Un appel à l’action venu d’îles du monde entier. Dans une déclaration publiée ce mardi 3 juin, les 39 pays membres de l’Alliance des petits États insulaires (Aosis) exhortent la communauté internationale à faire de l’océan un pilier central de l’action climatique avant l’ouverture de la troisième conférence mondiale sur l’océan (Unoc), co-organisée par la France et le Costa Rica à Nice (Alpes-Maritimes) du 9 au 13 juin.
«Nous appelons chacun, en tant que gardiens des biens communs mondiaux, à se montrer à la hauteur de ce moment, implore Surangel Whipps Jr., chef d’État des Palaos, république insulaire située dans le Pacifique qui assure la présidence tournante de l’Aosis depuis 2025. Plaçons l’océan au centre de l’action climatique dès cette année.» Un discours qui sera porté lors du tout premier Forum mondial des îles, organisé par la France à Nice du 8 au 10 juin, en parallèle de la conférence sur l’océan.
Protection de la haute mer et lutte contre la pollution plastique au cœur des négociations à Nice
Situés dans le Pacifique (Fidji, Tuvalu, Tonga, Kiribati…), mais aussi dans les océans Indien (Comores, Maldives…) et Atlantique (Bahamas, Haïti…), ces petits États insulaires représentent un tiers de la surface maritime mondiale. «Nous assumons à la fois un privilège profond et une responsabilité solennelle, un devoir partagé par toutes les nations qui considèrent la mer comme un héritage et un avenir commun. […] Nous nous engageons à faire notre part. Mais les autres en feront-ils autant ?», interroge Surangel Whipps Jr.

Dans leur déclaration, les États membres de l’Aosis définissent «six priorités urgentes pour orienter l’action climatique mondiale», dont certaines sont à l’agenda du sommet de Nice. Ils appellent notamment à «ratifier et mettre en œuvre» le traité sur la haute mer, un texte pionnier pour la protection des eaux internationales (qui ne sont sous aucune juridiction nationale, soit 60% des océans) adopté par les Nations unies en 2023 (notre article).
Pour entrer en vigueur, cet accord doit atteindre 60 ratifications (contre 29 signatures actuellement, dont celle de la France). «On n’y est pas encore», a reconnu Emmanuel Macron il y a deux mois, lors d’un sommet préparatoire à la conférence de Nice (notre article), qui visera à accélérer la dynamique de ratification du traité.
L’événement de la semaine prochaine permettra aussi d’aborder la question de la pollution plastique, qui se compte en millions de tonnes supplémentaires chaque année dans l’océan. Les participants tenteront de pousser pour un accord ambitieux sur le sujet, avec en ligne de mire le round final des négociations pour un traité international contre la pollution plastique à Genève (Suisse) en août prochain. L’Aosis souhaite la mise en place d’un «traité juridiquement contraignant», avec un «fonds d’indemnisation adapté aux besoins des nations insulaires vulnérables».
Les petits États insulaires aux avant-postes de la crise climatique
Dans leurs «priorités», les petits États insulaires exhortent la communauté internationale à mobiliser des financements pour l’océan. En absorbant un quart des émissions de dioxyde de carbone (CO2, le principal gaz à effet de serre responsable du réchauffement climatique) et plus de 90% de la chaleur générée par ces rejets, ce dernier joue un rôle crucial dans la régulation du climat.
Au-delà de Nice, l’Aosis a également en ligne de mire la Conférence mondiale (COP30) sur le climat, qui se tiendra à Belém (Brésil) en fin d’année. L’Alliance appelle à intégrer les solutions océaniques aux politiques climatiques et à «réduire la dépendance aux énergies fossiles […] pour protéger les systèmes marins et côtiers».
Barbade, Seychelles, Samoa… les petits États insulaires sont aux avant-postes de la crise climatique. Certains sont à quelques mètres au-dessus du niveau de la mer et donc directement menacés par les événements extrêmes et par la montée des eaux liée au réchauffement des températures mondiales (notre article). En mai 2024, l’archipel des Tuvalu (dans le Pacifique Sud) a signé un traité historique avec l’Australie prévoyant l’accueil de réfugié·es climatiques venant de ces îles menacées de disparition avant la fin du siècle.
Depuis les années 1990, les États membres de l’Aosis jouent un rôle important dans les négociations climatiques, comme porte-parole des nations les plus vulnérables. Ils ont notamment poussé pour inscrire le seuil de +1,5 degré de réchauffement moyen des températures mondiales par rapport aux niveaux préindustriels dans l’Accord de Paris en 2015. Plusieurs de leurs territoires pourraient disparaître à terme en cas de dépassement durable de cette limite… qui a été franchie pour la première fois en 2024.