­jet pétroli­er ou gazier (Vert).