On vous explique

Les moucherons reviennent en masse avec les fortes chaleurs : tout ce qu’il faut savoir sur ces petits insectes

Nuée culottée. Depuis plusieurs semaines, des internautes se plaignent de retrouver des moucherons sur leur t-shirt. Les conditions météorologiques récentes ont pu favoriser la reproduction de pucerons ailés… mais les nuées restent moins fréquentes qu’autrefois. Vert répond aux questions que vous vous êtes toujours posées (ou pas) sur ces insectes.
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«C’est la 14ème fois que je viens ici, et je n’ai jamais vu ça !» Lors de la célèbre course automobile des 24h du Mans (Sarthe), les 14 et 15 juin, le pilote suisse Sébastien Buemi rageait contre un incident bien particulier : la prolifération de moucherons, gênant la visibilité à travers le pare-brise.

Certains internautes se plaignent d’une «invasion de moucherons». © Le Huffington Post

Le sportif est loin d’être le seul à se plaindre de ces nuées de petits insectes qui pullulent dans certaines régions françaises ces dernières semaines. À Paris comme ailleurs, de nombreux internautes décrivent une véritable «invasion» : «Je me déplace à vélo et, la dernière fois, j’étais rempli de moucherons, rempli !», témoigne l’influenceur Anyme, lors d’un live sur Twitch.

Mouches, pucerons, moustiques… de quels insectes parle-t-on ?

Les «moucherons» sont une catégorie d’insectes aussi large que floue, explique à Vert Hugues Mouret, directeur scientifique de l’association de protection des insectes Arthopologia : «C’est un terme générique utilisé par le grand public, qui exprime quelque chose d’imprécis scientifiquement.»

«Au sens large, les moucherons sont de petits bêtes qui volent et qui ressemblent à des mouches mais, souvent, cela regroupe plusieurs espèces», confirme auprès du Huffington Post Simon Dupont, directeur adjoint de l’Institut de recherche sur la biologie de l’insecte (IRBI) à l’université de Tours (Indre-et-Loire).

Une nuée de moucherons dans un parc. © Lena/Flickr

Petites mouches, fourmis volantes, moustiques… aux beaux jours, de très nombreux insectes peuvent former des nuées, pour chercher de la nourriture ou se reproduire. Hervé Colinet, entomologiste au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), précise à Vert que les «moucherons» qui défraient la chronique en ce début d’été sont principalement… des pucerons ailés.

Plus proches des cigales ou des punaises que des mouches, ces derniers sont connus pour leurs dégâts sur les cultures. «S’ils sont en compétition sur une plante, les pucerons créeront des formes ailées dans leur descendance pour coloniser d’autres essences», explique le spécialiste, qui en a lui-même retrouvé sur son pare-brise… et dans son potager.

Pourquoi y en a-t-il autant en ce moment ?

Qu’il s’agisse de pucerons ailés, de petites mouches ou d’autres «moucherons», une chose est sûre : «Les grosses chaleurs accélèrent leur développement», selon Hugues Mouret. Ponte, éclosion… les cycles de vie des insectes sont dépendants des températures extérieures.

«L’hiver doux a favorisé la survie des œufs, et les alternances de chaleur et d’humidité ont permis des éclosions groupées, ce qui forme ces grandes nuées de dispersion», complète Hervé Colinet.

Les pucerons ailés peuvent se reproduire par clonage : «Ils sortent de leur abdomen des mini-pucerons identiques à la mère, qui grandissent et se reproduisent de la même manière, et ainsi de suite», ce qui renforce leur prolifération, ajoute le scientifique.

Est-ce que ça va durer ?

Ces proliférations de moucherons se produisent souvent entre la fin du printemps et le début de l’été. «Il y a des années plus intenses que d’autres, mais ça ne va pas durer, assure Hervé Colinet. Plus on avancera dans l’été, moins on verra ces grandes nuées.»

Si les fortes chaleurs observées en France depuis quelques semaines (notre article) ont pu favoriser des éclosions simultanées et particulièrement massives, ces nuées de moucherons sont un «phénomène naturel cyclique», rappelle le spécialiste.

Ces nuages de petites bêtes sont un garde-manger idéal pour les oiseaux, amphibiens et autres prédateurs insectivores. «Nous sommes dans la période de l’année la plus riche en termes de diversité d’insectes, ce sont des phénomènes normaux, confirme Hugues Mouret. Le plus inquiétant serait de ne pas les voir.»

En voyait-on davantage par le passé ?

De nombreuses études ont mis en évidence un effondrement des populations d’insectes dans le monde (notre article). Dans leur grande diversité, les moucherons n’échappent pas à la règle : «On en voyait plus avant, mais ce n’est pas étonnant vu l’intensification de l’agriculture et la vitesse d’artificialisation des zones humides», regrette Hugues Mouret.

Redécouvertes par certains pilotes aux 24h du Mans, les nuées de petits insectes écrasées sur les pare-brises sont un bon indicateur de ce déclin. «Il n’y avait pas que des moucherons, mais ces phénomènes étaient courants, et plus diversifiés», se souvient Hervé Colinet.

Un puceron ailé sur une plante. © Alain C./Flickr

La prolifération d’espèces comme les pucerons serait l’arbre qui cache la forêt : Ils ont plutôt tendance à être des espèces gagnantes du changement climatique, les chaleurs précoces favorisent la survie des œufs et l’usage des terres agricoles leur donne largement de quoi se nourrir.» D’autres peuvent aussi profiter de leur proximité avec les humains (compost, ordures, égouts…).

Comment faire pour vivre avec ?

Les moucherons sont loin de se limiter à des nuées d’insectes qui nous chatouillent les narines les soirs d’été. «Ils jouent des rôles fondamentaux dont nous bénéficions, comme la pollinisation, le recyclage des matières organiques ou les contrôles des bio-agresseurs [des espèces qui peuvent causer des dégâts aux cultures, NDLR]», liste Hugues Mouret.

Mieux vaut donc apprendre à cohabiter avec eux… et éviter tout insecticide. Dehors, il est conseillé de ne pas porter de vêtements jaunes, qui leur rappellent la couleur des fleurs. Et, face aux espèces qui s’installent dans les cuisines ou près des poubelles, on peut placer une coupelle de vinaigre mélangée à du liquide vaisselle pour les piéger.

Pour les plus curieux, rien n’empêche de partir observer ces petits insectes méconnus et pourtant divers, conseille Hugues Mouret : «Émerveillons-nous de ce qui existe encore, et râlons plutôt sur les causes de la disparition du vivant

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