Reportage

Climate finance day : le sommet de la finance « durable » est aussi celui du greenwashing

Le compte n’y est pas. Il aurait pu être le lieu d’annonces fortes en matière de finance durable ; le Climate finance day, qui a réuni les grands acteurs financiers français mardi à Paris, a surtout été l’occasion de discours velléitaires sans réel impact.
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Une gourde made in France aux couleurs de l’événement distribuée à l’entrée, un pin’s #MakeOurPlanetGreatAgain et un badge plastifié « It’s time for a real impact ! » : les quelque 350 participant·e·s au Climate Finance Day ne repartiront pas les mains vides. Mardi, des banques, compagnies d’assurance et institutions financières se sont réunies dans les couloirs du Palais Brongniart – l’ancienne Bourse de Paris – pour la grand-messe annuelle de la finance « durable ». 

Sous la verrière du grand hall du Palais Brongniart, une dizaine de « fintechs » (des startups qui travaillent dans le domaine de la finance) sélectionnées par un concours présentent leurs solutions aux invité·e·s pour verdir l’économie. De nombreuses tables rondes proposent, au choix, de « déverrouiller la finance pour la résilience », « protéger la biodiversité avec la finance » ou encore de « scale up » (changer d’échelle) et mesurer l’impact des entreprises. En marge de ces conférences, c’est surtout le réseautage qui fait florès dans les couloirs du colloque. 

Toute la journée, des participant·e·s au sommet se sont fait·e photographier sous le slogan « It’s time for a real impact ! » © Justine Prados / Vert

Dans un discours inaugural inspiré, le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, Bruno Le Maire, appelle les acteurs financiers privés à s’engager davantage pour être à la hauteur de l’Accord de Paris – qui prévoit de maintenir le réchauffement à moins de 1,5°C d’ici 2100. « On n’y est pas encore ! », a martelé le ministre devant l’auditorium. 

Problème : pour les ONG, c’est justement à l’Etat de forcer la main des entreprises réticentes en usant de son pouvoir de sanction. C’est d’ailleurs ce qui a poussé une vingtaine d’activistes d’Alternatiba et des Amis de la Terre, à perturber l’événement pendant plus de deux heures pour dénoncer « un sommet du greenwashing », selon Lorette Philippot, porte-parole des Amis de la Terre. Délogé·e·s par les forces de l’ordre, dix militant·e·s ont été placé·e·s en garde à vue et n’avaient pas encore quitté le commissariat à l’heure de l’écriture de ces lignes, mercredi matin.

À l’issue du discours de Bruno Le Maire, les activistes se sont versé de la mélasse sur la tête pour dénoncer les investissements des entreprises dans les hydrocarbures. Pendant qu’une trentaine d’alarmes installées par les ONG retentissaient dans la salle, elles et ils ont scandé « Macron, Le Maire, il faut choisir : les énergies fossiles ou notre avenir ». © Vincent Plagniol / Les Amis de la Terre

« Bruno Le Maire multiplie depuis trois ans les demandes pour que les acteurs français adoptent des stratégies de sortie du charbon puis des pétroles et gaz non-conventionnel, raconte à Vert Lucie Pinson, directrice générale de l’ONG Reclaim Finance, invitée à une table ronde ce jour. Aujourd’hui, il met sous le tapis sa demande non pas car ça ne l’intéresse plus, mais parce qu’il sait que les financiers ne veulent pas y donner suite, or il peut agir là-dessus ».

Les entreprises sont-elles venues pour se pousser du col ou pour entamer une réelle transition ? « Il ne tient qu’à elles de s’emparer de l’enjeu », estime Lucie Pinson. Dans une étude publiée en mars dernier, Reclaim Finance et d’autres ONG avaient calculé que les principales banques françaises avaient quasiment doublé les sommes accordées à l’industrie fossile depuis 2016, année de la signature de l’Accord de Paris. Soit 86 milliards de dollars au total (74 Mds€). Si l’investissement dans le charbon (énergie la plus sale) connaît un déclin mondial, « les banques françaises ont augmenté leurs financements aux pétrole et gaz les plus risqués, y compris ceux dits ‘non-conventionnels’ comme les gaz et pétrole de schiste », déploraient les associations. Sur le podium : la BNP Paribas, ainsi que la Société Générale dont le PDG, Frédéric Oudéa, intervenait, mardi, lors d’un « Fire side chat » (traduction approximative de « causerie au coin du feu »). Ces dernières années, plusieurs banques françaises (BPCE, Crédit Agricole, BNP et Société Générale) et l’assureur Axa ont apporté caution et financements à des projets fossiles dans la région Arctique, a alerté Reclaim finance dans un autre rapport, paru le mois dernier.

Si certaines ont pris des mesures fortes, comme le Crédit Mutuel qui a annoncé cesser « dès aujourd’hui » le financement de nouveaux projets pétro-gaziers (Les Échos), il reste encore de nombreux cancres. Comme le Crédit Agricole, qui a promis de ne plus financer les entreprises qui tirent « une part significative » de leurs revenus des hydrocarbures non-conventionnels, sans préciser ce que cela signifie (Reclaim Finance) : « Il y a de gros trous dans la raquette », déplore Lucie Pinson. Et la finance refuse toujours de saisir la balle au bond.


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