Procès dure. Quatre militant·es d’Extinction Rebellion devaient comparaître ce jeudi 2 janvier devant le tribunal de Paris pour avoir recouvert la façade de la Fondation Louis Vuitton de peinture, le 1er mai 2023. Le procès est finalement reporté à septembre 2025.
«Les écolos contre Bernard Arnault, c’est un bon slogan, non ?», lance Mat, militant à Extinction Rebellion. Il fait partie des quatre activistes accusés d’avoir aspergé la Fondation Louis Vuitton de peinture à l’eau, en mai 2023. Le musée d’art situé dans l’ouest parisien appartient au groupe LVMH dirigé par le milliardaire, qui réclame 19 000€ pour les dégâts causés.
Le procès des militant·es poursuivi·es pour «dégradation et détérioration de bien d’autrui en réunion» devait se tenir ce 2 janvier. Une vingtaine de membres d’Extinction Rebellion s’était réunie devant le tribunal judiciaire de Paris pour manifester leur soutien.
Sur l’immense parvis, quelques drapeaux colorés ornés d’un sablier symbolisant l’urgence écologique, tranchent avec le ciel gris. «On se sent petit face à LVMH, confie à Vert Erwan, un des prévenu·es. On est que des simples citoyens mais on a le droit de porter notre message politique».
Le 1er mai 2023, il a recouvert, avec plusieurs camarades, la façade du musée avec de la peinture. Une action en solidarité avec le mouvement social contre la réforme des retraites, qui battait alors son plein.
Les militant·es écologistes ont saisi l’occasion du 1er mai pour protester contre l’«optimisation fiscale» du groupe LVMH, raconte à Vert, Léa, une des accusé·es. «On a voulu montrer la dichotomie entre le discours de l’État qui préfère baisser les retraites au prétexte qu’il n’y a pas assez d’argent, et le fait qu’il permette à la Fondation d’avoir des réductions d’impôts énormes sur le dos du contribuable», explique-t-elle.
En 2018, la Cour des comptes avait indiqué dans un rapport que le groupe LVMH avait bénéficié d’une réduction d’impôts de 518,1 millions d’euros grâce à la Fondation Louis Vuitton. «La niche fiscale à travers l’art n’a pas lieu d’être», plaide Léa.
En juillet dernier, un an et trois mois après cette action, les quatre militant·es ont été mis·es en garde à vue et déféré·es devant le parquet. Leurs logements ont été perquisitionnés. Les prévenu·es ont ensuite eu l’interdiction d’être en contact jusqu’à leur procès.
Leurs deux avocats dénoncent «une procédure disproportionnée qui s’apparente davantage à une sanction». Mais Servane Meyniard et Alexis Baudelin n’ont finalement pas eu l’occasion de plaider le fond de l’affaire. La juge a renvoyé l’audience au 2 septembre en raison de la longueur des débats à venir.
«Faire plus de liens entre la justice fiscale et climatique»
«Nous voulions plaider la relaxe au nom de la liberté d’expression, pour protéger ce type de message. Et il y a des précédents, comme la victoire des décrocheurs des portraits d’Emmanuel Macron», explique à Vert Servane Meyniard.
D’autant que cette audience pourrait apporter une nouveauté selon elle : «La majorité des procès qui ont été des victoires pour les auteurs de désobéissance civile, portent sur l’urgence climatique, pas sur la justice fiscale ou sociale. Nous, on demande à ce que la liberté d’expression protège tous les sujets politiques.»
«Depuis deux ans, on pousse pour faire plus de liens entre la justice fiscale et climatique», abonde Mat. Le collectif Extinction Rebellion demande, par exemple, l’application de la mesure proposée par la Convention citoyenne de renforcer les obligations des entreprises relatives aux exigences environnementales et de conditionner les aides qui leur sont apportées à un engagement solide de leur part sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
La revendication d’une taxation plus forte sur les grands patrimoines pour financer la transition écologique est devenue centrale au sein du mouvement écologiste ces dernières années (notre article).
S’il faudra attendre septembre prochain pour connaître la décision du juge, la défense a réussi à obtenir, ce jeudi, la levée de l’interdiction pour les quatre activistes d’être en contact les un·es avec les autres. Pour Mat, cela revient à retrouver leur «liberté d’association et de militer, et c’est le principal».
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