Dans l'actu

Le Sénat vote l’interdiction des PFAS dans les textiles et les cosmétiques : «maintenant, les choses vont s’accélérer»

Quelques semaines après les député·es, les sénateur·ices viennent d’adopter la proposition de loi écologiste prohibant l’utilisation des PFAS dans plusieurs produits du quotidien. Le début de la fin pour ces «polluants éternels» ?
  • Par

«C’est la fin d’une époque !», s’est réjoui le séna­teur écol­o­giste Jacques Fer­nique, ce jeu­di après-midi. Quelques heures plus tôt, le Sénat adop­tait, à une seule voix con­tre, un texte pio­nnier restreignant l’utilisation des sub­stances per- et poly­flu­o­roalkylés (PFAS). Ce sigle bar­bare désigne des mil­liers de com­posés chim­iques tox­iques et extrême­ment per­sis­tants — d’où leur surnom de «pol­lu­ants éter­nels» — mas­sive­ment util­isés dans l’industrie pour leurs pro­priétés anti-adhé­sives, imper­méables ou de résis­tance au feu.

Après le vote à l’Assemblée le 4 avril dernier, d’aucuns craig­naient un détri­co­tage du texte par le Sénat (à majorité de droite). Mais «l’esprit a finale­ment été préservé», salue le député écol­o­giste Nico­las Thier­ry, auteur de la propo­si­tion. Le Sénat a validé l’interdiction des PFAS dans les pro­duits cos­mé­tiques, les farts (pour les skis) ou les tex­tiles d’ha­bille­ment fab­riqués ou mis sur le marché en France au 1er jan­vi­er 2026, à quelques excep­tions près (util­i­sa­tions essen­tielles ou lorsqu’il n’y a pas de solu­tions de sub­sti­tu­tion). Les sénateur·rices ont ajouté les chaus­sures à la liste des pro­duits inter­dits de PFAS.

Elles et ils ont aus­si instau­ré une taxe «pol­lueur-payeur» qui sera ver­sée aux agences de l’eau par les indus­triels qui rejet­tent des PFAS, à hau­teur de 100 euros tous les 100 grammes (au-delà de 100g/an). Un grand émet­teur comme le chimiste Arke­ma, qui pré­tend rejeter sur son site de Pierre-Bénite (près de Lyon), «moins d’un kilo­gramme par jour», serait ain­si astreint à une rede­vance d’environ 1 000 euros par jour. «La recette de cette taxe estimée à 2,5 mil­lions d’euros par an n’est pas du tout à la hau­teur des besoins», selon Jacques Fer­nique, qui estime que c’est tout de même «un pied dans la porte». D’autant que le texte ordonne désor­mais au gou­verne­ment de faire chaque année un bilan de la qual­ité de l’eau au robi­net et de met­tre en place un plan d’action pour financer sa dépol­lu­tion.

Comme à l’Assemblée nationale, le texte a buté une nou­velle fois sur «le lob­by des casseroles». La mobil­i­sa­tion du groupe Seb, qui s’était ren­du avec nom­breux salarié·es devant l’Assemblée nationale en jurant que des mil­liers d’emplois étaient men­acés, a par­ticipé à con­va­in­cre les par­lemen­taires d’exclure les usten­siles de cui­sine du texte. Ce, bien qu’ils con­stituent une des sources prin­ci­pales de con­t­a­m­i­na­tion, selon un rap­port de l’État. La droite s’est même opposée à ren­dre oblig­a­toire l’étiquetage des pro­duits qui en con­ti­en­nent. «Mais main­tenant les choses vont accélér­er», veut croire Jacques Fer­nique. Il rap­pelle que six pays (dont la France) ont déclenché la procé­dure de révi­sion du règle­ment européen Reach sur les pro­duits chim­iques, pour obtenir une restric­tion glob­ale des PFAS d’i­ci quelques années. «C’est le début du compte à rebours pour les PFAS», con­firme Nico­las Thier­ry.

Pour être pro­mul­gué, le texte doit désor­mais pass­er en sec­onde lec­ture à l’Assemblée et être adop­té dans les mêmes ter­mes qu’au Sénat. Nico­las Thier­ry espère lui trou­ver une place à l’ordre du jour des prochaines séances transpar­ti­sanes, en sep­tem­bre prochain.

Pho­to d’il­lus­tra­tion : © Jacques Paquier / Wiki­me­dia