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«Nous ne sommes pas des punching-balls» : le cri d’alerte des vétérinaires chargés d’abattre les bovins atteints de dermatose nodulaire

Vétos se resserrent. Face à l'explosion de colère autour de la gestion de cette maladie bovine ces derniers jours, de plus en plus de soigneur·ses d'animaux sont la cible d'attaques et de menaces. Lors d'une conférence de presse organisée ce mardi, les principales organisations représentatives de la profession ont appelé au calme devant une «hystérisation des débats».
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«Dans une autre époque, votre tête aurait fini au bout d’une pique.» Lorsqu’il a ouvert sa messagerie lundi 15 décembre au petit matin, Jean-Yves Gauchot ne s’attendait probablement pas à recevoir un tel e-mail anonyme. La raison de ces menaces : invité la veille sur BFMTV, ce vétérinaire de Dordogne avait défendu la politique sanitaire du gouvernement pour lutter contre l’épidémie de dermatose nodulaire contagieuse (DNC) des bovins.

Président de la Fédération des syndicats vétérinaires français (FSVF), ce dernier a déposé plainte pour menaces de mort, entraînant l’ouverture d’une enquête par le parquet de Bergerac (Dordogne), selon une information de BFMTV. «Cette agressivité est inacceptable, nous ne sommes pas des punching-balls», dénonce ce mardi son confrère David Quint, président du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (Snvel).

Menaces de mort, agression et photos sur les réseaux sociaux

Interlocuteur·ices régulier·es du monde de l’élevage, les vétérinaires se déplacent dans les fermes pour soigner ou vacciner les animaux. Face à l’épidémie en cours de dermatose nodulaire, elles et ils sont chargé·es par l’État de contrôler les troupeaux de bovins et, en cas de contrôle positif, d’euthanasier l’ensemble des animaux en contact avec les malades.

Un vétérinaire vaccinant des vaches contre la dermatose nodulaire dans une ferme d’Aviernoz (Haute-Savoie), en juillet 2025. © Jeff Pachoud/AFP

«Depuis le début de la crise, nous sommes aux côtés des éleveurs, rappelle David Quint. Nous avons essentiellement déployé une vaccination pour protéger les cheptels de manière assez inédite […] et, effectivement, nous avons participé à des foyers de dépeuplement qui étaient utiles pour stopper la circulation virale.» Depuis l’arrivée de cette maladie animale sur le territoire français au début de l’été, le gouvernement a mis en place une stratégie en trois volets : abattage de l’ensemble des bovins du groupe contaminé, restriction des déplacements de bétail dans un rayon de 50 kilomètres autour du foyer et vaccination massive dans cette zone réglementée (notre article).

«La situation sur le terrain se dégrade de manière très nette.»

Réunis ce mardi 16 décembre à Paris, les principaux représentants de la profession vétérinaire soutiennent unanimement cette stratégie sanitaire. «Si nous n’étions pas fermement persuadés que, dans l’état actuel de la science et dans la situation épidémiologique où nous sommes, les mesures actuellement mises en œuvre sont essentielles et incontournables, nous ne les défendrions pas», a rappelé Stéphanie Philizot, présidente de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV).

Mais la défiance envers la profession redouble ces derniers jours dans les campagnes, alors que de plus en plus d’agriculteur·ices se mobilisent pour dénoncer l’abattage total des troupeaux. «La situation sur le terrain se dégrade de manière très nette, alerte David Quint. On avait déjà eu une agression au mois de juillet sur un foyer de dépeuplement. Et, maintenant, on voit des appels à la haine, des photos de nos confrères et consœurs qui circulent sur les réseaux sociaux avec leurs adresses personnelles, des mails qui arrivent dans les boîtes mail des vétérinaires avec des menaces de mort…»

«On ne peut pas exercer son métier en étant entouré par la force publique»

«Petits minables», «collabos», «meurtriers», «criminels sanguinaires»… Photos et captures d’écran à l’appui, les organisations professionnelles ont montré les nombreux messages de haine diffusés sur les réseaux sociaux, par mail ou même tagués devant des cliniques. Comme l’explique France 24, une fausse information sur de prétendues radiations de vétérinaires qui auraient refusé d’abattre des vaches a beaucoup circulé sur X – relayée pendant un temps par le média d’extrême droite Frontières.

Une conférence de presse a été organisée par les principales organisations professionnelles ce mardi matin pour «remettre un peu de science dans le débat actuel». «Les abattages qui ont eu lieu ne concernent qu’une partie infime de la population bovine», a martelé Jacques Guérin, président de l’Ordre national des vétérinaires. Un peu plus de 3 300 bêtes ont été abattues depuis le début de l’épidémie, soit 0,02% du cheptel total de la France : «Bien entendu, pour celles qu’il faut abattre, c’est dramatique et la profession vétérinaire est solidaire des éleveurs impactés.»

«Ce qui se joue aujourd’hui, si l’hystérisation des débats que nous connaissons ne se calme pas, c’est une défiance sur le long terme entre vétérinaires et éleveurs», s’inquiète également Jacques Guérin. Les professionnel·les du secteur peuvent faire valoir une «clause de retrait» en cas de menaces dans l’exercice de leurs fonctions.

Ces dernières semaines, des centaines d’agriculteur·ices ont bloqué l’accès aux services vétérinaires dans des fermes touchées par le virus en Ariège ou dans le Doubs, nécessitant une intervention policière. «On ne peut pas exercer son métier en étant entouré par la force publique, a déploré Jacques Guérin. J’appelle à une prise de conscience des éleveurs qui manifestent. […] Faisons en sorte que la question sanitaire ne soit pas prise en otage par d’autres sujets, syndicaux ou politiques.»

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