Billets noirs. Les 60 plus grandes banques du monde ont financé le développement des énergies fossiles à hauteur 4 600 milliards de dollars (4 127 Mds€) depuis 2016 et l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris sur le climat, révèle la dernière édition du rapport international « Banking on climate chaos ».
Si l’on veut avoir une chance d’atteindre la neutralité carbone en 2050 (soit l’équilibre entre le CO2 émis et celui que l’on est capable de stocker), le monde devrait renoncer maintenant à tout nouveau projet d’énergie fossile, a annoncé l’Agence internationale de l’énergie en mai dernier (Vert). Le message est (très) fort. C’est surtout un coup d’épée dans l’eau, si l’on en croit les récents chiffres révélés par plusieurs ONG internationales, dont la française Reclaim finance. Certes, le financement des énergies fossiles a stagné en 2021, mais il reste à un niveau supérieur à celui de 2016 (723 milliards de dollars) et atteint tout de même 742 milliards de dollars, pointent les auteur·rices de Banking on climate chaos.
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Elles et ils s’alarment notamment de la forte augmentation (+51 %) des financements au secteur dévastateur des sables bitumineux, atteignant 23,3 milliards de dollars en 2021. Le financement des centrales à charbon est resté stable pour la troisième année consécutive – à 44 milliards de dollars – « ce qui est inquiétant compte tenu de la nécessité d’une sortie rapide du secteur d’ici la fin de la décennie », rappelle le rapport. Enfin, le financement du pétrole et du gaz offshore se porte bien avec 52,9 milliards de dollars investis. La banque française BNP Paribas se distingue d’ailleurs comme premier financeur mondial au secteur du pétrole et du gaz offshore sur les six ans écoulés depuis l’Accord de Paris.
Les auteur·rices du rapport observent que la finance fossile est une industrie très concentrée, avec un faible nombre d’acteurs. Une vingtaine de multinationales, dont TotalEnergies, Exxon Mobil, BP, Petrobras ou Saudi Aramco, représentent plus de la moitié du marché de l’exploration et du développement de projets d’énergies fossiles. Les banques qui les financent sont également peu nombreuses : dix d’entre elles (dont la plupart figurent dans la liste ci-dessus) ont représenté à elles seules 63 % des financements fossiles des six dernières années.
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Faute de règles contraignantes, les institutions bancaires n’agissent dans un sens plus vertueux que par bonne volonté. Le rapport signale à ce titre l’exemple encourageant de la Banque postale qui a publié en 2021 un engagement à sortir complètement du secteur des énergies fossiles en 2030. Le Crédit agricole a pris un engagement similaire mais uniquement sur le charbon.
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