Qu’attendez-vous de cette COP26 ?
Concrètement, 2021 est une année où l’on a vu l’intensification du dérèglement climatique, où le Giec nous a rappelé l’urgence à agir pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, où l’Agence internationale de l’énergie (AIE) nous a donné en mai dernier une conclusion nette et précise de ce que doit vouloir dire « être net zéro » [c’est-à-dire atteindre la neutralité carbone – voir le rapport Net Zero by 2050].
Par exemple, l’AIE a clairement établi qu’on ne peut plus développer de nouveaux champs pétroliers et gaziers si on veut atteindre la neutralité carbone et limiter le réchauffement à 1,5°C [L’objectif vers lequel doivent tendre les États signataires de l’Accord de Paris].
Ce que l’on attend aujourd’hui, ce sont des engagements de la part des acteurs financiers (les banques, les assureurs, les investisseurs) à ne plus financer l’extension de secteurs dont le développement a été jugé par les scientifiques, « incompatible » avec les objectifs climatiques internationaux. Et on veut précisément que les acteurs financiers qui sont engagés dans un objectif de neutralité carbone joignent enfin le geste à la parole et qu’ils arrêtent de soutenir le développement de tels projets.
Malheureusement, on voit bien qu’on en est très, très loin, parce que les derniers engagements qui ont été pris par les acteurs français ces dernières semaines restent très insuffisants. Comme Axa, par exemple, qui a publié vendredi dernier des engagements pour soutenir la transition énergétique mais qui donne toujours son soutien à plus de la moitié des nouveaux champs pétroliers et gaziers en développement [voir le communiqué d’Axa].
Comme les Etats et les banques publiques, les entreprises privées peuvent participer au financement du Fonds vert pour le climat, qui doit permettre de mobiliser 100 milliards d’euros par an pour favoriser la transition dans les pays du Sud et leur adaptation au bouleversement climatique. À quel niveau ?
Les acteurs financiers privés peuvent jouer le rôle d’intermédiaire pour le financement de projets d’adaptation, sous la forme de partenariats public-privé. Par exemple, le Crédit agricole a été l’une des premières banques partenaires du Fonds vert et ils ont reçu pas mal de critiques à l’époque en prenant ce rôle-là, car ils continuaient à financer des entreprises dans les énergies fossiles. Cela peut créer un gros décalage car d’un côté, certaines entreprises financent toujours le dérèglement climatique mais de l’autre, elles vont potentiellement vanter leur partenariat avec le Fonds vert et leur action climatique pour l’adaptation des pays en première ligne.
Les États ont-il des leviers d’action pour réguler les investissements des acteurs privés ?
Ils pourraient ! Le politique est le champ du possible donc ils pourraient très bien agir. Aujourd’hui, malheureusement, on voit très bien que les régulateurs ou les gouvernements eux-mêmes continuent de soutenir le développement des énergies fossiles. On l’a vu la semaine dernière avec le discours du ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, au Climate Finance Day [notre article à ce sujet]. Il a refusé de s’engager à cesser tout financement aux nouveaux projets gaziers puisqu’il dit que l’État français continuera de soutenir des projets lorsque ceux-ci répondront à des standards environnementaux plus stricts. Ça s’appelle clairement une négation de la science, car il ne s’agit pas d’avoir des projets gaziers plus ou moins propres : aujourd’hui, il s’agit tout simplement de ne plus en développer.
Et au niveau multilatéral, pourrait-on attendre de telles mesures ?
Oui bien sûr, elles sont envisageables, mais est-ce qu’on les envisage pour autant ? Non (rires). Encore une fois, c’est techniquement possible mais on ne s’attend pas du tout à ce qu’une COP aboutisse à de telles annonces. Toute la nuance entre le possible et le possible réside dans l’ambition politique.